Raised by Wolves, la nouvelle prouesse visuelle mais diffuse de Ridley Scott

Raised by Wolves, la nouvelle prouesse visuelle mais diffuse de Ridley Scott

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Ⓒ HBO Max

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Par Adrien Delage

Publié le

Pour sa nouvelle réalisation en série, le cinéaste débarque avec un monde SF spectaculaire mais très cryptique.

Depuis une décennie, Ridley Scott se montre particulièrement actif sur le petit écran. S’il est souvent dans l’ombre, assis sur le banc des producteurs exécutifs, le cinéaste a participé à la réussite de The Terror, The Good Fight, The Man in the High Castle ou encore Taboo ces dernières années. En 2020, il inaugure l’une des premières séries originales de HBO Max, la plateforme de streaming de WarnerMedia, avec Raised by Wolves, une création signée Aaron Guzikowski (Prisoners). Et pour la première fois depuis les années 1960, il est retourné derrière la caméra pour mettre en scène les deux premiers épisodes du show.

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Raised by Wolves est une œuvre de science-fiction qui se déroule dans un futur dystopique. La Terre a été ravagée par une guerre nucléaire et religieuse sans précédent, qui a scindé en deux le reste de l’humanité. Pour survivre, les croyants ont fondé une arche spatiale à la pointe de la technologie. A contrario, les athées sont pris au piège sur la planète bleue, attendant leur heure. Afin de perpétuer la civilisation, ils envoient deux androïdes, Mère et Père, sur une exoplanète avec 12 embryons. Le tandem robotique a pour mission de les élever et de les éduquer au libre arbitraire, en les protégeant des croyants, à la recherche de ces enfants disparus.

Adam et Ève sans Asimov

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Dans les premiers épisodes, Ridley Scott se montre particulièrement généreux avec les sériephiles (tout comme Warner l’a été avec le budget de la série). Le réalisateur nous propose des séquences spectaculaires, entre atterrissage catastrophe d’un vaisseau spatial et scènes de combat – ou plutôt d’extermination – sanglantes, voire carrément picturales. Tournée en partie dans les paysages désertiques de l’Afrique du Sud, Raised by Wolves alimente son univers en piochant dans plusieurs monuments de la SF, des vers géants de Dune aux androïdes plus vrais que nature de Westworld, en passant par les expériences génétiques de Bienvenue à Gattaca.

Toutefois, la patte de Ridley Scott est bien présente, notamment à travers le personnage de Mère. Ce robot au courage et à la détermination sans faille, prêt à sacrifier sa vie pour “ses” enfants, rappelle les caractéristiques héroïques d’Ellen Ripley de la saga Alien. Les deux femmes partagent leur solitude ainsi qu’une haine coriace pour la race humaine, bien que Mère se révèle beaucoup plus violente quand il s’agit de se défendre. Si son interprète, Amanda Collin, en fait des caisses pour camper un robot plausible, elle donne de sa personne pour rendre Mère aussi dangereuse qu’attachante.

Si son univers est intrigant, la série peine en revanche à décoller réellement. Son scénario propose un rythme en dents-de-scie, parfois très contemplatif et d’autres fois graphiquement très violent. Tout au long de la saison, on ressent une faiblesse dans l’écriture du scénario, qui n’est pas sans rappeler certaines parties de The Walking Dead : une opposition entre deux camps, qui prend neuf épisodes à se construire pour finalement exploser dans le season finale. Le spectateur peut donc se sentir trahi par la promesse, d’autant que les thèmes sous-jacents à Raised by Wolves (l’opposition entre science et religion, le danger des IA, la véritable identité de la nature humaine) sont récurrents et donc redondants dans l’œuvre de Ridley Scott (Prometheus, Seul sur Mars, Alien: Covenant…).

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Il faut le reconnaître, malgré la beauté des plans et la présence de Travis Fimmel (Ragnar dans Vikings) au casting, on s’ennuie souvent au cours des épisodes. La faute à un univers finalement très cryptique, dont il est difficile de cerner les bases et le baragouin scientifique employé par les personnages. Pire, l’aspect très spectaculaire des deux premiers épisodes, confiés à Ridley Scott pour séduire les nouveaux abonnés, disparaît complètement au fur et à mesure des épisodes. Un paradoxe visuel et narratif total, puisque des enjeux revus à la baisse n’ont aucune chance de convaincre les spectateurs de rester jusqu’à la fin.

En fin de compte, Raised by Wolves est une belle promesse sur le papier (et ses trois premiers épisodes) qui perd en intensité et en intérêt au fur et à mesure de la saison. On appréciera le travail saisissant sur les effets spéciaux et une héroïne féminine très convaincante, héritière d’Ellen Ripley. Si vous aimez les androïdes, les planètes extraterrestres et les monstres cachés dans le noir – en somme, une grande partie de la filmographie de Ridley Scott –, la série pourrait vous plaire. Dans le cas contraire, un air de déjà-vu peu passionnant videra très clairement vos ressources en liquide amniotique.

En France, la saison 1 de Raised by Wolves sera diffusée en décembre sur Warner TV.