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Toujours aussi drôle et audacieuse, la saison 2 de Sex Education est une vraie réussite

Toujours aussi drôle et audacieuse, la saison 2 de Sex Education est une vraie réussite

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Par Marion Olité

Publié le

Les cours d'éducation sexuelle reprennent dans la joie et la bonne humeur !

Attention, il est fortement conseillé d’avoir vu l’intégralité de la saison 2 de Sex Education avant de lire cette critique, qui contient des spoilers.

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Un an et des poussières après le triomphe de la première saison, les ados terribles de Sex Education sont de retour dans une deuxième livraison, mise en ligne ce vendredi 17 janvier sur Netflix. C’est avec un plaisir non dissimulé que l’on retrouve toute la bande – Otis, Maeve, Aimee, Eric et Cie – dans leurs nouvelles aventures lycéennes et découvertes sexuelles.

Et ça commence fort avec une épidémie de chlamydia qui sévit au lycée de Moordale ! La panique générale et les fake news (drôlissimes) qui circulent sur cette MST vont obliger le directeur Michael Groff à engager bien malgré lui la queen en matière de sexe, j’ai nommé Jean, maman aussi gênante que géniale d’Otis (Asa Butterfield), interprétée par l’incomparable Gillian Anderson. Pendant ce temps, son fils, qui a finalement réussi à se masturber, se lance dans sa relation avec Ola (Patricia Allison). Mais il a du mal à ne pas penser à Maeve (Emma Mackey). Notre rebelle au grand cœur va, elle, voir revenir dans sa vie son ex-junkie de mère, flanquée de sa petite sœur. De son côté, Eric (Ncuti Gatwa) fait la connaissance d’un nouvel élève français, Rahim, incarné par Sami Outalbali (remarqué en France dans Les Grands et Mortel).

Cette foisonnante saison 2 ne pourra pas être résumée en un paragraphe, d’autant qu’au casting déjà choral de la première saison s’ajoutent plusieurs arrivant·e·s. L’un des grands mérites de Laurie Nunn, c’est justement de réussir à trouver la justesse d’un personnage, même si celui-ci n’a pas autant de temps d’écran que ses petits camarades.

La showrunneuse a fait un choix qui me semble juste. Pour éviter la répétition d’un mécanisme devenu trop clair, la structure de la première saison – Otis donne des conseils à un·e élève qui en général surpasse son obstacle sexuel d’ici la fin de l’épisode – est abandonnée. Narrativement, tout tient la route : le fils ne donne plus de conseils sexo à ses pairs car ils peuvent se tourner gratuitement vers une vraie professionnelle, sa génitrice. L’accent a clairement été mis sur les personnages secondaires, déjà bien présents en saison 1, mais qui semblaient davantage servir le récit d’Otis. Cette fois, ils vivent par eux-mêmes des moments aussi beaux que révoltants.

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Après l’épisode déjà culte It’s my vagina”, l’arc narratif le plus puissant de cette deuxième saison concerne Aimee (incarnée par la talentueuse Aimee Lou Wood), victime d’une agression sexuelle alors qu’elle se rend en bus au lycée. Sur plusieurs épisodes, la série adopte son point de vue, pour nous faire comprendre son traumatisme, et la façon dont elle le gère. On a rarement vu une agression sexuelle et ses répercussions aussi bien traitées sur un écran. Cette storyline permet aussi d’approfondir l’amitié entre Aimee et Maeve, et de mettre en avant les bienfaits innombrables de la sororité en action.

Sexualités queers

L’autre grand sujet concomitant dans Sex Education est évidemment contenu dans son titre. De ce côté-là, la série n’a rien perdu de sa capacité d’exploration, en particulier des sexualités queers. C’est simple, elle évite tous les clichés que l’on peut reprocher aux fictions qui mettent en scène des personnages LGBTQ+.

Et elle multiplie les points de vue : Adam se demande s’il est bisexuel tandis qu’Ola explore son attirance pour les femmes et penche du côté de la pansexualité. Rahim, le personnage français, est lui aussi dénué des stéréotypes habituels accolés à la France, à part peut-être le fait qu’il soit rapidement le plus à l’aise de la bande à parler sexualité. C’est lui qui renseigne ses petits camarades sur le sujet de la douche anale avant le sexe, étape taboue et pourtant incontournable dans l’apprentissage sexuel des hommes gays. À l’aide d’un graphique, il rassure ainsi Anwar, élève gay qui a une peur panique d’avoir des relations anales avec son boyfriend et de… laisser des traces après la pénétration. L’asexualité – une personne qui ne ressent pas de désir sexuel pour elle-même ou les autres – est également abordée. 

Donc si vous avez l’impression que Sex Education avait balayé tous les sujets liés aux sexualités, cette saison 2 est là pour nous rappeler que non, pas du tout. On assiste également aux premiers rapprochements d’Ola et Lily, qui découvrent ensemble, à tâtons, une nouvelle sexualité. 

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La série rectifie au passage l’un des reproches que j’ai pu faire à la première saison, qui mettait en scène une relation amoureuse problématique entre la brute mal dans ses baskets Adam – ado traumatisé par un père dur, violent et réfractaire à la communication – et Eric. Si l’alchimie est indéniable entre les deux hommes, elle reproduisait un trope malsain des séries ado : faire tomber amoureux le bully et la victime, ici Adam et Eric. Les deux tourtereaux ont le loisir de revenir sur cette dynamique lors d’une deuxième saison qui voit le jeune homme hésiter (légitimement) entre son premier grand amour et son nouveau crush, Rahim. Mais aussi exprimer ses sentiments envers l’un et l’autre. 

Après que Maeve a mis un terme à sa relation avec Jackson (Kedar Williams-Stirling), on avait un peu peur que ce dernier ne soit relégué au fin fond du lycée de Moordale. Il n’en est rien. Il possède même l’une des plus belles évolutions, avec Adam, de cette deuxième saison. Toujours malheureux et poussé à bout par l’une de ses mères à faire de la natation en compétition, le jeune homme en vient à s’automutiler volontairement pour échapper à son destin. Se tournant vers le théâtre, il va développer une amitié improbable avec Viv (Chinenye Ezeudo), une ado qui est, sur le papier, son exact inverse. Il est un beau gosse athlète, elle est grosse et geek. S’il va d’abord la voir pour qu’elle l’aide dans ses devoirs tandis que lui va jouer les coachs en confiance en soi, la relation devient de plus en plus sincère et touchante au fil des épisodes.

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Notons qu’une amitié entre un homme et une femme noire est quelque chose qu’on voit encore très peu sur les écrans, surtout aussi joliment développée. C’est la grande force de Sex Education, série aussi audacieuse qu’inclusive, qui se tourne en général vers des protagonistes et des arcs narratifs encore très peu exploités ailleurs. Maeve va ainsi également se lier d’amitié avec Isaac (George Robinson), son nouveau voisin, un jeune ado en situation de handicap, qui n’est pas un saint, juste un être humain.

Et alors, où en est notre couple phare, Otis et Maeve ? C’est peut-être de leur côté que le bât blesse. Cette deuxième saison joue une nouvelle fois sur les quiproquos en tout genre pour faire durer une accroche bien connue des fans de séries, le fameux “do they/won’t they” (“ira, ira pas ?”) ? Si au début, les obstacles qui les séparent – la difficulté de communiquer ses sentiments, la fierté de l’un·e ou de l’autre – semblent crédibles, leur répétition devient artificielle. Surtout pour une série qui ne fait habituellement rien comme les autres.

En dehors de leurs amours, la série faisant la place à bien d’autres protagonistes – et aussi aux parents avec Jean, son ex-mari Rémi (le toujours excellent James Purefoy), mais aussi la mère de Maeve –, nos deux héros sont un peu plus en retrait et semblent bizarrement faire du sur place par rapport à leurs camarades. Ce petit bémol ne nous empêchera pas de savourer une deuxième saison brillante, généreuse, drôle et toujours aussi instructive, qui donne envie de souhaiter longue vie à Sex Education !