En saison 3, Désenchantée perd de sa magie

En saison 3, Désenchantée perd de sa magie

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Par Delphine Rivet

Publié le

Si la série de Matt Groening a immédiatement trouvé son identité, c’est sur la longueur que le bât blesse.

Nous avions laissé Princesse Bean en fâcheuse posture il y a plus d’un an. Sur le point d’être brûlés vifs par les villageois de Dreamland, Bean et ses deux complices, Elfo et Luci, échappaient de peu à une fin terrible. Le sol se dérobait sous leurs pieds et nos trois compères se retrouvaient alors dans une grotte, plongés dans une inquiétante obscurité. Quand leur torche éclairait enfin les alentours, des murs d’yeux globuleux se dressaient devant eux. Sortant de la pénombre, la mère de Beanie, la reine Dagmar, faisait alors son entrée.

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Ce 15 janvier, Netflix a mis en ligne la saison 3 (ou la première partie de la saison 2, on s’y perd un peu) de Désenchantée, dernière série animée en date de Matt Groening, le papa des indétrônables Simpson et de la plus confidentielle mais tout aussi adorée Futurama. Le poids de l’héritage est lourd, et Princesse Tiabeanie ne le sait que trop bien. Pas facile de passer après deux séries cultes. Pas facile non plus d’embrasser son destin de future reine de Dreamland, maintenant que sa mère vit recluse six pieds sous terre et que son père est devenu fou. Elle va devoir déjouer des complots venant de l’extérieur et de l’intérieur même de son royaume, une supposée malédiction.

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Hélas, les aventures de Bean et de ses compagnons s’essoufflent très vite et la série pâtit d’un scénario qui s’effrite, se délite, à mesure que l’on progresse dans l’intrigue. Cette saison 3 nous balade, d’un pays à l’autre, d’un décor au suivant, ce qui, au lieu de dynamiser la narration, nous laisse surtout, à l’arrivée, avec un goût d’inachevé voire, par moments, d’improvisation. Car le problème de Désenchantée, ce n’est ni ses mini-aventures, ni ses dialogues, ni son humour (qui fait souvent mouche), mais son absence de colonne vertébrale. Il y avait déjà des signes en saison 1, mais le souci est encore plus manifeste ici.

On rencontre en chemin une multitude de nouveaux personnages et on nous apporte de nombreuses informations, tout ça pour ne voir aboutir aucune relation entamée ni aucune intrigue enclenchée plus tôt. Au lieu de ça, Désenchantée fait de curieux choix scénaristiques, comme lorsqu’elle perd un temps fou sur le fait qu’Elfo tombe amoureux d’un bateau. Sur le papier, on n’a rien contre ce genre de frivolités qui ne servent à rien, mais quand elles prennent la place qui aurait dû être consacrée à faire avancer l’arche narrative principale, c’est problématique. C’est d’autant plus dommage que Désenchantée est nettement meilleure pour raconter les petites histoires plutôt que les grandes.

Lorsqu’elle décide de nous faire marrer avec des gags visuels ou des dialogues, elle y parvient sans peine, même si elle se repose aussi beaucoup sur certains gimmicks plus lourds qu’efficaces (comme ce pauvre Herman qui se prend toujours une flèche en feu). Son plus grand atout depuis la saison 2, et elle le sait, c’est Steamland. On peut sentir à travers l’écran l’excitation des scénaristes et des animateur·rice·s, stimulé·e·s par l’univers steampunk, où la magie réside dans l’électricité et les mécanismes bien huilés, et où les vannes sont dans chacun des recoins de l’image.

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Matt Groening est à l’aise avec l’exercice de l’épisode indépendant, beaucoup moins dans celui d’une construction narrative au long cours. Les Simpson a toujours rejeté l’idée de continuité et ses personnages n’ont pas bougé depuis presque 32 ans, avec le succès que l’on connaît. Futurama, elle, avait conscience de son passé et des aventures vécues en chemin, mais ne s’y raccrochait pas comme une moule à son rocher. Elle restait libre de ses mouvements et les missions de l’équipage du Planet Express, contenues dans un épisode (voire un double épisode) se suffisaient à elles-mêmes.

Dans le ton, Désenchantée est plus proche de cette dernière que des Simpson, mais la maîtrise de son fil conducteur laisse à désirer. On nous jette alors des débuts de pistes (les pouvoirs de Bean, sa romance avec la sirène Mora, le complot fomenté par Alva, le retour de Dagmar…) comme des miettes de pain pour nous mettre en appétit, sans le moindre pay-off à l’arrivée. Les réponses viendront certainement dans la deuxième moitié de la saison (ou la partie 4… vraiment, on est largué).

Ce qui nous pousse à regretter le choix de Netflix de diffuser Désenchantée par blocs, la privant ainsi d’une unité narrative. D’un côté, on nous demande d’envisager les intrigues sur des arches de vingt épisodes, de l’autre, la plateforme ne les met en ligne que par paquets de dix. Et dans ce marasme, l’écriture ne prend pas en compte cette rupture entre les parties 1 et 2. On reste sur notre faim, sans même avoir l’assurance que notre patience sera enfin récompensée quand Netflix décidera de nous montrer la suite. En attendant, l’expérience est, hélas, bien frustrante.

Désenchantée est disponible sur Netflix.