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Avec son premier épisode, la saison 3 de The Handmaid’s Tale a un goût de revanche

Avec son premier épisode, la saison 3 de The Handmaid’s Tale a un goût de revanche

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© Hulu

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Par Delphine Rivet

Publié le

Un season premiere étonnamment teinté d’espoir. Attention spoilers !

Dans la longue liste des erreurs de jugements de June, il y avait, à la toute fin de la saison 2, cette décision presque incompréhensible : la jeune femme en fuite avec son bébé dans les bras se voyait offrir un aller simple pour la liberté, en compagnie d’Emily. Elle choisit finalement de confier l’enfant à son amie, et de rester sur place.

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“Are you insane ?”

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“I have reasons. There always are reasons. I’m sorry, baby girl. Mom’s got work”. C’est avec ses mots que l’on retrouve June dans ce premier épisode de la saison 3 de The Handmaid’s Tale. L’histoire reprend exactement là où on l’avait laissée. Il faut dire que la moindre ellipse serait contraire à l’ADN de cette série, qui ne nous épargne aucun moment difficile, ni aucune circonvolution narrative. Et puis, il fallait bien justifier ce twist à peine croyable en fin de saison 2.

Il symbolisait à lui seul le piège dans lequel s’est empêtré The Handmaid’s Tale : dépasser le récit du roman de Margaret Atwood (qui est contenu dans la saison 1), ça implique que June doit rester à Gilead coûte que coûte, même quand la liberté lui tend les bras. Bruce Miller, le showrunner, avait donc opté pour le cri du cœur : June ne pouvait décemment pas abandonner sa fille Hannah.

Elle aurait pourtant pu agir, en sécurité, de surcroît, depuis le Canada, où se trouve un foyer de résistance, et où elle a des allié·e·s comme son mari Luke, Moira et désormais Emily. Sur cette base un peu fragile, il faut donc bâtir un nouveau récit : celui de la résistance vécue de l’intérieur. Et ça tombe bien, les femmes de la série ont une sacrée revanche à prendre.

Le Commandeur Lawrence se fait notre voix à tous et toutes quand il demande “Are you insane ?”. June veut récupérer Hannah, adoptée par le Commandeur McKenzie et son épouse, avant de tenter à nouveau de fuir vers le nord. Mais alors qu’elle parvient, avec une étonnante facilité, à entrer dans la maison du couple et à se faufiler jusque dans la chambre de sa fille assoupie, elle est rattrapée par la milice et reconduite manu militari chez les Waterford.

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On sent immédiatement, quand elle est confrontée par Fred en la présence de Serena Joy, que le rapport de pouvoir est en train de changer dans la maison. Interrogée par son “maître”, June s’adresse uniquement à son épouse. L’effrontée. De femme à femme, de mère à mère, la sororité naissante, compliquée et subtile, entre les deux met en infériorité le Commandeur. Le voile que Serena avait devant les yeux, un endoctrinement mêlé à un sens aigu de la préservation de ses privilèges, s’est levé depuis la fin de saison dernière.

Dans une scène magnifique, riche en symbolisme dont The Handmaid’s Tale a le secret, elle met le feu au lit conjugal. Et, alors que l’incendie se propage, tapisse les plafonds de fumée et fait craquer les fondations, c’est toute la demeure qui semble geindre, pleurer et expier toutes les horreurs qui s’y sont déroulées. June prend son temps. Elle touche les murs et contemple avec satisfaction l’un des symboles de sa souffrance se consumer sous ses doigts.

“Burn, motherfucker, burn”

Ils sont rares, ces moments où la série nous donne de telles scènes d’empowerment féminin sans que les conséquences se fassent immédiatement sentir. C’est une vraie respiration, et une note d’espoir bienvenue. Ce ne sera pas la seule de l’épisode puisqu’Emily, avec le bébé Nichole dans les bras, affronte les eaux glacées d’un torrent pour enfin, atteindre les rives du Canada. Secourue par la Border Patrol, celle qui n’a connu des hommes que la brutalité est d’abord sur la défensive, avant de comprendre qu’elle est désormais une réfugiée politique protégée par le droit d’asile.

La caméra ne la quitte pas, et notre gorge se noue quand elle réalise, encore toute tremblante de froid et de peur, qu’elle est enfin en sécurité. Libre. La série rend enfin justice à l’une de ses héroïnes les plus maltraitées (lesbienne, elle a subi une ablation du clitoris en guise de punition, en plus de tous les sévices réservés aux handmaids). L’autre moment poignant de ce season premiere, c’est lorsque June, renvoyée au Red Center en attendant d’être placée dans un autre foyer, apprend par une autre servante qu’Emily et Nichole sont saines et sauves au Canada.

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C’est un festival d’émotions qui traverse le visage d’Elisabeth Moss, toujours aussi bouleversante quand la caméra est braquée sur elle. Elle ne laisse pas échapper un cri, ni la moindre larme, jusqu’à ce lumineux sourire de soulagement. Après ce bref passage au Red Center, elle est envoyée dans une autre maison. On craint le pire, mais la voix hors-champ du Commandeur Lawrence nous rassure rapidement : elle est en lieu sûr.

Du début à la fin, cet épisode inaugural rompt avec la tradition de The Handmaid’s Tale — à qui l’on a pu reprocher une certaine complaisance pour le torture porn en laissant entrevoir un futur, sinon plus serein, du moins respirable. June a désormais des allié·e·s, et pas des moindres, même si Serena a encore son propre chemin à faire. Cette dernière a ses propres chaînes à briser.

Mais cette saison 3 a déjà rebattu les cartes en faisant de Fred, autrefois figure glaçante et autoritaire, un homme à qui tout échappe. Il n’a d’ailleurs que peu de dialogues dans cet épisode, sa propre servante l’ignore, sa femme le défie, et parce qu’elles ont pris part au “kidnapping” du bébé, son poste de haut fonctionnaire de Gilead est désormais menacé. Mieux encore, pour la première fois, Fred craint pour sa peau, tandis que Serena et June se délestent de leurs peurs pour résister, chacune à son niveau.

Qu’elle est douce cette revanche. D’abord, s’attaquer au patriarcat au niveau domestique, puis ce sera le moment de renverser le régime tout entier de Gilead. Bien sûr, il y aura des conséquences. On sait que les éclaircies sont passagères dans The Handmaid’s Tale et les petites victoires sont souvent des leurres. Mais après deux saisons à faire subir les pires tortures à ses héroïnes, la série n’aurait plus aucun intérêt à maintenir le statu quo. La lente progression de June et Serena s’est parfois faite au prix du récit, et l’histoire ne peut plus se permettre de détours artificiels. L’heure de la résistance a sonné.

La saison 3 de The Handmaid’s Tale est diffusée sur OCS Max.