La saison 4 de Rick et Morty est méta… et tellement plus encore

La saison 4 de Rick et Morty est méta… et tellement plus encore

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© Adult Swim

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Par Delphine Rivet

Publié le

Une saison plus introspective qui ne plaira pas à certains... mais ça, les showrunners s'en foutent et assument !

Après deux ans et demi d’absence, Rick et Morty nous revenait en novembre dernier, par la grâce de la chaîne Adult Swim. Cinq petits épisodes pour commencer, puis il a encore fallu attendre cinq mois de plus avant de voir la seconde moitié de la saison 4. Aimer cette série est devenu un sacerdoce. Ce retour qu’on attendait tant a, dans l’ensemble, tenu ses promesses. La série est fidèle à elle-même, mais il semble que ce long break ait profité aux scénaristes qui se permettent au passage d’adresser un message à ses fans les plus toxiques.

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Toujours aussi drôle et “cringe” donc, cette saison 4 a surtout placé Rick sur le chemin de l’éveil émotionnel. Mollo hein, quand même, on parle de ce vieux (mais brillant) grincheux qui risque la vie de ses proches à chaque épisode. On a toutefois entamé la saison 4 avec un Rick plus à l’écoute, bien malgré lui dans un premier temps, et, au fil des épisodes, plus enclin à montrer qu’il tient aux siens – mais pas à Jerry, faut pas déconner ! Le point culminant de cette évolution est atteint dans les deux derniers épisodes.

“Childrick of Mort”, le 9e, nous offre par exemple une belle storyline explorant la relation père/fille entre Rick et Beth. Des moments de complicité dans l’adversité précieux car très rares. Les membres de la famille Smith ont d’ailleurs gagné en autonomie, nécessitant moins la protection du facétieux grand-père, ce qui les autorise à exister davantage comme des acteurs de leur propre histoire plutôt que comme des personnages en orbite autour de nos deux héros.

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La série propose différents degrés de lecture de telle sorte que chacun·e y trouve son compte. C’est particulièrement vrai en saison 4 où l’on peut apprécier les intrigues distinctes de chaque épisode, mais aussi percevoir comment ceux-ci sont parfois imbriqués — le parti pris méta est ici un travail d’orfèvre dont seul·e·s les plus attentif·ve·s pourront se délecter — et enfin contempler le niveau d’exigence narrative et les petites perles philosophiques glissées çà et là.

Dans Rick et Morty, on s’interroge évidemment sur les grands principes qui ont agité la science-fiction et ont inspiré les plus grand·e·s auteur·ice·s depuis des siècles — comme connaître son futur pour le modifier, intervenir dans l’évolution d’une civilisation, ou encore le clonage. Dans l’épisode 6, intitulé “Never Ricking Morty”, nos deux compères se retrouvent à bord du Story Train. Quand on parlait de narrations intriquées et de parti pris méta… on est en plein dedans ! Ici, la série se regarde le nombril avec une humilité désarmante, s’interrogeant sur son avenir, sur ses gimmicks, sur le maillage de ses intrigues, et sur les conséquences à long terme de sa propre écriture.

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La série joue aussi à un jeu dangereux, mais le fait avec l’agilité d’un équilibriste. Elle résiste à la fois à l’idée de se censurer au risque d’irriter la frange la plus progressiste de ses téléspectateur·rice·s mais est aussi bien consciente de la toxicité de certains de ses fans — une minorité qui fait plus de bruit que le reste du fandom et qui a entaché les dernières saisons par ses exigences. Dès le premier épisode de cette saison, la série aborde le problème comme elle seule sait le faire : sans prendre de gants.

Dans “Edge of Tomorty: Rick Die Rickpeat”, la conscience du scientifique est restaurée plusieurs fois dans ses clones, dispatchés dans le multiverse. Problème, chaque réalité alternative a été prise d’assaut par les fascistes. Plus tard, il tombe sur une version nazie de Morty réclamant que celui-ci se concentre sur ce qu’il fait mieux : ses aventures “fun” et “classiques”. Ces mots ne sont pas choisis au hasard puisqu’en saison 3 (en 2017), certains fans mettaient la supposée baisse de qualité de la série sur le dos des femmes scénaristes fraîchement embauchées, Jane Becker et Jessica Gao, allant jusqu’à les harceler en masse sur les réseaux sociaux. Des attaques misogynes qui, hélas, n’étonnent personne mais qui ont été promptement dénoncées par Dan Harmon, qualifiant les geignards de “têtes de nœuds qui pensent protéger une œuvre qui ne leur appartient pas”. Cette liberté et ce refus de se plier à ce qu’on attend d’elle, c’est une rareté dont Rick et Morty peut se gargariser.

Le hiatus de deux ans et demi a eu des effets surprenants sur la série, qui réfléchit bien plus sur elle-même qu’auparavant. Ou du moins, rend ce processus d’introspection bien plus visible. C’est encore la marque d’une lecture en paliers : l’aspect méta de Rick et Morty, ça n’est pas juste des easter eggs pour régaler les fans, c’est aussi et surtout une façon, pour Dan Harmon et Justin Roiland de coucher sur le papier leurs propres cheminements en tant que showrunners. Le premier, narcissique autoproclamé, nous avait d’ailleurs habitués à cette forme de thérapie par l’écrit dans sa précédente série Community. Derrière les gags et, là encore, un humour autoréférencé, elle laissait surtout transparaître les doutes, les tentatives, les satisfactions et les atermoiements d’un créateur brillant, parfois dépassé par son œuvre.

La saison 4 de Rick et Morty est visible sur Adult Swim France.