En première moitié de saison 5, Lucifer est fun, un peu méta et doublement sexy

En première moitié de saison 5, Lucifer est fun, un peu méta et doublement sexy

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Par Delphine Rivet

Publié le

En attendant de découvrir la suite sur Netflix, à une date encore indéterminée, on s'est jeté sur ces huit premiers épisodes.

Quelques mois après avoir appris que non, finalement, la saison 5 de Lucifer ne serait pas la dernière – Netflix a renouvelé la série pour une sixième et ultime saison –, on attaque cette première partie avec gourmandise. Huit épisodes, d’une formule que l’on connaît désormais par cœur, rallongés de quelques minutes depuis que Netflix a sauvé le roi des Enfers de l’annulation.

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Toujours aussi sexy, Lucifer, installée depuis une saison sur la plateforme, reste fidèle à son humour cheeky et son impertinence faussement transgressive. Son plus grand acte de bravoure se résumant à suggérer (c’est à peu près aussi fugace qu’une étoile filante) la bisexualité de son héros. On n’attendait pas non plus une révolution en passant de la chaîne FOX à Netflix, mais on n’aurait pas craché sur un petit upgrade en termes de ton. Ah non, pardon, on a failli oublier : cette saison 5 nous gratifie d’un loooong plan, en travelling avant, de Lucifer, nu, et de dos. Rien que pour ça, merci.

Cette première partie de saison 5 est fun et, en dépit d’épisodes plus longs depuis que la série est sur Netflix (ils sont passés de 42 à 50 minutes), assez rythmée. Les intrigues s’articulent autour de deux axes principaux, la relation entre Lucifer et Chloe qui passe enfin à la vitesse supérieure, et la mythologie de la série que l’on croyait connaître mais qui vole en éclats. Si l’on a ressenti une indifférence polie devant le premier arc narratif (ça fait 5 saisons qu’on nous balade avec ce trope, la lassitude est grande), le second, en revanche, nous a davantage passionnés. On a bien conscience que ces bouleversements sont aux services du will they/won’t they entre les deux amants maudits qui n’avait que trop duré, mais le piège est trop beau pour ne pas se laisser tenter.

Lucifer découvre qu’il a perdu son “mojo”. Lorsque Chloe rejoue les préliminaires, le matin après leur première nuit torride, elle réalise qu’elle a désormais le pouvoir de faire avouer au Diable en personne ses désirs les plus secrets. Ce dernier est à son tour incapable de persuader le moindre mortel de lui révéler sa plus sulfureuse confession. Que devient Lucifer sans son charme ?

Le fait de perdre, puis de retrouver ses ailes au début de la série était une métaphore à peine voilée de sa masculinité. Qu’en est-il de son pouvoir de persuasion ? Puisqu’il s’agit ici d’une transmission – que Chloe associe, non sans humour, à une IST –, le roi des Enfers va en tirer plusieurs leçons de vie fort utiles : il va déjà devoir apprendre à partager, accepter que, dans cette relation, il n’aura pas toujours l’ascendant, et que son apport dans les enquêtes ne se résume pas à son petit tour de passe-passe. Bref, c’est un peu la saison de la maturité pour Luci.

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Et ça tombe bien puisqu’il n’est pas le seul à traverser une crise existentielle. Chloe, en premier lieu, découvre que son existence tout entière est un mensonge : elle aurait été créée par Dieu comme un cadeau pour Lucifer. L’objectification des femmes prend ici un tournant inattendu… L’inspecteur Decker est littéralement un joujou, une mauvaise blague divine, un pion dans le céleste échiquier. Et forcément, ça lui fait un choc. Lucifer et elle sont désormais un couple, mais les scénaristes continuent d’insérer du conflit pour que leur relation reste fragile en dépit de leurs sentiments très forts. Mais on voit clair dans leur jeu, et il serait temps d’arrêter d’hameçonner les fans avec ce cliché des amants maudits qui ne pourront jamais être totalement ensemble. Nos deux tourtereaux ont bien mérité un petit peu de sérénité, que diable !

En parlant de démon, la pauvre Maze, personnage à la trajectoire négligée durant la majorité de la série – elle a heureusement réussi à s’imposer comme une héroïne badass et ultra-attachante en dépit de ça –, prend un peu d’importance cette saison. Elle écope d’une storyline poignante sur ses origines, sa solitude et son désir d’avoir une âme. L’occasion de constater, plus encore qu’auparavant, que Lesley-Ann Brandt, divine créature, est une formidable actrice dont les performances sont souvent plus justes et puissantes que celles de ses petits camarades. Elle a ici une partition plus conséquente à jouer, mais ça ne signifie pas nécessairement que la série a toujours fait de bons choix la concernant.

Car pour que Michael ne soit pas seul à affronter Lucifer et Amenadiel dans le dernier épisode, les scénaristes ont jeté Mazikeen dans l’équation, faisant d’elle une antagoniste qu’on n’avait pas nécessairement envie de voir dans cette posture. Elle ne sert, ici, qu’à égaliser le rapport de force, alors qu’elle mérite tellement mieux que ça. La chasseuse de primes est l’un des personnages chouchous de la série : la faire confronter Lucifer, qui lui a caché ses origines, est une chose ; la faire combattre aux côtés du grand méchant de la série en est une autre. C’est un pas que la série n’aurait probablement pas dû franchir, personne n’ayant envie de choisir entre le camp de Lucifer et Amenadiel, et celui de Maze. On se rassure en se disant que les scénaristes rattraperont le coup par la suite, mais notre démone préférée va sûrement encore devoir se farcir une quête de rédemption.

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Fort heureusement, ces huit premiers épisodes de la saison 5 nous ont aussi donné beaucoup d’occasions de nous réjouir. La série embrasse plus que jamais son côté méta, faisant notamment un clin d’œil à ses inspirations soapesques, et prend le trope du evil twin au pied de la lettre. Tom Ellis fait ce qu’il peut avec l’accent américain et la posture tordue de son jumeau pour donner vie à Michael, mais l’arrivée de l’archange dans le gang est un élément perturbateur assez savoureux. L’affrontement entre ces deux-là atteint d’ailleurs son paroxysme dans le dernier épisode de cette première partie, avec une scène de bataille plutôt bien foutue. L’occasion pour Kevin Alejandro, l’interprète de Dan, de passer derrière la caméra. Un rôle finalement plus valorisant que celui qu’il tient à l’écran.

Parmi les autres exercices de style, on peut citer l’épisode 4, “It Never Ends Well for the Chicken”, tourné façon film noir dans le New York des années 1940. Une belle illustration du fait que la richesse de la série repose aussi sur ses nombreux personnages féminins, puisqu’il opte pour un gender bender, un principe selon lequel on change le genre de certains personnages. Ici, Lauren German, qui joue habituellement Chloe, incarne le détective privé Jack Monroe, ou encore Aimee Garcia, aka l’adorable Ella, qui campe un parrain de la mafia locale. Ce bottle episode (un épisode un peu à part du reste de l’intrigue, que ce soit par le ton, le style, la temporalité ou l’histoire) est plutôt une réussite, et l’occasion de revoir Tricia Helfer, qui n’avait pas mis les pieds dans la série depuis la mort de Charlotte.

Lucifer montre aussi qu’elle a pas mal d’autodérision avec le très méta “¡Diablo !” (l’épisode 3), dans lequel Chloe et le roi des Enfer enquêtent sur le tournage d’une série inspirée de leurs propres aventures. Le concept est loin d’être innovant, Supernatural nous a par exemple régalés, il y a bien longtemps, avec “Changing Channels” ou encore “The French Mistake”. Mais ce type d’exercice est toujours l’occasion pour une série de montrer qu’elle a du second degré, et qu’elle sait ce qu’elle est. Dans le cas de Lucifer, qui n’a pourtant plus à prouver son sens de l’humour, “¡Diablo !” est un bon moyen de se moquer de certains clichés scénaristiques largement usités par ses scénaristes.

On regrette simplement la lourdeur de la caricature et le manque de mordant qui fait perdre un peu de sa force à l’exercice d’autocritique. Mais, on ne va pas se mentir, si on regarde Lucifer, ce n’est pas en espérant des intrigues subtiles et des personnages introspectifs. C’est aussi pour ça qu’on l’aime – parfois un peu en cachette, mais peu importe –, parce qu’elle a ce doux parfum de guilty pleasure, de série sans prise de tête, où l’on voit parfois les twists arriver à des kilomètres (coucou le tueur en série des deux derniers épisodes, avec tes gros sabots, on t’a grillé au bout de 2 minutes de présence à l’écran). On ne vous fera donc pas l’offense de trop l’intellectualiser, puisque elle-même nous fait ce cadeau très simple mais salvateur en cette période angoissante : Lucifer est fun, sexy et surtout divertissante, et c’est déjà une très noble mission, qu’elle accomplit parfaitement.