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Sermons de minuit, par le créateur de The Haunting, entre foi et effroi

Sermons de minuit, par le créateur de The Haunting, entre foi et effroi

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© Netflix

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Par Delphine Rivet

Publié le

Attendu comme le messie, le nouveau conte horrifique de Mike Flanagan ennuie plus qu’il ne terrifie. Notre critique, sans spoiler.

Lorsque Riley (Zach Gilford) revient sur sa petite île de Crockett Island, il amène avec lui de sacrés bagages. Il y a quatre ans, alors qu’il conduisait en état d’ébriété, il a tué une jeune femme. Depuis, il a purgé sa peine de prison mais sa blessure, elle, est toujours béante. Tous les soirs, dans son lit, il est hanté par l’image de sa victime. Si sa liberté toute relative dépend de sa sobriété – il n’a pas bu une goutte d’alcool depuis ce soir-là –, Riley réalise vite qu’il est son propre poison, intoxiqué par sa culpabilité. Il doit désormais retrouver sa place au sein de sa famille, et de sa communauté, ce qui ne sera pas une tâche facile.

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Heureusement, la présence familière et rassurante d’Erin (Kate Siegel), son amour de jeunesse, l’aidera dans son long parcours de guérison. Au même moment, les paroissien·ne·s attendent fébrilement le retour de Monseigneur Pruitt. Mais le prélat, aux abonnés absents, est, à leur grande surprise, remplacé par un jeune prêtre plein de fougue : le père Paul (Hamish Linklater). D’abord sur leurs gardes, les habitant·e·s de l’île vont vite retrouver le chemin de l’église, et la foi, lorsque ce dernier réalise un authentique miracle sous leurs yeux.

La patte de l’auteur

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Comme tous les personnages imaginés par Mike Flanagan, les fantômes qui hantent ceux de Midnight Mass (Sermons de minuit, en VF) sont le reflet de leurs tourments intérieurs plus que de véritables représentations d’une quelconque vie après la mort. Et de mort, il est d’ailleurs question dans l’épisode 4 qui symbolise à lui seul le paradoxe qu’est cette série très belle, superbement jouée, avec un réel point de vue sur la religion et la foi, mais aussi incroyablement bavarde. Depuis sa sublime The Haunting of Hill House, Mike Flanagan, qui s’était déjà illustré au cinéma, a redonné vie à la série d’auteur d’horreur.

Un titre qu’on pouvait, ces dernières années, attribuer à Ryan Murphy et Brad Falchuk pour American Horror Story, dans une moindre mesure puisque leur démarche consiste plus à imposer une marque de fabrique qu’un véritable regard d’auteurs sur le genre. La patte de Flanagan, c’est l’intime. Il raccroche irrémédiablement le surnaturel, le gore et le démoniaque à l’humain. Ange ou démon ? Religion ou culte ? Le créateur entretient le flou. C’est cette zone grise qui nous intéresse justement dans Midnight Mass.

Ici, contrairement aux deux saisons de The Haunting, ce n’est pas une famille qui se déchire, mais une microsociété représentée par cette petite communauté isolée du reste du pays. Le principal cliché des films ou séries sur des maisons hantées, c’est que, sans l’intervention des scénaristes trouvant des excuses toutes plus bancales les unes que les autres pour faire rester leurs protagonistes, il serait aisé de s’en échapper.

Situer l’intrigue sur une île, en revanche, c’est l’assurance qu’ils/elles n’auront nulle part où aller. Bien sûr, c’est loin d’être une invention de Mike Flanagan – récemment, la série The Third Day avec Jude Law reprenait ce trope ultra-efficace –, mais plutôt qu’un piège, cette unité de lieu permet un effet de loupe fort intéressant sur les quelques âmes qui peuplent Crockett Island. Le symbolisme surnaturel tourne donc à plein régime, comme sur ses deux précédentes séries.

Les sermons de l’ennui

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Pourtant, en dépit de ses qualités visuelles et d’interprétation, Midnight Mass rate le coche en nous assommant de bavardages ininterrompus et parfois prétentieusement poétiques. Mike Flanagan, qui a lui-même grandi dans une famille très catholique, y déverse pas mal de ses griefs, peut-être même ses traumatismes, contre l’Église et le fanatisme de ses adeptes.

Si l’exercice s’avère sûrement thérapeutique pour lui, il devient une véritable tannée pour nous qui subissons les fameux sermons du titre durant de longues minutes. Lestée par ces logorrhées liturgiques, l’intrigue a du plomb dans l’aile. Elle aurait pu tenir en quatre épisodes, voire cinq. On n’est pas contre un slow burner, ce n’est d’ailleurs pas le rythme plutôt lent de Midnight Mass qui est en soi un problème, tant il autorise ses personnages à changer, à réaliser, à accepter l’impensable.

Le charisme de Hamish Linklater ne suffit pas, hélas, à maintenir notre intérêt lorsque la série choisit de nous infliger ses prêches dans leur intégralité. L’horreur est ici dans les cœurs, et moins dans ce que l’on voit. C’est un peu dommage que Flanagan perde cet équilibre si fragile, et qui faisait toute la magie de ses deux précédentes créations, entre effroi et désespoir. Les quelques jump scares de Midnight Mass ne suffisent hélas pas à la rendre vraiment dérangeante ou flippante.

Reste toutefois une ambiance, pesante, que l’auteur maîtrise à la perfection et à laquelle il parvient à injecter un peu de douceur au compte-gouttes. La série n’est pas avare de scènes aussi belles que déchirantes, servies pas un cast irréprochable, et c’est sans doute là qu’elle trouve son salut. Midnight Mass manque de souffle, mais certainement pas de cœur.

Les sept épisodes de Midnight Mass, ou Sermons de minuit en VF, sont disponibles sur Netflix.