Shadow and Bone : une adaptation solide et addictive pour la saga Grisha sur Netflix

Shadow and Bone : une adaptation solide et addictive pour la saga Grisha sur Netflix

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Par Adrien Delage

Publié le

Une recette classique mais efficace, héritée des franchises Young Adult du grand écran comme Hunger Games.

Après The Witcher et en attendant sa version du Monde de Narnia, Netflix continue de surfer sur le succès des adaptations de romans de fantasy. Sa nouvelle pépite est la trilogie littéraire Grisha de Leigh Bardugo, publiée entre 2013 et 2018 et vendue à plusieurs millions d’exemplaires à travers le monde. Moins connue dans nos contrées, l’auteure américano-israélienne est pourtant une écrivaine de romans pour jeunes adultes montante depuis le succès de sa saga. D’ailleurs, elle avait déjà été en contact avec DreamWorks neuf ans auparavant pour transposer l’univers des Grisha sur nos écrans. Il aura fallu attendre 2019 et l’investissement de Netflix pour convertir le projet.

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Shadow and Bone nous emmène dans un monde postapocalyptique ravagé par la guerre, où de puissantes forces magiques ont bouleversé l’ordre des choses. Les survivants sont désormais divisés en deux groupes, séparés par un étrange brouillard opaque et dangereux appelé le Shadow Fold. Dans ce territoire hostile évoluent des créatures terrifiantes, que certains voyageurs tentent malgré tout de traverser pour le bien du commerce et des relations entre les deux camps.

Le Shadow Fold a été créé par une Grisha, des sortes de sorcières et sorciers désormais stigmatisés et rejetés par la société. Selon une ancienne légende, c’est un invocateur du soleil qui sera capable de briser la malédiction et libérer l’humanité de cette zone ténébreuse. Le destin semble finalement se mettre en place lorsque les pouvoirs exceptionnels de la jeune Alina, une orpheline jusque-là insouciante de son don de lumière, se réveillent. Elle devient alors l’objet de toutes les convoitises, celle du royaume pour l’utiliser comme arme, mais aussi celle de brigands bien décidés à l’asservir pour contrôler le Shadow Fold et ses échanges fructueux.

Un univers dense et ténébreux

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Il n’est jamais simple de pénétrer dans un univers de fantasy, chacun proposant ses propres codes, vocabulaires voire langages inconnus. On se souvient de l’introduction difficile de Game of Thrones et The Witcher pour les non initiés, et Shadow and Bone ne déroge pas à la règle. Le showrunner Eric Heisserer (Premier Contact) et son équipe de scénaristes ont fait un choix d’exposition, ou plutôt de non-exposition, qui fera débat : l’introduction de la série est assez bordélique, puisque ses créateurs ont choisi de nous plonger au cœur de l’action sans vraiment présenter l’univers et les forces en présence.

Le premier épisode nous fait voyager entre de multiples points de vue et temporalités différentes (ce qui devrait aussi vous rappeler les deux exemples cités plus haut) sans prendre le temps de les contextualiser. La série nous confronte rapidement au Shadow Fold et préserve intentionnellement ses mystères, tout en name-droppant généreusement des termes comme Grisha, Darkling et autres Volcra sans les expliquer. Si la fidélité aux romans plaira aux lecteurs d’origine, les néophytes risquent d’être un peu perdus au début de la série.

Les deux premiers épisodes en particulier souffrent d’une sensation de rush qui s’efface par la suite. Outre cette introduction expéditive mais rythmée, la mise en scène très clippesque n’aide pas vraiment à la compréhension des enjeux des (nombreux) personnages de cet univers. Ce manque d’exposition est gênant au début de l’histoire, mais s’efface peu à peu car le monde imaginé par Leigh Bardugo est franchement séduisant. L’autrice s’est notamment inspirée de l’empire russe du début du XIXe siècle pour créer le royaume de Ravka, que l’adaptation respecte à la lettre avec ses costumes et ses palais byzantins du plus bel effet.

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Sur le plan esthétique, Shadow and Bone brille par une solide production value, aussi bien dans ses décors que dans ses effets spéciaux, largement plus réussis que ceux de The Witcher par exemple. Artistiquement, elle emprunte à des codes de la pop culture comme Star Wars et Harry Potter qui ne sont pas pour nous déplaire, avec une certaine violence dans les scènes d’action qui surprend. Ainsi, on découvre avec plaisir la richesse et les inégalités de cet univers qui nous fait voyager dans des lieux variés de Ravka, des luxueux châteaux néo-russes à ses contrées enneigées, en passant par ses forêts sinistres et pleines de danger.

La recette narrative de la série est assez classique mais intéressante puisqu’elle reprend les tropes des grosses franchises cinés nées au début de la dernière décennie. On pense à Twilight, Hunger Games ou encore Divergente, marquées par des intrigues de coming of age à la sauce fantasy ou dystopique. Le tandem composé d’Alina et Mal évoque dans les grandes largeurs Edward et Bella, Katniss et Peeta et Tris et Tobias avec son lot de drama, avec le retour des fameux triangles amoureux qui vont faire réagir les fans. On pensait la recette usée jusqu’à la corde, mais elle fonctionne dans Shadow and Bone, même si les interprètes principaux, et en particulier la jeune Jessie Mei Li, ne sont pas toujours à la hauteur en termes de jeu.

Les fans de Westworld et The Punisher, ou plus anciennement du Monde de Narnia, seront d’ailleurs ravis de retrouver Ben Barnes, toujours dans un rôle mystérieux et en pleine dualité entre ombre et lumière. À la manière de Game of Thrones, Shadow and Bones propose une vaste palette de personnages secondaires qui ont tendance à voler la vedette aux héros de l’histoire. Le groupe des Dregs, des criminels menés par Kaz (Freddy Carter, Pennyworth), compose notamment une troupe de parias truculente. Le personnage d’Inej incarnée par l’actrice népalaise Amita Suman, femme fatale, énigmatique et badass, évoquera aux fans de GoT quelques similitudes avec notre chère Arya Stark.

Comme toujours avec les adaptations du genre, on craignait le pire. Mais Netflix affirme une ambition excitante pour Shadow and Bone avec une série solidement produite, qui exploite à bon escient la mythologie originale et exotique imaginée par Leigh Bardugo. Malgré un manque d’exposition au profit d’une narration rythmée et plaisante à découvrir, le show a des chances de devenir un next big thing qu’on n’avait pas vu venir, et qui réveillera chez certains amateurs de productions young adult une certaine nostalgie des romances de fantasy.

La première saison de Shadow and Bone : La saga Grisha est disponible en intégralité sur Netflix.