The I-Land est une série dystopique bancale et inaboutie

The I-Land est une série dystopique bancale et inaboutie

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Par Florian Ques

Publié le

L'absence de réelle promo et son ajout en loucedé au catalogue de la plateforme auraient dû nous mettre la puce à l'oreille.

Des inconnu·e·s qui se retrouvent à cohabiter sur une île déserte, n’est-ce pas là un point de départ ô combien classique de la fiction toutes formes confondues ? De Robinson Crusoé à Lost en passant par Sa Majesté des mouches, ce postulat de base vu et revu semble être tout bonnement indémodable, devenant presque un genre à part entière. Et pourtant, on ne peut s’empêcher de souhaiter son obsolescence quand on voit comment The I-Land, récente production Netflix, s’en empare.

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Ici, tout commence quand une dizaine d’individus se réveillent, échoués sur une plage de sable fin, totalement amnésiques. Ils n’ont en effet aucun souvenir de leur vie avant d’ouvrir les yeux sur cette île supposément déserte, pas même de leur prénom. Impossible d’en dévoiler davantage sans spoiler allègrement, mais comme le suggérait la bande-annonce rythmée de The I-Land, rien n’est ce qui semble être sur ce territoire insulaire faussement paradisiaque et nos dix protagonistes vont vite s’en rendre compte, à leurs dépens.

Débarquée en catimini, dans l’indifférence la plus totale, The I-Land a bénéficié de très peu de promotion. Presque pas d’affiches, aux États-Unis comme en France, et un maigre trailer dévoilé peu ou prou à la dernière minute… Comme si ça ne suffisait pas pour voir venir l’entourloupe, la série a été mise en ligne un jeudi, alors que la plupart des productions Netflix se pointent en général le vendredi dans leur intégralité. Alors oui, on peut se dire que cette sortie prématurée s’explique par un trop-plein d’arrivées ce vendredi 13 septembre – le géant du streaming lance aussi Marianne, Unbelievable et la saison 3 de Top Boy, pour info. Mais post-visionnage, on se dit que la plateforme veut surtout expédier The I-Land ni vu ni connu, à raison.

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Tout juste composée de sept épisodes, la série en aurait mérité davantage, pour la simple et bonne raison que son propos et les réflexions qu’elle veut amener sont ici précipités. Toute l’intrigue se bouscule, scène après scène, sans que quoi que ce soit ne soit creusé. Au lieu de ça, les twists (pas mirobolants, en prime) s’enchaînent à vitesse grand V, comme si The I-Land ne voulait pas qu’on s’attarde sur ses défauts. Et des défauts, ça, il y en a.

Concrètement, toutes les failles de la série sont remarquables dès son premier épisode. La construction des personnages laisse d’emblée à désirer, avec des comportements qui paraissent insensés et pas crédibles pour un sou. De facto, les dialogues en pâtissent et ont tout l’air d’être écrits à la truelle avec une subtilité inexistante. En arrière-plan, The I-Land s’attaque à des thématiques risquées (en l’occurrence, les agressions sexuelles) mais le fait avec un désintérêt palpable et un manque flagrant de nuance et d’humanité dans son approche. Doit-on continuer ? Allez, pourquoi pas, il y a tant de choses à dire.

La seule chose qui peut redorer le blason de The I-Land, c’est peut-être ses décors idylliques (la série a été tournée en République dominicaine) et ses effets spéciaux pas trop mal fichus. Au-delà de ça, c’est un gouffre navrant. La réalisation, bien que soignée, apparaît comme impersonnelle et oubliable. De leur côté, les comédien·ne·s font leur maximum pour garder la tête hors de l’eau malgré le scénario bancal au possible qu’on leur fournit – seule Kate Bosworth, dont on se souvient pour son rôle dans le plaisir coupable ultime Blue Crush, délivre une performance convaincante en dépit d’un personnage bâclé.

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Il devient évident que The I-Land n’est pas une bonne série. Alors peut-être est-elle une bonne série de science-fiction que les amateurs et amatrices du genre sauront apprécier à sa juste valeur ? Très franchement, on peut en douter. Lorsque l’origine de l’arrivée de ces pseudo-survivants sur l’île est dévoilée, on saisit mieux le message de la série. Elle tente de soulever plusieurs questionnements quant au système juridique américain, à l’humanité (aussi bien en tant que condition et vertu) et s’intéresse également à l’idée de rédemption – qui est, en un sens, sa thématique principale. Le hic, c’est que The I-Land gère tout ça avec une telle superficialité que sa pertinence devient alors nulle.

Il paraît redondant de le dire et pourtant : n’est pas Lost ou Damon Lindelof qui veut. Créée par Anthony Salter (novice en matière de séries) et coproduite par Neil LaBute (Van Helsing), la toute fraîche The I-Land n’est en réalité pas si fraîche que ça.

Plutôt que de miser sur une session binge-watching de cette série dystopique de seconde zone, on préférera dévorer les huit épisodes d’Unbelievable, émouvante et percutante, tout juste disponible sur Netflix. Ou si vous tenez réellement à vous goinfrer de SF, les rescapé·e·s du vol 815 sont là jusqu’à la fin du mois sur Amazon Prime Video. On comprend mieux ce que voulait dire Jack avec son fameux “we have to go back” : faute de qualité avec The I-Land, autant revenir vers la série culte qui aura su réinventer l’histoire de l’île déserte avec maestria.

La première saison de The I-Land est disponible depuis le 12 septembre sur Netflix à l’international.