Jude Law s’exile dans un trip glaçant et énigmatique avec The Third Day

Jude Law s’exile dans un trip glaçant et énigmatique avec The Third Day

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Par Adrien Delage

Publié le

Une mini-série aussi fascinante que terrifiante, où Jude Law fait étalage de tout son talent.

Après avoir incarné un pape sexy et excentrique dans The Young Pope et sa suite, Jude Law collabore de nouveau avec HBO pour la mini-série The Third Day. Une création signée par les scénaristes Dennis Kelly (Utopia) et Felix Barrett, où l’acteur américain partage l’affiche avec Naomie Harris (28 jours plus tard). Le show a la particularité d’être découpé en trois parties selon les saisons (été, automne et hiver), qui chroniquent le voyage intérieur d’un homme dépressif et traumatisé à travers trois histoires interconnectées.

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The Third Day débute à travers les yeux de Sam (Jude Law), un mystérieux personnage en deuil qui trouve refuge dans une forêt. Au cours de sa balade, il croise le chemin d’une jeune fille qui tente de se suicider. Sam la sauve à temps et propose de la raccompagner chez elle, sur la petite île d’Osea, au large de la rivière Blackwater à l’est de l’Angleterre. Là, il découvre une communauté évoluant en parfaite autarcie et rattachée à des traditions celtiques, auxquelles elle se plie fanatiquement. Fasciné par ces insulaires, Sam va décider de séjourner quelque temps avec eux et prendre le risque inconsidéré d’y rester prisonnier à jamais.

Une ode macabre à l’onirisme

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Spécialiste des mini-séries prestigieuses depuis une bonne vingtaine d’années, HBO a encore visé juste avec The Third Day. Le premier épisode s’ouvre sur une séquence émotive déstabilisante, où les gros plans sur un Jude Law paniqué et en larmes s’enchaînent. Puis l’émotion laisse place à la terreur lors d’une scène de tentative de suicide, sans qu’on ne comprenne vraiment ce qu’il se passe à l’écran. On découvre alors rapidement que The Third Day est une œuvre ésotérique, où il faut abandonner la raison derrière soi pour se laisser envoûter par son onirisme omniprésent.

La mini-série joue à fond la carte du mysticisme, autant dans son scénario sibyllin que son esthétisme poétique. Avec ses couleurs saturées et ses plans naturalistes magnifiques de l’Essex, The Third Day multiplie les séquences hallucinées et sinistres, qui ne sont pas sans rappeler l’ovni Midsommar d’Ari Aster. On pense aussi au Voyage de Chihiro du Studio Ghibli tant certains plans s’apparentent à des tableaux impressionnistes, où la nature est filmée à la fois comme une source de bienveillance et de morosité pesante. Visuellement, la mini-série de HBO est une claque monumentale, qui suspend le temps passé sur cette île énigmatique.

Au milieu de ce trip ésotérique, Jude Law déploie une partition d’une grande intensité. Si The Third Day ne tient pas uniquement sur ses épaules (la troisième partie sera consacrée au personnage campé par Naomie Harris), elle en fait le point d’ancrage du spectateur. Sam est un homme profondément perdu et traumatisé, éploré depuis la mort de sa fille. Sur l’île d’Osea, il trouve une forme d’escapade éphémère, comme une caverne de Platon qui lui offre un refuge à ses démons intérieurs. Mais l’atmosphère pernicieuse et oppressante de ce décor utopiste cache en réalité d’autres créatures (humaines) inquiétantes, dont l’influence sur Sam va grandir petit à petit.

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En un épisode, The Third Day parvient autant à nous émouvoir qu’à nous angoisser et nous interloquer. Qui sont réellement ces insulaires trop bienveillants en apparence ? Pourquoi personne ne s’inquiète davantage de la tentative de suicide de la jeune Epona ? Et pourquoi diable tous les éléments du destin font en sorte que Sam reste coincé sur l’île ? La mini-série creuse son mystère avec lenteur et contemplation, sans tomber dans l’allégorie plombante du deuil et de la reconstruction.

L’œuvre partage aussi des points communs avec le travail de David Lynch et du showrunner Noah Hawley (Legion, Fargo). C’est une expérience très sensorielle, qui fait régulièrement appel à notre imagination. Le sound design, composé de sonorités très naturelles, participe grandement à l’immersion du spectateur. Une nature en apparence rassurante mais en réalité pernicieuse, comme un conte enfantin qui tournerait au cauchemar. Il ne passe pas grand-chose à l’écran et pourtant, une tension palpable instaure une sensation de danger de tous les instants autour de Sam.

Malgré ses qualités indéniables et son casting métronomique, The Third Day appartient à une liste d’œuvres niches qui ne plaira pas à tout le monde. Une partie des spectateurs devrait trouver la mini-série très cryptique, visuellement criarde et surtout plombante par sa lenteur. Mais pour celles et ceux qui aiment se perdre dans un voyage cabalistique aux frontières de l’étrange, alors ils y trouveront une œuvre intelligente, audacieuse et très émouvante, qui parle avec profondeur du deuil et des difficultés à le surmonter, dans la veine des virtuoses The Leftovers et The Haunting of Hill House.

En France, The Third Day est diffusée en US+24 tous les mardis sur OCS City.