Upload, par le créateur de The Office, continue de nous faire raquer même après la mort

Upload, par le créateur de The Office, continue de nous faire raquer même après la mort

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Par Delphine Rivet

Publié le

En 2033, la vie éternelle sera possible en virtuel… Mais à quel prix ?

La fin de The Good Place nous avait permis de faire la paix avec la mort en nous offrant une alternative plutôt rassurante à la question qui obsède l’humanité : qu’y a-t-il après ? Pour Upload, imaginée pour Prime Video par Greg Daniels, le créateur de The Office, l’au-delà, sous ses atours idylliques, sera peu ou prou une réplique du monde consumériste que l’on connaît, mais en virtuel. Nous sommes en 2033 et il désormais possible, après son décès, de télécharger sa conscience, faite de milliards de datas cumulées durant des années, dans un paradis artificiel et généré par ordinateur.

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Nathan (Robbie Amell), un jeune ingénieur informatique, victime d’un crash de voiture autonome, a un choix à faire avant de passer l’arme à gauche : laisser la nature faire son œuvre et mourir, ou se transférer dans l’au-delà numérique appelé Lakeview. Après une longue hésitation, il opte pour le deuxième choix. S’il s’est montré indécis, c’est parce que c’est sa riche fiancée Ingrid (Allegra Edwards), qui paye pour cette très onéreuse seconde chance, arguant qu’ils seront à jamais ensemble. Et ça, pour Nathan, c’est l’angoisse. 

Difficile de ne pas penser au magnifique “San Junipero”, épisode de Black Mirror dans lequel un couple de jeunes femmes se formait dans une utopie créée par ordinateur et perdurait même après le décès de l’une d’elles. Sauf que pour Nathan et Ingrid, la relation n’est pas aussi idyllique. Le “jusqu’à ce que la mort nous sépare” est devenu caduc et Nathan se retrouve à la merci de celle qui nous est d’abord présentée comme une écervelée très possessive. Notre héros demeure coincé dans une relation pour laquelle il n’est pas spécialement investi mais dont il ne peut se défaire à cause de sa dépendance financière.

Pour ne rien arranger, il va tisser des liens avec Nora (Andy Allo), son “ange”. En réalité, elle est son interlocutrice (bien vivante, elle) du service après-vente de Horizen, la société qui possède Lakeview. Elle doit, par conséquent, pousser son client à consommer sans qu’il ne s’en rende compte, et s’assurer qu’il respecte les règles. Mais la complicité et l’attachement qu’ils développent l’un pour l’autre va mettre à mal les engagements professionnels et éthiques de la jeune femme.

Comme Nathan va vite le comprendre, même après la mort, le capitalisme vit sa meilleure vie et le système perpétue les inégalités. On découvre ainsi qu’au sous-sol de Lakeview, il existe une sorte d’enfer où sont parquées aux “2 gigs”, les personnes n’ayant plus assez de crédits. Le long d’un couloir blanc, des âmes en peine errent dans des cellules réduites à leur plus simple expression, et privées de tout. Les rares lectures autorisées se limitent à une vingtaine de pages : la “version d’essai limitée” à laquelle on s’est tous heurté·e·s avec les e-books de notre vivant.

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Si la vie est chère, la mort, elle, semble hors de prix et les moins fortuné·e·s ne peuvent d’ailleurs même pas accéder aux prestations de ce paradis artificiel. Deux options s’offrent alors à eux/elles : un au-delà au rabais, ou rien. Simple, basique. Upload se demande donc qui, dans un au-delà contrôlé par des firmes (qu’on imagine aisément être l’équivalent des GAFAM), pourra entrer au Paradis ? Mener une vie vertueuse et charitable n’étant plus à l’ordre du jour, l’au-delà devient dès lors un produit comme un autre. Il faut croire qu’on n’emporte vraiment rien dans son cercueil, pas même ses droits les plus élémentaires.

Upload est un peu le pendant cynique de The Good Place. Là où Michael Schur nous laissait entrevoir un après serein et libéré de toute contrariété matérielle dans le final, Greg Daniels s’emploie à dresser un portrait grinçant et peu réjouissant de ce qui nous attend… sur la Terre comme au ciel. La critique du capitalisme et du corporatisme est évidente, mais la série reste légère et se tient à bonne distance de tout pamphlet politique. Jamais aussi drôle que The Good Place, Upload souffre forcément de la comparaison, surtout que les showrunners de ces deux séries ont travaillé main dans la main sur Parks and Recreation, l’un des joyaux comiques de l’histoire des séries. Cette dernière a d’ailleurs fait son grand retour il y a quelques jours le temps d’un épisode spécial confinement des plus réussis.

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Mais revenons à Upload qui n’est, hélas, pas non plus aussi réconfortante que Parks and Rec (et n’a pas valeur à l’être). Les défauts de la série de Greg Daniels ne sont pas tant structurels — l’écriture est maîtrisée — qu’émotionnels. Elle n’est pas aidée par son acteur principal Robbie Amell (oui, c’est bien le cousin de Stephen Amell, aka l’Archer vert d’Arrow) dont le jeu mériterait d’être upgradé. Fort heureusement, ses deux partenaires féminines s’en sortent à merveille. On ne rit jamais vraiment aux éclats durant ces dix épisodes, bien que certaines situations confinant à l’absurde puissent être réjouissantes, et la tonalité générale de la série n’est pas toujours bien définie.

Certes, le futur selon Upload contient de belles et ingénieuses trouvailles, et cet au-delà futuriste plutôt bien foutu ne manque pas de surprises, mais beaucoup de ces bonnes idées ne sont pas assez exploitées et restent cantonnées aux gags visuels. Agréable à suivre et à digérer, la comédie de Greg Daniels n’est toutefois pas sa plus grande réussite et demeure relativement anodine. Dans un paysage télévisuel déjà surchargé, du meilleur comme du pire, Upload flotte dans un entre-deux qui ne lui permettra pas de rester dans les mémoires à titre posthume. Heureusement, la prochaine série du showrunner, Space Force, cette fois-ci pour Netflix et attendue le 29 mai prochain, s’annonce déjà bien plus drôle et captivante.

La première saison d’Upload est disponible sur Prime Video.

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