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Oui, j’ai maté la saison 2 de Virgin River et voilà pourquoi

Oui, j’ai maté la saison 2 de Virgin River et voilà pourquoi

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© Netflix

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Par Marion Olité

Publié le

Retour sur la recette d'un plaisir coupable gagnant.

Il est fortement conseillé d’avoir visionné les deux saisons de Virgin River avant de lire cet édito, qui contient quelques spoilers.

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Je pourrais vous dire que l’année 2020 a été une telle épreuve que j’ai bien le droit de mater ce qui me fait plaisir ! Mais ce serait un peu trop facile pour justifier mon visionnage extrêmement “péché mignon” de la saison 2 de Virgin River. Je suis une critique de séries sérieuse, cher·ère·s lecteur·ice·s ! Enfin, sérieuse quand j’en ai envie. Les séries ne sont pas une seule entité compacte : on y trouve de la “high quality TV”, de la “peak TV”, des ovnis ou encore de la série “pop corn” bien foutue ou très, très sucrée. C’est magique, il y en a pour tous les goûts, mais, surtout, pour tous les moods.

Je sais (heureusement) faire la différence entre la profondeur d’un fabuleux épisode de Noël d’Euphoria livré cette semaine par Sam Levinson, et Virgin River, succès surprise de l’année 2019 chez Netflix, qui commençait déjà à flairer le bon filon des séries “romances à l’eau de rose” adaptées de romans Harlequin, à proposer de préférence en période de fin d’année.

Munie de ma plus cosy des paires de chaussettes chaudes, confortablement installée au fond de mon lit, je découvrais alors le monde merveilleux de Virgin River, où la citadine de Los Angeles, Mel (Alexandra Breckenridge, restée jusque-là pour moi cette ado dans Dawson prise d’une envie de vomir au moment où le blondinet pataud essaie de l’embrasser*) débarquait pour repartir de zéro, visiblement traumatisée par un événement impliquant l’homme qui partageait jadis sa vie.

La bourgade californienne et ses décors “Nature et découvertes” lui tendaient les bras. Des bras appartenant aussi à un homme d’âge mûr mais sexy, Jack (Martin Henderson), tenancier du meilleur bar-restaurant de la bourgade, mais aussi homme à tout faire et héros à temps plein. Au contact de cet homme fort, mais qui a des fêlures (comme dirait Kyan Khojandi), la trentenaire déprimée a commencé à reprendre goût à la vie. Elle a fait la connaissance de quelques figures locales pas piquées des hannetons : la maire Hope (Annette O’Toole, aka la maman de Clark dans Smallville, qui s’amuse comme une petite folle dans un rôle de septuagénaire plus fouineuse et tête de mule tu meurs), le Doc (Tim Matheson) mi-cool, mi-misogyne, “Shady Brady” (joué par Benjamin Hollingsworth, cet ancien soldat qui a fait la guerre sous les ordres de Jack file un mauvais coton), j’en passe et des meilleures.

© Netflix

Après une première saison qui m’avait fait alternativement rire et lever les yeux au ciel, regardée à deux (le hate-watching, c’est vachement plus drôle à plusieurs), je dois avouer qu’à plusieurs reprises cette année, on s’est demandé quand arrivait la saison 2. Quand ? En décembre évidemment, avec les séries de Noël de Netflix, qui ambitionne à ce moment-là de l’année de devenir Lifetime ou Hallmark Channel, deux chaînes américaines spécialisées dans les fictions “cucul la praline”.

Il était temps de retrouver Mel et ses soucis soapesques qui n’appartiennent qu’à elle : comment être avec Jack alors que son plan cul, Charmaine, veut le récupérer et attend un (voire plusieurs !) enfant(s) de lui ? Dur. Pendant ce temps-là, Shady Brady semble vraiment basculer du côté obscur de la force en bossant pour un criminel local. Hope s’embarque dans un imbroglio qu’elle seule comprend, en poussant son ex-futur mari dans les bras d’une copine, et une bad girl, Lizzie (venue de Los Angeles évidemment, les filles de la ville sont des démons, c’est bien connu), vient déniaiser notre Dawson local, qui répond au doux nom de Ricky.  

Je me moque, mais pour sa défense, Virgin River aborde quelques thématiques plutôt sensibles pour un soap du dimanche : la gestion du deuil, le stress post-traumatique, les violences conjugales et la contraception chez les jeunes, dans un pays toujours très divisé sur le sujet. Elle s’en tire parfois avec les honneurs, parfois très maladroitement. Il y avait mieux à faire sur le personnage de Paige, victime de violences domestiques, que de la faire disparaître et d’associer à cette histoire ce pauvre Preacher (Colin Lawrence), le seul personnage récurrent racisé de la série, qui se retrouve donc avec une histoire criminelle aux fesses.

Je ne vous parle même pas du twist final à base de jumeaux (que serait un soap sans des jumeaux maléfiques en même temps) des derniers épisodes concernant cette storyline. Carton rouge également à la façon dont cette pauvre Charmaine – enceinte de Jack et jalouse comme un pou – est écrite par les scénaristes. Même si quelques scènes tentent de la racheter et de nous faire comprendre son point de vue (notamment le passage où elle rappelle qu’elle ne vient pas d’un milieu privilégié comme Mel), elle reste la méchante de la saison et l’obstacle principal au bonheur de notre couple star.

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Derrière des dehors conservateurs où règnent hétérosexualité et blanchité, la série de Sue Tenney (basée sur les romans de Robyn Carr) nous réserve malgré tout quelques bonnes surprises. Comme le personnage de Hope, qui explique à Doc que l’époque de “bobonne à la cuisine toute la journée” au service de son homme est révolue. S’il veut réellement partager à nouveau sa vie, il faudra qu’il consente à quelques ajustements.

C’est la recette du succès du show : beaucoup de conservatisme, un peu de progressisme, des images “carte postale” des paysages américains (même si la série est tournée au Canada), des personnages binaires mais pas trop et des intrigues qui ne font pas mal à la tête.

Si je rêve qu’un couple LGBTQ+ vienne profiter de l’air frais de Virgin River (on croise les doigts pour la saison 3 !), et que davantage de protagonistes divers fassent leur apparition, soyons honnêtes, je ne regarde pas cette série pour son écriture subtile et ses twists réalistes. Et après tout, s’il est de bon ton de mater Succession pour se marrer devant les coups bas et imbroglios de “ces Blancs super riches”, j’ai bien le droit de prendre du plaisir devant les drames hétéros des protagonistes de Virgin River !

* Elle incarne Kate Douglas dans l’épisode “Valentine’s Day Massacre” (S03E14).