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We Are Who We Are : Luca Guadagnino filme l’adolescence queer dans toute sa fluidité

We Are Who We Are : Luca Guadagnino filme l’adolescence queer dans toute sa fluidité

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©HBO

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Par Marion Olité

Publié le

Le cinéaste de Call Me by Your Name lance sa première série sur HBO.

Après avoir conquis le monde du cinéma avec la romance gay Call Me by Your Name en 2017, le réalisateur Luca Guadagnino poursuit son exploration de l’adolescence dans tous ses états sur un format sériel, avec We Are Who We Are, événement de la rentrée sur HBO.

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Né en Italie d’un père sicilien et d’une mère algérienne, le cinéaste a passé ses premières années en Éthiopie, avant de revenir à Palerme pour vivre avec ses parents. Particulièrement inspiré par les déracinements culturels (ça parlait déjà français, italien et anglais dans Call Me by Your Name), le cinéaste raconte cette fois l’histoire de Fraser, un ado de 14 ans forcé de déménager de New York pour vivre sur une base militaire à Chioggia, en Italie, où ses deux mamans ont été mutées. Le décor est planté en 2016. Un peu paumé et plutôt du genre dans sa bulle, il va faire la rencontre d’une jeune femme, Caitlin, qui comme lui, explore son identité…

Le pilote ne lâche pas d’une semelle son jeune protagoniste, lancé dans une folle exploration de son nouveau lieu de vie, une base militaire italienne. Pas franchement ravi d’avoir dû déménager, Fraser boude comme l’ado qu’il est, mais sa curiosité va prendre le dessus. La caméra suit avec fluidité ses pérégrinations : écouteurs sur les oreilles, il fait le tour du propriétaire au gré de ses envies, prend des photos à la dérobée, débarque dans des vestiaires masculins (découvrant des hommes nus en train de prendre leur douche) perturbe un terrain de foot peuplé de jeunes éphèbes, avant de se mettre à suivre un groupe d’ami·e·s qu’il va plus ou moins intégrer. Plutôt moins que plus, car Fraser n’affiche pas les codes de masculinité triomphante de ses petits camarades. Il met du vernis sur ses ongles, a les cheveux peroxydés et son style vestimentaire avant-gardiste et coloré lui vaut des premières railleries.

© HBO

Provocateur, enfantin, candide, il cherche la différence, quelqu’un qui, comme lui, n’entre pas dans des cadres préconçus. Il jette instinctivement son dévolu sur Caitlin. Son attirance (amicale, sexuelle, amoureuse, pour le moment, on ne sait pas) se confirme après avoir découvert que la jeune femme se travestit en homme. Ce premier épisode se termine par une question de Fraser à sa nouvelle amie : “So, how should I call you?” (“Donc comment je dois t’appeler ?”), un gros clin d’œil à Call Me by Your Name, jusqu’au plan du jeune garçon, qui évoque également celui qui clôturait son beau film.

À une époque où bon nombre de séries ont oublié l’art du pilote, ce premier épisode, pourtant réalisé par un cinéaste (en général, ils font fi de la narration sérielle), a le bon goût de sonner comme une promesse. La caméra nous lance sur les traces de son protagoniste au comportement erratique et accompagne ce qui donne l’impression d’être un long et entraînant plan-séquence d’exposition. La balade de Fraser est entrecoupée de scènes plus statiques, comme les échanges avec ses mères. La relation fusionnelle et physique (il lui fait un câlin, avant de la claquer) qu’il entretient avec Sarah (une Chloë Sevigny qui a sorti sa “big dyke energy”) pose question. Fraser, apparemment aussi alcoolique, souffre-t-il d’une maladie mentale ou lutte-t-il seulement avec des émotions bordéliques et exacerbées par les hormones adolescentes ?

La série fait le choix de rester avare en informations ou explications de quelque sorte. Cela permet de se concentrer sur les sensations du héros, qui partage indubitablement des traits communs avec Elio, incarné par Timothée Chalamet dans Call Me by Your Name. Les deux jeunes hommes vivent dans des bulles (ici, c’est paradoxalement une base militaire, pas franchement l’endroit le plus queer friendly, a priori), aiment la musique et les déambulations dans l’espace public. Ils respirent la liberté de l’adolescence dans leurs comportements spontanés, pas encore policés. Reste maintenant à découvrir le principal : sa partenaire de jeu, la très mystérieuse Caitlin. Où ces deux-là vont-ils nous emmener dans l’exploration de leur identité de genre et de leurs sexualités et comment vont-ils doucement glisser vers l’âge adulte ?

Diffusée sur HBO, We Are Who We Are n’a malheureusement pas encore de diffuseur en France.