Winning Time : l’ère du Showtime des Lakers dans l’œil satirique d’Adam McKay

Winning Time : l’ère du Showtime des Lakers dans l’œil satirique d’Adam McKay

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Par Adrien Delage

Publié le

Une série qui revient sur la dynastie glorieuse des Lakers de Los Angeles dans les années 1980, menés par Magic Johnson et Kareem Abdul-Jabbar.

Sport ô combien médiatisé et populaire aux États-Unis, le basket-ball est au centre de plusieurs séries ces dernières années. Les nombreux confinements ont notamment été marqués par les documentaires The Last Dance et Last Chance U: Basketball sur Netflix, alors que certaines plateformes comme Apple ont tenté des récits plus fictifs avec Swagger, produite par Kevin Durant. En 2022, HBO tente sa chance sur ce créneau avec Winning Time: The Rise of the Lakers Dynasty, un mélange des genres qui revient sur l’ère du Showtime, où la décennie glorieuse des Lakers de Los Angeles pendant les années 1980, emmenés par leurs deux stars inscrites au panthéon de la balle orange et leur coach mythique : Magic Johnson, Kareem Abdul-Jabbar et Pat Riley.

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La série s’appuie en particulier sur le livre Showtime: Magic, Kareem, Riley, and the Los Angeles Lakers Dynasty of the 1980s de Jeff Pearlman, journaliste de sport américain, qui explore les coulisses de cette dynastie mémorable dans l’histoire de la NBA. De fait, Winning Time met surtout l’accent sur les hommes qui s’étripent en coulisses pour redorer le blason des Lakers, dont les deux Jerry, Buss et West, respectivement propriétaire majoritaire et directeur général de l’équipe à l’époque. Mais ce biopic pas comme les autres, dont le premier épisode a été réalisé par Adam McKay (Vice, Succession), décrypte surtout un monde d’affaires patriarcal aussi toxique que fascinant, qui a parfois des répercussions désastreuses sur les terrains de basket et le bien-être de leurs joueurs.

Magic McKay

Ⓒ HBO

Winning Time s’inscrit dans ce qu’on pourrait décrire comme le “style McKay”, qui fait les beaux jours de Succession depuis son lancement en 2018. Une sorte de croisement hybride entre la comédie noire voire satirique et une forme de mockumentary, parfois aux limites du malaise, finalement très imprégné de l’humour british. La série HBO place ainsi ses caméras davantage dans les coulisses des Lakers que sur les terrains de basket, quitte à décevoir peut-être les spectateurs et spectatrices qui s’attendaient à voir des matches de Magic Johnson et Kareem Abdul-Jabbar prendre vie à l’écran.

Toutefois, les showrunners Max Borenstein et Jim Hecht (Adam McKay n’est que producteur exécutif et réalisateur du premier épisode) rendent le tout assez savoureux grâce à des dialogues en ping-pong et une certaine élégance dans la mise en scène. Winning Time nous replonge au début des années 1980 avec un style assez virevoltant, un grain à l’image très marqué et des acteurs et actrices qui s’éclatent à briser le quatrième mur au moins une fois par épisode. Clairement, cette réalisation dynamique et finalement très pop ne plaira pas à tout le monde, mais elle réussit à merveille son job de marqueur temporel et de comédie de bureau sous haute tension.

Des personnalités comme les deux Jerry au centre de l’intrigue sont tellement sarcastiques qu’elles semblent parfois fausses, ou plus proches d’archétypes que de véritables personnages à part entière. Avec un cast (qui cabotine beaucoup, il est vrai) mené tambour battant par le génial John C. Reilly, à la rythmique comique imparable, on se prend rapidement d’affection pour ses hommes d’affaires qu’on adore détester (une recette qui rappelle encore une fois celle de Succession). C’est d’ailleurs un milieu très viril, voire gangrené par la testostérone, que représente Winning Time, où les batailles d’ego et les duels de mensuration de phallus font rage. Des personnages paradoxalement pas toujours très sports donc, mais savoureusement diaboliques en affaires.

C’est certainement là aussi où la série paraît parfois contradictoire sur son sous-texte. Est-ce qu’elle s’amuse de ce milieu patriarcal pour mieux s’en moquer, ou est-ce qu’elle glamourise cet environnement toxique et misogyne au travers de sa mise en scène ? Il est très tôt pour en avoir le cœur net (nous avons vu 5 épisodes à l’heure de cette critique, soit la moitié de la saison) mais nous aurons assurément une réponse lorsque Winning Time se penchera sur la période sombre et traumatisante de Magic Johnson. La star des Lakers sera en effet stigmatisée et temporairement écartée des parquets boisés en novembre 1991, quand il révélera sa séropositivité à ses partenaires et au reste du monde.

Car si la plus grande bataille du joueur de basket fut de façon pragmatique contre les Sixers de Julius Erving et les Celtics de Larry Bird, sa véritable lutte contre la maladie, la surmédiatisation et la discrimination débuta hors des parquets, après son diagnostic positif au sida. D’une certaine manière, Winning Time a un devoir de mémoire sur le manque d’empathie et de connaissance du grand public et des professionnels sur le VIH, qui ont sapé la combativité, le moral et la légende du numéro 32 des Lakers. Earvin “Magic” Johnson était un athlète d’exception mais aussi un homme d’influence engagé politiquement, qui a d’ailleurs redoré le blason de la NBA, gangrené par les drogues et le racisme pendant les seventies. Si Winning Time est son The Last Dance, autant que la série rende honneur au meneur qu’il était dans et en dehors des playgrounds de basket.

En France, la saison 1 de Winning Time: The Rise of the Lakers Dynasty est diffusée en US+24 sur OCS à la demande.