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Room 104, saison 2 : l’histoire vraie derrière les mangeurs de phallus de l’épisode “Hungry”

Room 104, saison 2 : l’histoire vraie derrière les mangeurs de phallus de l’épisode “Hungry”

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Par Adrien Delage

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Quand la réalité dépasse la fiction. Attention, spoilers.

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On ne le répète jamais assez, mais le traitement du “weird” est devenu un genre à part entière dans le game des séries. Des auteurs comme Noah Hawley (Legion), Nick Antosca (Channel Zero) ou encore le grand David Lynch (Twin Peaks) ont créé des univers, des personnages voire des mythologies aussi bizarres que fascinants sur le petit écran. Dans cette lignée renommée, on trouve également Room 104, une anthologie expérimentale et confidentielle diffusée sur HBO outre-Atlantique et pourtant menée d’une main de maître par les frères Duplass (Togetherness, Creep), artisans accomplis du mauvais goût, du malaise et du rire jaune.

Chaque épisode de Room 104 se déroule toujours entre les quatre mêmes murs d’un motel miteux des États-Unis. Cette pièce banale et isolée à première vue accueille régulièrement des histoires abracadabrantes, horrifiques, fantastiques, drôles ou simplement émouvantes. En ce début de saison 2, on a notamment croisé Michael Shannon dans le rôle d’un technologue et fieffé manipulateur russe à tomber par terre, assisté à une soirée d’anniversaire qui tourne au slasher sanglant ou encore découvert une métaphore sur le viol sur mineur via un pouvoir de téléportation… Mais Jay et Mark Duplass ont encore poussé le vice plus loin avec l’épisode “Hungry”.

Dans ce dernier, deux inconnus rencontrés sur la Toile se donnent rendez-vous dans la fameuse chambre 104. Là, ils se préparent à assouvir ensemble un désir tabou, pour ne pas dire malsain, sans que le spectateur ne parvienne tout de suite à mettre le doigt dessus. On pense d’abord aux plus “communs” (un désir sexuel BDSM), avant d’imaginer quelque chose de plus sinistre (un suicide collectif). Finalement, dans cette atmosphère loufoque où flotte une certaine tension tragicomique, on remarque surtout que les deux personnages sont respectueusement consentants, peu importe ce qu’ils subiront ou feront subir à l’autre…

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Et au milieu de l’épisode tout s’éclaire (et paradoxalement, s’assombrit dans notre cerveau) : Dan (Kent Osborne) s’allonge sur le lit et retire son caleçon tandis que son partenaire Gene (Mark Proksch, à l’opposé total du personnage de Nate dans The Office) s’empare d’un scalpel et lui tranche le pénis d’un geste chirurgical. Un filet d’huile d’olive, une pincée d’ail et une cuisson saignante plus tard, le tandem se délecte du phallus de Dan alors que le spectateur regrette d’avoir choisi cet épisode pour engloutir sa pizza.

Trêve de rigolade, on repense alors au panneau “Inspiré de faits réels” (le premier de la série) qui est apparu au début de “Hungry” et on se dit que toute cette expérience n’est qu’une blague sordide, une intrigue fictive pour choquer le spectateur. Eh bien non, et voici l’histoire terrifiante d’Armin Meiwes qui a donné le scénario de “Hungry”.

German Horror Story

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Essen, ville minière d’Allemagne de l’Ouest. C’est par une froide journée d’hiver qu’Armin Weiwes vient au monde, le 1er décembre 1961. Fils d’un père policier remarié plusieurs fois et d’une mère instable, il vit son enfance dans un gigantesque manoir façon The Haunting of Hill House. À l’âge de huit ans, un premier trauma survient dans sa vie : son paternel quitte le foyer avec ses deux frères aînés, le laissant en tête-à-tête avec sa mère, une femme autoritaire qui l’embarrasse régulièrement en public.

Peu à peu, il commence à développer un comportement de sociopathe et s’enferme seul devant son écran lors du boom d’Internet des années 1990. Là, il erre sur des sites au contenu peu recommandable : sadomasochisme, torture et surtout cannibalisme. Il devient notamment membre régulier du site communautaire “The Cannibal Café”, aujourd’hui disparu, où il prend l’identité virtuelle de “Franky der Metzger” (Franky le boucher en français). C’est là qu’il rencontre, en 2001, Bernd Jürgen Armando Brandes, futur partenaire sexuel et victime de ses fantasmes morbides.

Entre-temps, la mère d’Armin Weiwes est décédée et il a hérité du manoir familial. Là, il se prend pour Christian Grey et transforme la bâtisse en repaire de tueur en série : il installe une pièce réservée à la torture avec chaînes, menottes, poulies et table de dissection. C’est dans cette salle glauque que, la nuit du 9 mars 2001, il couche avec Bernd Jürgen Armando Brandes, lui sectionne le pénis et le mange avec le consentement préalable de sa victime.

Mais contrairement à Room 104, l’histoire ne s’arrête pas là. Bernd Jürgen Armando Brandes a également autorisé Armin Weiwes à le tuer en le poignardant à la gorge. Comme mentionné dans son message posté sur “The Cannibal Café”, le Hannibal Lecter allemand découpe ensuite son corps en morceaux et préserve ses parties consommables au congélateur pour s’en délecter plus tard (il se vantera d’en avoir mangé presque 20 kg lors de son procès). Un an après, il tente de convaincre une nouvelle victime de se prêter à cette offrande macabre mais est arrêté par la police autrichienne après les soupçons d’un étudiant de son entourage.

Der Metzgermeister

Armin Meiwes arrive au tribunal de Francfort-sur-le-Main le 3 mai 2006, en compagnie de son avocat. (© Alexander Heimann/Getty Images)

Lors de son procès, Armin Weiwes reconnaît les faits dans un témoignage glaçant. Selon un rapport de la BBC publié en 2003, il pénètre dans le tribunal avec le sourire aux lèvres et un air assuré. À cette occasion, il révèle que la découverte de son homosexualité et de ses fantasmes anthropophages a eu lieu entre l’âge de huit et douze ans, alors qu’il était maltraité par sa mère et abandonné par son père. Puis survient un deuxième bouleversement au cours de son témoignage, où ses interrogateurs tombent des nues : pendant près de dix heures, le tueur a filmé les scènes d’étripages et de cannibalisme du cadavre de Bernd Jürgen Armando Brandes. La vidéo, bien qu’intenable, a servi de preuve lors du procès. L’Allemagne assiste alors à son premier cas médiatisé de cannibalisme de son histoire.

Les parallèles entre Armin Weiwes et le personnage de Gene sont nombreux dans l’épisode “Hungry” de Room 104. Après l’arrivée de la police, les deux protagonistes se défendent en assurant que manger le pénis d’un homme n’est pas illégal. Dans la série, les autorités vérifient le plaidoyer de Gene avant d’admettre, impuissantes, que la loi n’a jamais interdit une telle pratique. Dans la réalité de la juridiction allemande (et américaine), aucune règle ne prohibe effectivement les actes anthropophages. Et comme Bernd Jürgen Armando Brandes a enregistré son consentement, les charges contre Armin Weiwes ont été rétrogradées en homicide involontaire (avant d’être réexaminées et finalement qualifiées de meurtre en 2006, pour lequel il écopera de prison à perpétuité).

On retrouve aussi dans Room 104 quelques détails directement issus du témoignage du “cannibale de Rotenburg” (son surnom dans les médias), comme le révélait le Guardian en 2003 : l’usage de pilules de somnifère et d’alcool pour l’anesthésie, ainsi que l’enregistrement audio du consentement par les deux hommes. On remarquera d’ailleurs que tout au long de l’épisode, les gestes minutieux de Gene et son apparente inaptitude sociale évoquent le tueur allemand (et plus généralement, un comportement de serial killer). Un des dialogues avec les forces de l’ordre se permet même de glisser une référence au Silence des agneaux… Bref, l’humour noir des frères Duffer a encore frappé fort et on se demande même si Ryan Murphy ne se serait pas liquéfié en visionnant cet épisode stupéfiant.

En France, la saison 2 de Room 104 est diffusée en US+24 sur OCS City.