Avec Invincible, Robert Kirkman chamboule les tropes du super-héros

Avec Invincible, Robert Kirkman chamboule les tropes du super-héros

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Par Adrien Delage

Publié le

La nouvelle série animée de l’auteur américain, basée sur son propre comics, est aussi jouissive et tranchante que The Boys.

On oublie parfois que Robert Kirkman, le roi des zombies sur le petit écran grâce à The Walking Dead, a plus d’un comics dans son sac. En 20 ans de carrière, l’auteur américain a profité des cases en papier pour revisiter les genres et les époques, de l’horreur à la science-fiction en passant inévitablement par les super-héros. Après avoir bossé quelques années chez Marvel, Robert Kirkman a justement profité de son expérience pour créer son propre justicier, un adolescent confronté à la dure réalité de la vie d’adulte et des responsabilités, Mark Grayson alias Invincible.

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Dans l’univers de cette adaptation, les super-héros sont légion et connus de tous pour protéger la Terre. Ils travaillent main dans la main avec le gouvernement pour défendre les citoyens, et sont pour la plupart des extraterrestres originaires d’une planète lointaine, aussi appelés les Viltrumites. Le père de Mark, Nolan aka Omni-Man, est le plus grand et le plus fort de tous les justiciers. Pour son fils, qui a atteint la puberté, l’âge où ses pouvoirs sont censés se manifester, c’est une fierté mais aussi une pression de plus en plus insoutenable.

Finalement, les capacités super-héroïques de Mark se réveillent avant sa majorité. Au côté de son paternel, il commence un entraînement difficile et souvent brutal afin de lui inculquer des notions de survie et de responsabilités inhérentes au rôle de super-héros. Contre toute attente, Mark devra sauter quelques cases et se jeter dans le grand bain après que les Gardiens du Globe, la plus forte et populaire équipe de justiciers, a été sauvagement et mystérieusement assassinée sans pouvoir se défendre.

Irrévérencieuse et satirique comme The Boys

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Dans son schéma narratif, Invincible reprend les tropes et les éléments fondateurs du coming-of-age croisé au genre du super-héros : le lien entre pouvoir et puberté, la pression de l’héritage parental, les difficultés à mener une double vie avec le lycée, les batailles d’ego au sein d’une équipe de jeunes justiciers… Mais Robert Kirkman désarme complètement les spectateurs avec son écriture qui refuse la facilité, et nous prend à contre-pied dès le finale du premier épisode, twist macabre et sanglant à souhait qui rappelle les meilleurs moments du Red Wedding de Game of Thrones.

À partir de ce retournement de situation, l’auteur fait entrer Invincible dans une toute nouvelle catégorie. La série animée devient irrévérencieuse et satirique, ce qui n’est pas sans nous rappeler une certaine The Boys. Les deux shows partagent un amour pour le gore et le politiquement incorrect, ce qui leur vaut un rythme haletant et un aspect jouissif pour leurs scènes d’action dantesques. On retrouve aussi dans Invincible une forme de rationalisation des pouvoirs et des limites des Viltrumites, choses assez rare dans un univers pourtant saturé par des productions du genre.

En revanche, nous sommes un peu moins séduits par l’animation du show. Si elle reste très fidèle à l’œuvre de base, elle pèche par son minimalisme et son attention moindre aux détails des personnages. On a souvent une impression de statisme désagréable à la vue des scènes de dialogue et de certains effets explosifs dans les séquences d’action, si bien que l’œuvre perd en émotion et en intensité par moments. C’est pourtant Robert Kirkman en personne qui a souhaité préserver cette animation en deux dimensions, afin de lui donner ce ton adulte et de rester fidèle aux dessins de Cory Walker, son acolyte sur la série de comics.

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Invincible impressionne également du côté de son casting de doublage, qui compose avec une pléthore d’acteurs issus de The Walking Dead : Steven Yeun, Lauren Cohan, Ross Marquand, Sonequa Martin-Green, Lennie James… On entend aussi la voix de Sandra Oh, Jon Hamm, Gillian Jacobs, Zachary Quinto, Mark Hamill ou encore Seth Rogen, un sacré gratin de stars. Mais le patron de la série animée est sans aucun doute J. K. Simmons, à la fois glaçant et très charismatique dans la peau d’Omni-Man. Un casting quatre étoiles qui ajoute incontestablement du cachet aux personnages diversifiés d’Invincible.

À la fin des trois épisodes mis en ligne par Amazon, on se dit qu’Invincible est une adaptation de comics aussi ambitieuse qu’authentique. Rien que son format de 50 minutes par épisode, assez rare dans le monde de l’animation pour le souligner, nous fait penser à une envie de “prestige TV” du côté de ses créateurs.

Ultraviolente, bourrée d’idées nouvelles et de twists complètement dingues et consacrant pas mal de temps au développement de ses personnages attachants et souvent imprévisibles, Invincible s’annonce comme l’une des plus réjouissantes pépites animées de cette année 2021, avec la promesse de faire bouger voire de renouveler les codes poussiéreux des super-héros.

La première saison d’Invincible est diffusée tous les vendredis sur Amazon Prime Video, à raison d’un épisode par semaine.