Mad Men ajoute un message d’avertissement à un épisode contenant un blackface

Mad Men ajoute un message d’avertissement à un épisode contenant un blackface

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Par Marion Olité

Publié le

Un moyen de ne pas éluder la question.

Ces dernières semaines, en réaction au mouvement Black Lives Matters, plusieurs séries ont été expurgées d’épisodes ou de scènes contenant des blackfaces. Cela a été le cas de Community, The Office, 30 Rock ou encore Scrubs. De son côté, Mad Men a opté pour une autre approche, didactique. Dans un de ses épisodes, “My Old Kentucky Home” (S3E3), le personnage de Roger Sterling se grime le visage en noir, et chante la ballade anti-esclavagiste qui donne son titre à cet épisode, de façon à la tourner en dérision. L’assemblée de Blancs rit, sauf Don Draper.

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Alors que les 7 saisons de Mad Men viennent de changer de plateforme aux États-Unis, et seront désormais disponibles gratuitement avec des publicités sur IMDBTV (qui appartient à Amazon) à compter du 15 juillet prochain, l’épisode en question sera mis en ligne avec le message d’avertissement suivant :

“Cet épisode contient des images perturbantes liées à la race en Amérique. L’un des personnages est montré peint en noir dans le cadre d’un épisode qui montre à quel point le racisme était banal en Amérique en 1963. En s’appuyant sur l’authenticité historique, les producteurs de la série s’engagent à exposer les injustices et les iniquités de notre société qui perdurent encore aujourd’hui, afin que nous puissions examiner même les moments les plus douloureux de notre histoire, pour réfléchir à ce que nous sommes aujourd’hui et à ce que nous voulons devenir. Nous présentons donc l’épisode original dans son intégralité”.

Plusieurs personnalités se sont élevées contre cette forme de “cancel culture” (“culture de l’effacement”) concernant les épisodes de séries montrant des blackfaces, notamment le showrunner d’Insecure, Prentice Penny, qui résume sa pensée dans un tweet :

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“Je ne veux pas que les scénaristes et les showrunners retirent leurs épisodes qui contiennent des blackfaces. Je veux qu’ils expliquent comment ils ont choisi de les mettre au départ et pourquoi il n’y avait pas plus de scénaristes de couleur dans la writer’s room pour les arrêter. Et que les responsables des réseaux de diffusion expliquent pourquoi ils ont donné leur accord.”

Une autre showrunneuse, Alanna Bennett, qui travaille sur la série Roswell, New Mexico, pointe du doigt le problème que pose cet effacement qui arrange Hollywood et ses responsables, se contentant de balayer des biais racistes sous le tapis au lieu d’assumer leurs actes.

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“Je ne suis pas sûre qu’effacer toutes les blackfaces des épisodes soit la solution. Pourquoi ne pas les remplacer par un message d’avertissement ?

‘Après réflexion, les créateurs de ce programme se rendent compte qu’ils ont été des connards insensibles’.

Je préfère avoir une archive de ses erreurs et des excuses plutôt que d’effacer ce qui s’est passé.”

Effectivement, sur le long terme, si les séries effacent toute trace de leurs blackfaces, c’est encore une partie de l’histoire du racisme qui sera opportunément effacée, comme l’explique Variety, les plateformes devenant aussi des lieux d’archive et de prédilection de visionnage des nouvelles générations. Jusqu’ici, seule Mad Men a pris cette option, et cela s’explique facilement. Son créateur, Matt Weiner, avait la volonté de dépeindre à travers cette scène la réalité du racisme dans les années 60, aux États-Unis, comme il l’a expliqué :

“Il y a eu beaucoup de controverses dans la writer’s room. Beaucoup de scénaristes m’ont dit : ‘On ne peut pas faire ça’. Je leur ai dit : ‘cette saison a lieu en 1963 et le blackface n’a pas été retiré de la parade de la police de Philadelphie avant 1968 à peu près. Cet épisode parle des Blancs et de ce qu’ils font quand ils sont seuls. Nous avions une équipe très diversifiée, et tout le monde a compris ce qui se passait, que c’était un épisode historique, et que ce n’était agréable pour personne. Le racisme était tellement bien établi que cela faisait partie du cadre de cette époque, et il était clair que nous le critiquions, mais nous devions le reconstituer pour le critiquer”.

C’est une démarche artistique évidemment très différentes des comédies comme Community ou Scrubs, où ses créateurs n’ont absolument pas les mêmes nobles explications que celles de Mad Men. Ils devraient admettre leur racisme intériorisé et les raisons de leur choix, probablement le manque de scénaristes racisés dans la writer’s room ainsi qu’une volonté de choquer, de repousser les limites du “politiquement correct”. Pour le moment, il n’y a absolument personne pour prendre cette responsabilité.