Série Culte : Il était une fois… la Vie ou la merveilleuse histoire du corps humain

Série Culte : Il était une fois… la Vie ou la merveilleuse histoire du corps humain

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Par Marion Olité

Publié le

"La vie, la vie, la vie, la vie, la vie, la vie..."

À l’occasion des 30 ans de la Convention internationale des droits de l’enfant, France Inter et Konbini s’associent à l’UNICEF et consacrent une journée spéciale : “Les enfants d’abord !”

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Que vous soyez ou non nés dans les années 1980, le dessin animé Il était une fois… la Vie ne vous est probablement pas totalement étranger. Peut-être avez-vous en tête son générique culte, “Hymne à la vie”, composé par Michel Legrand, ou les décors créatifs de Claude Lambert, le design rond et apaisant de ses personnages, notamment du fameux Maestro (doublé par le légendaire Roger Carel) ?

Toujours est-il que la série animée, lancée en 1987 sur Canal+ puis sur France 3, a bercé plusieurs générations d’enfants français. Son arrivée sur Netflix a suscité de telles réactions sur les réseaux sociaux qu’il faut se rendre à l’évidence : plus de 30 ans plus tard, Il était une fois… la Vie continue de bénéficier d’une incroyable cote d’amour.

Troisième série animée d’une saga qui en compte sept, elle est née de la volonté d’un homme, Albert Barillé (1920-2009). Pionnier dans la création de programmes ludo-éducatifs destinés à la jeunesse, il était persuadé que la télévision pouvait à la fois divertir les enfants et leur donner des clés de compréhension sur le monde complexe et en perpétuelle évolution qu’ils commençaient à appréhender. C’est avec sa société de production Procidis, créée en 1978, qu’il lance la saga Il était une fois…

Le style et l’essence de cette anthologie de vulgarisation scientifique et historique sont posés dès Il était une fois… l’Homme. Devant le succès de cette première série, diffusée en 1978 et dont l’animation est confiée aux studios japonais Tatsunoko Production, Albert Barillé va enchaîner les fictions d’animation, en reprenant une recette qui fonctionne. Il en sort une tous les trois ans, consacrant une année à son écriture, puis restant très présent à toutes les étapes de la production, jusqu’à l’enregistrement des voix et la postproduction.

Alors pourquoi Il était une fois… la Vie est-elle la série dont on se souvient le plus ? Probablement parce qu’elle réussit à vulgariser quelque chose d’assez abstrait et complexe : l’architecture du corps humain. Et on ne va pas se mentir, à part quelques cours au collège, on oublie vite combien de cellules se baladent dans nos carcasses et quelles sont les utilités des bactéries. La série animée permet alors de faire réviser les grands et d’apprendre aux petits les bases de l’anatomie. Centrée sur l’humanité (et on est complètement égocentriques), elle a trouvé la bonne dose entre fun, bienveillance, optimisme et connaissances.

“Donnez à nos enfants le désir de savoir, éveiller leur curiosité. Les traiter aussi en personnes à part entière, qui comprennent bien plus que ne le croient les adultes. Vous les fortifierez ainsi et ils vous en sauront gré.” (Albert Barillé) 

On retrouve dans cette série des personnages bien identifiés et déjà croisés dans les deux précédentes (“l’Homme” et “l’Espace”) : deux enfants, un garçon et une fille, qui permettent à leurs jeunes télespectateur·ice·s de s’identifier immédiatement, ainsi que leurs parents. Maître Globus – personnage de vieux sage blanc omniscient, également connu sous le pseudo Maestro – nous guide à travers le corps humain et joue le rôle de “chef de cellule” dans chaque épisode.

Les personnages négatifs comme La Teigne ou Le Nabot représentent eux des bactéries ou des virus. Vous vous souvenez sûrement aussi des petits personnages trop sympas de la team globules rouges ou des enzymes. Considérés comme les ouvriers du corps humain, ces derniers portent une casquette et une salopette de travailleurs. Pour faire comprendre aux plus jeunes comment tout cela s’articule, Albert Barillé a opté pour l’anthropomorphisme, un concept qui a fait ses preuves. Il consiste à donner à des idées, des objets et, dans le cas présent, à des cellules, tissus biologiques ou autres organes des caractéristiques humaines (des bras, des jambes, la parole) pour faciliter notre compréhension et celle des plus jeunes.

Un humanisme teinté de paternalisme

De nombreux adultes se souviennent avec émotion d’Il était une fois… la Vie, souvent leur première porte d’entrée pour se représenter la façon dont fonctionnent leurs mystérieux corps. La série a peut-être créé une génération d’hypocondriaques, comme le suggère cet article de L’Express, qui ont découvert, émerveillés autant qu’horrifiés, l’existence de trucs comme des microbes ou l’importance de la vaccination.

Avec le recul, on comprend évidemment que, malgré toutes les louables intentions de son créateur, qui défendait des valeurs résolument humanistes et écolos (dans la mouvance des premiers mouvements en faveur du climat des années 1970), la série se fait immanquablement le reflet de son époque, les années 1980. Et depuis, la société a encore évolué, politiquement, sociologiquement et scientifiquement.

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On ne peut s’empêcher d’observer la faible présence des femmes dans ces histoires. La maman, Pierrette, possède toujours un rôle moins important que celui du père, et exclusivement tourné vers sa fonction nourricière. Les épisodes de La Vie se déroulent en écrasante majorité dans le corps du garçon, Pierrot, et seulement deux fois (sur 26 épisodes) dans le corps de Petite-Pierrette (notons qu’on l’amoindrit par deux fois dans son prénom, utilisant le mot “petite” et le suffixe “ette”, qui veut dire “plus petit que son objet”).

De nombreuses fonctions du corps humain – les enzymes, les globules rouges, le cerveau – sont représentées par des personnages anamorphiquement masculins. On note seulement la présence marquante de Psi (la jeune fille dans sa capsule), qui incarne un lymphocyte, dont le rôle est la défense immunitaire de l’organisme.

Si la série animée était précurseure dans sa façon de parler aux enfants, et notamment de tenter de leur transmettre une conscience écologique, l’universel était représenté sous la forme patriarcale d’hommes blancs et hétérosexuels bien entendu. À l’époque d’ailleurs, le générique – qui montre deux adultes (un homme et une femme) nus s’enlacer avant de former un nouvel être – avait créé la polémique. Aujourd’hui, on verrait bien les anti-Mariage pour tous le brandir pour rappeler qu’une famille, c’est “un papa et une maman”. On repassera donc sur la parité ou l’inclusivité.

Là se situent les limites d’un programme qui n’a pas connu de lifting (à part en bande dessinée) ou de successeurs dotés de son niveau d’influence. Il a été diffusé pendant des décennies, sur Canal+, France 3, et sur les chaînes comme France 4, ou encore Gulli, devenant la première représentation que beaucoup d’enfants français se font de l’humanité et de leurs corps. Et même au-delà, la série animée ayant été coproduite avec plusieurs pays (la Belgique, le Japon, le Canada, l’Espagne, la Suisse) et exportée dans plus de 120 pays. En 2016, Il était une fois… la Vie a été remastérisée en HD par la société Hello Maestro, qui détient les droits de vente et distribution de tout l’univers.

Si elle est donc loin d’être parfaite, et qu’on a tendance à idéaliser des œuvres qui représentent pour beaucoup des madeleines de Proust de notre enfance, on peut aussi la binge-watcher en ayant tout cela en tête. S’émerveiller devant sa créativité, son humour, la partition musicale qui l’accompagne, ou encore ses moments de poésie : le dernier épisode, le 26e, illustre la mort par l’épuisement puis l’endormissement des petits personnages qui s’activaient au ralenti dans l’anatomie d’un vieil homme. “Je suis épuisé”, dit un enzyme censé apporter un message au cœur, avant que tout “le vaisseau” ne s’éteigne.