Il faut qu’on parle du comportement du shérif Hopper dans la saison 3 de Stranger Things

Il faut qu’on parle du comportement du shérif Hopper dans la saison 3 de Stranger Things

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Par Delphine Rivet

Publié le

Pourquoi ce mauvais caractère, aussi soudain que surprenant ? Attention, spoilers !

Comment en est-on arrivé là ? De père soucieux de la sécurité de sa fille et ami fidèle, le shérif Hopper est devenu, en l’espace de quelques mois (la saison 2 se déroule en octobre 1984, et la 3 à l’été 1985), un personnage imbuvable, coincé dans la friendzone et contrôlant les moindres faits et gestes d’Eleven. Les frères Duffer, showrunners de Stranger Things, ont relégué ce personnage, certes bourru mais réellement attachant, qui avait pourtant largement mérité son statut de héros au cours des deux premières saisons.

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Cette saison 3, qu’on l’aime ou non, a un sérieux problème avec Jim Hopper. Pour des raisons qu’on ne s’explique pas, le papounet fictif préféré des sériephiles a bien changé. Le voici désormais colérique et tyrannique envers sa fille, son entourage, mais aussi et surtout envers Joyce.

Eleven, désormais en âge d’avoir un petit copain, flirte dans sa chambre avec Mike. Comme tout parent inquiet, Hopper insiste pour que la porte reste entrouverte, mais décidera de lui faire savoir de façon violente, à grand renfort de hurlements.

On pourrait mettre ces excès de violence sur le compte des difficultés de communication (d’ailleurs détectées par Joyce, qui lui conseille d’avoir une discussion à cœur ouvert avec sa fille) qu’il semble avoir, mais on ne peut pas s’empêcher de se demander : pourquoi maintenant ?

(© Netflix)

Le calme semble être revenu à Hawkins, et Eleven, contrairement aux deux saisons passées, n’a plus besoin de se cacher. Elle peut donc folâtrer avec son petit ami ou faire du shopping avec Max. Mais sans doute est-ce là que réside le problème de Hopper : il voit sa fille grandir, lui échapper et, surtout, il ne la contrôle plus. La glaçante confrontation qu’il aura avec Mike dans la voiture le prouve bien. Et lorsqu’il se confie à Joyce quant à la relation amoureuse de sa fille, on découvre là aussi une nouvelle facette de sa personnalité :

“Tu sais, c’est ce fils de pute suffisant de Mike. Il est en train de la corrompre, je te le dis ! Et je vais péter un câble. Je vais péter un câble, Joyce !”

Ce comportement n’est pas celui d’un père qui s’inquiète, c’est l’expression de la rage d’un homme possessif et prêt à exploser. Et de possessivité, il en est aussi question vis-à-vis de Joyce, qui fait pourtant preuve de beaucoup de patience. Après avoir “shippé” les deux personnages, on s’inquiète désormais pour elle.

Lorsque Joyce exprime pourtant clairement ses difficultés à se remettre de la mort de Bob, Hopper en fait fi et continue d’insister lourdement. De même lorsqu’elle décide de privilégier son travail à leur dîner au restaurant, Hopper, alcoolisé, adopte un comportement des plus agressifs avec le personnel de l’établissement et la réprimande sèchement le lendemain.

Murray, qui semble avoir compris la source du problème, lui conseille de ménager Joyce, rappelant qu’elle a été mariée à un homme alcoolique, toxico et violent dans le passé. Mais dès lors qu’il lui recommande de s’envoyer en l’air avec elle, on comprend que les scénaristes voient davantage leur relation comme un petit jeu du chat et de la souris et non comme une histoire à sens unique, teintée de contrôle, de possession et de jalousie mal placée.

Source : le privilège masculin

La bonhomie de David Harbour et la sympathie que suscitait jusqu’ici son personnage ne suffisent plus à cacher le virage inquiétant qu’a pris le shérif Hopper dans cette dernière saison. Les scénaristes semblent valider ce comportement qui fleure bon – vous nous voyez venir – la masculinité toxique. Toutes les cases ou presque sont cochées. D’ailleurs, dans les dernières minutes, Hopper aura droit à son moment de pur héroïsme pendant que Joyce, elle, écrasera une larme.

La charge émotionnelle de ces derniers instants aurait été décuplée si Hopper n’était pas devenu – pardonnez-nous l’expression – un bon gros connard de base. L’actrice de Westworld Evan Rachel Wood, qui a elle-même été piégée durant des années dans une relation abusive et toxique, n’a pas manqué de dénoncer ce beau gâchis sur Twitter. 

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“Vous ne devriez jamais sortir avec un mec comme le flic de #StrangerThings. La jalousie extrême et les violents éclats de rage ne sont pas flatteurs ni sexy comme la télé aimerait vous le faire croire. C’est tout.”

La question n’est évidemment pas de savoir si l’on peut ou non montrer des personnages masculins détestables dans les séries, mais de reconnaître quand ces dernières les glorifient. Le fait que Stranger Things soit showrunnée par deux hommes, et qu’il n’y ait eu qu’une seule femme scénariste présente dans la writer’s room cette saison, n’y est évidemment pas étranger.

Au-delà de toute revendication féministe, c’est d’abord et surtout l’histoire de la série qui en pâtit. La mort de Hopper a perdu toute sa force dès lors qu’il a passé huit épisodes à traiter les deux femmes les plus importantes de sa vie comme ses choses, tout en espérant décrocher le sourire complice du public. On avait sincèrement envie de le pleurer comme un héros, mais c’est surtout l’homme bourru mais touchant des saisons 1 et 2 qui nous manquera.

Les trois saisons de Stranger Things sont disponibles sur Netflix.