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Si vous aimez Girls et Please Like Me, vous aimerez Bartu Ben

Si vous aimez Girls et Please Like Me, vous aimerez Bartu Ben

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©BLUTV2018 / MUHSIN AKGUN

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Par Willy Alliot Jacques

Publié le

Une pépite turque centrée sur la quête identitaire de l'égocentrique et attachant Bartu.

Bartu incarne le paradoxe. Un style passe-partout et criard à la fois : T-shirt, baskets aux couleurs pastel mais chaussettes jaunes et short vert en toutes circonstances. Sa vie est à son image : Bartu est d’un égocentrisme envahissant mais il angoisse constamment à l’idée d’importuner les autres. Résultat, il ne contente personne. Il déçoit tout le monde.

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Dans ce premier opus sériel diffusé sur la plateforme Blutv, Tolga Karaçelik (réalisateur), prix de la Meilleure fiction internationale pour Butterflies au Sundance Festival 2018, et Bartu Küçükçağlayan (scénariste) racontent la vie d’un acteur un peu tombé dans l’oubli, obsédé par un seul objectif : faire redécoller sa carrière. L’entreprise est complexe. Le personnage est rongé par le doute et les remises en question. Et c’est drôle, même si le scénario use parfois les gags jusqu’à plus soif.

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Une quête d’identité

La question de l’identité est centrale dans la série Bartu Ben. Le personnage principal se cherche. Sa maladresse constante en est clairement le symptôme et n’est pas sans rappeler Josh Thomas dans Please Like Me. Il partage d’ailleurs avec ce dernier des mimiques singulières et un corps de skydancer, personnage tubulaire, coloré et à la démarche dégingandée.

Bartu se questionne sur sa vie émotionnelle. Entre angoisse du sentiment amoureux et drague lourde quand il est bourré, cet antihéros construit une relation qui se vit plus qu’elle ne se dit. Sa relation avec Serap, une actrice en formation, est libre et sans cadre. Leur complicité s’impose comme une évidence au fur et à mesure des expériences hors du commun qu’ils partagent. On retient cette scène dans laquelle Bartu, angoissé par son avenir, éclate en sanglots alors qu’il est en train de prodiguer un cunnilingus. 

Bartu se cherche aussi en tant qu’acteur. Sa notoriété en berne est difficile à assumer, d’autant plus qu’il y est constamment confronté. On l’arrête dans la rue pour lui dire qu’on le reconnaît, mais c’est souvent pour le confondre avec un autre. Aux auditions, on l’interroge sans cesse sur sa filmographie. Et il cache désastreusement le vide professionnel qui est le sien. C’est inconfortable pour lui, mais désopilant pour le spectateur. Le hasard lui sera finalement salvateur : il décrochera un rôle grâce à la presse people.

Le reflet de la société

Si Bartu peine à se trouver, c’est aussi parce que sa personnalité se fond difficilement dans cette société où les cases sont trop étroites. À l’image d’Hanna dans Girls, le personnage de Bartu s’essaye à de nombreux univers professionnels sans vraiment trouver sa place dans un projet de tournage. Il critique, au passage, les séries qui font la part belle aux scénarios extraordinaires et aux personnages souvent caricaturaux. Bartu Ben casse les codes de la série turque proche de la telenovela.

Tolga Karaçelik et Bartu Küçükçağlayan dépeignent savamment et en profondeur des personnages contemporains. La cousine, euphorique après son premier plan à trois, qui joue à la petite fille modèle devant son père, l’ami gay, intransigeant et dominateur, ou encore le gardien de l’immeuble doux et philosophe sont autant de rôles qui sortent des stéréotypes habituels.

Ces personnages, qui font souvent l’objet de discrimination dans la société contemporaine, sont ici très puissants. Mais réussiront-ils à exister par eux-mêmes et à s’imposer face à Bartu ?