6 questions qu’on s’est posées après le final de True Detective

6 questions qu’on s’est posées après le final de True Detective

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Par Adrien Delage

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L'enquête de Wayne et Roland est terminée, mais celle des fans vient juste de commencer. Attention, spoilers.

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C’est assez inhabituel pour le souligner, mais la saison 3 de True Detective s’est achevée sur un épisode plein d’humanité, où l’émotion l’a emporté sur le suspense. Encore une fois, c’est une preuve que le style d’écriture de Nic Pizzolatto a évolué au fil de sa série d’anthologie, même s’il a toujours su rendre humain et complexe ses personnages torturés. L’enquête de Wayne (Mahershala Ali) et Roland (Stephen Dorff) a été résolue au détour d’une longue conversation avec l’énigmatique majordome borgne, tandis que la mémoire du détective afro-américain continuait progressivement à se désagréger.

Forcément, le showrunner, scénariste et réalisateur de True Detective a gardé une part de mystère concernant la vérité autour de l’affaire Purcell, nous apprenant cette fois que le temps n’est pas un cercle plat, mais bien un labyrinthe où il est nécessaire de se perdre pour mieux se retrouver. De ce fait, plusieurs interrogations restent en suspens après l’épisode “Now Am Found”, que nous allons tenter de décortiquer afin de comprendre comment cette saison 3 s’est réconciliée avec le chef-d’œuvre qu’était la première saison.

#1. Wayne a-t-il reconnu Julie Purcell à la fin de l’épisode ?

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C’était la scène de tous les frissons, le point d’orgue d’une saison répartie en trois temporalités différentes. Après 35 ans passés à la chercher, Wayne est finalement parvenu à retrouver Julie Purcell, qui se fait désormais appeler Mary. Mais est-ce vraiment elle à la fin de l’épisode ? Le black-out soudain du vieil homme dû à sa maladie d’Alzheimer et le peu de dialogue qu’ils échangent nous font évidemment douter jusqu’au bout de la séquence.

Mais en observant bien les détails de la performance hallucinante d’Ali, sa gestuelle millimétrée et le panel d’émotions qu’il transmet par le regard, on comprend bien vite que quelque chose cloche. La fille de Julie/Mary (qui porte d’ailleurs le nom de sa grand-mère Lucy, coïncidence ?) apporte à Wayne un verre d’eau qu’il s’empresse de boire, avant de poser ses yeux sur elle, puis sur sa mère et de s’arrêter de boire pendant une poignée de secondes. C’est ce genre de petits détails qui font toute la différence dans True Detective et qui valent mille fois plus que des dialogues verbeux.

En effet, le regard que s’échangent Wayne et la victime présumée semble déclencher une émotion inattendue en lui, alors qu’on lit dans les yeux de l’acteur un éclair de lucidité, une fulgurance de sa mémoire fragilisée, peut-être partie aussi vite qu’elle est arrivée. Mais alors que le détective fatigué tourne le dos à Julie/Mary, on a la douce sensation qu’il a pris la décision de la laisser vivre en paix, à l’abri de son passé sombre et traumatisant. Car après tout, c’est aussi l’amour que Wayne garde en ultime souvenir, celui d’une dernière scène émouvante où il demande Amelia en mariage et s’éloigne un instant de l’enfer de l’affaire Purcell.

#2. Comment Amelia est-elle morte ?

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Cela peut sembler futile, mais Amelia (Carmen Ejogo) n’apparaît jamais dans la troisième timeline, celle du présent en 2015, où nos deux acolytes sont devenus des seniors et reprennent une troisième et dernière fois leur enquête. D’ailleurs, au cours des scènes d’hallucination de Wayne, l’écrivaine apparaît toujours dans sa version jeune des années 1980 et 1990. Par déduction, Amelia est très certainement décédée au début du nouveau millénaire, peut-être au mois d’avril comme l’indique le poème de Delmore Schwartz (“Calmly We Walk Through This April’s Day”).

On ne saura peut-être jamais ce qui a causé sa disparition, peut-être une maladie ou un accident, mais les dernières scènes de “Now Am Found” vont dans ce sens. Le réalisateur Daniel Sackheim fait traverser un sas de lumière éclatant à nos deux personnages, métaphore évidente du paradis, puis enclenche le blues mélancolique de “St. James Infirmary” repris par Jon Batiste, véritable ode à l’amour au-delà de la mort (“She’s stretched out on a long white table, she’s so sweet, so cold, so fair. Let her go, let her go, oh bless her, wherever she may be”).

En réalité, on s’en voudrait de rester sur cette inconnue puisque Nic Pizzolatto a finalement accepté de révéler le sort réservé à l’institutrice sur son compte Instagram : “Amelia et Wayne ont vécu heureux jusqu’en 2013, après des mois passés à faire le tour du monde. Le point culminant fut la mort d’Amelia, décédée soudainement mais en paix pendant son sommeil. Rien d’abominable, mais vraiment triste.” On apprend d’ailleurs que ces scènes auraient dû se trouver dans le season finale, mais HBO a souhaité réduire la durée de l’épisode en faisant des coupes. Croisons les doigts pour les retrouver prochainement dans les bonus de l’édition Blu-ray/DVD.

#3. Que va-t-il advenir du documentaire d’Elisa ?

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Elisa (Sarah Gadon), la réalisatrice du documentaire sur l’affaire Purcell en 2015, est un personnage secondaire fascinant. C’est une représentation méta des spectateur·rice·s fans de conspiration et de références à trouver entre les saisons de True Detective. D’ailleurs, Elisa fait le pont entre les saisons 1 et 3 en citant l’investigation de Rust et Marty dans un épisode. Mais avec la mémoire défaillante de Wayne et la volonté du détective de ne pas révéler toute la vérité sur le meurtre d’Harris James, son projet de documentaire est sacrément freiné.

Toutefois, si on peut imaginer une suite potentielle à la saison 3, Elisa aurait matière à conclure son enquête. Ainsi, un petit détail concernant Henry, le fils de Wayne, change la donne. On apprend rapidement dans les premiers épisodes qu’ils vivent une liaison dans le plus grand secret. Or, le personnage incarné par Ray Fisher est en possession d’une information capitale à la fin du season finale : l’adresse de Mary/Julie Purcell.

Bien entendu, on ne saura jamais ce qu’il a fait du bout de papier où est inscrit l’indice. À vous de voir s’il a fini dans sa poche et a été oublié à jamais, ou si Henry a finalement repris l’investigation de son paternel et croisé ses informations avec celles d’Elisa, mettant ainsi en péril l’identité secrète de la fille Purcell… Qui sait, son docu-série true crime atterrira peut-être un jour sur Netflix !

#4. Que signifie l’ultime plan de la saison ?

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Quintessence du mysticisme qui imprègne les épisodes de True Detective, l’ultime plan de la saison 3 est sujet à de multiples interprétations. Nic Pizzolatto nous fait remonter le passé une dernière fois, au début des seventies, alors que Wayne participe à la guerre du Viêt Nam. Là, dans un silence de mort, il se retourne vers la caméra comme s’il brisait le quatrième mur pour nous fusiller du regard, avant de s’enfoncer dans la jungle tropicale et en ressortir transformé.

À travers cette courte mais envoûtante séquence, Wayne nous raconte le premier traumatisme de sa vie, qui a beaucoup et irréversiblement amoché sa santé physique et mentale . Il s’enfonce dans cette touffe de feuillage comme s’il pénétrait dans les tréfonds de son cerveau, un labyrinthe dont il ne parvient pas à s’échapper. Prisonnier de son esprit déficient, le soldat devient la proie de sa propre folie, dévoré par l’horreur et la violence de la guerre qui ne le quitteront jamais vraiment, et dont l’affaire Purcell marquera le point de non-retour.

Au moment où Mahershala Ali se retourne, il cristallise un pan important de la vision du temps dans cette saison de True Detective. Une notion décousue et trompeuse dans le cas de Wayne qui, dans le passé, a régulièrement l’impression d’être observé par son futur (d’où les nombreuses scènes d’échanges de regards entre les différentes versions du policier au cours de la saison). Ces va-et-vient entre les temporalités nous ramènent probablement à cet instant précis sur le front qui l’a bouleversé à jamais, faisant le lien avec la scène précédente où l’on saisit toute l’importance et l’influence bénéfique d’Amelia dans sa vie.

En recollant les morceaux avec le season premiere, où Wayne se décrit comme un “traqueur”, et en filant la métaphore, ce plan symbolise certainement la recherche d’identité du héros. D’abord soldat, ensuite reconverti en détective, Wayne ne trouve (d’où le mot “found” du titre de l’épisode) finalement sa voie que dans l’amour qu’il partage avec Amelia. Il a d’ailleurs vécu des jours heureux en sa compagnie, une fois débarrassé de l’affaire Purcell, comme l’a confirmé Pizzolatto.

#5. Wayne meurt-il à la fin de la saison ?

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Cette théorie est directement liée à la question précédente. Le plan sur le porche de Wayne, où il est entouré de sa famille et de son meilleur ami Roland, offre un tendre happy end au personnage. Il observe au loin ses petits-enfants faire du vélo dans la rue, rappel subtil aux jeunes Purcell qui avaient disparu après une balade sur deux-roues (le temps est peut-être bien un cercle plat quelque part, non ?). Délicatement, la caméra se rapproche de son visage avant de traverser son œil dans un plan très fincherien, avant d’ouvrir sur la scène entre le couple dans le bar des anciens combattants.

Et si Wayne revivait à ce moment-là les deux passages les plus intenses de sa vie ? On dit souvent que la vie défile devant nos yeux au moment de passer l’arme à gauche, mais Pizzolato a peut-être une vision moins mélancolique du dernier souffle. “Fuck this world”, lui lancerait Rust Cohle. On préfère la compassion d’un Roland qui, tout comme les chiens qu’il élève à la fin de sa vie, s’est montré d’une loyauté et d’un soutien infaillible tout au long de leur vie.

#6. Y aura-t-il une saison 4 ?

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Il est bien là le plus grand mystère de True Detective. Nic Pizzolatto est sans aucun doute un auteur brillant et passionné, mais il est un travailleur démiurge, control freak et à l’ego surdimensionné, ce qui entraîna régulièrement des tensions avec Cary Fukunaga en saison 1 mais aussi avec Jeremy Saulnier, le réalisateur des deux premiers épisodes de la saison 3. Sa relation avec HBO n’est pas non plus des plus encourageantes : le showrunner et la chaîne n’étaient pas d’accord sur le montage final et la durée de “Now Am Found”, qui ont été débattus entre les deux parties jusqu’à deux semaines avant sa diffusion !

Si l’on en croit ses récentes déclarations sur Instagram, Nic Pizzolatto n’a pas eu le dernier mot et gardé ce refus en travers de la gorge. Par ailleurs, les audiences de la saison 3, plutôt bonnes après une absence de quatre ans, sont en dessous des deux premières saisons. Autrement dit, la bataille du renouvellement n’est pas encore gagnée… Cela dit, le showrunner a déjà réfléchi à des pistes pour une éventuelle saison 4 : “J’ai une idée assez folle, confie-t-il à Entertainment Weekly. Je pense que j’ai besoin de prendre du recul pendant un moment. J’aimerais faire une autre série, voire un film, en attendant. Mais oui, j’ai une idée [pour la saison 4].”

Du côté de HBO, Casey Bloys, le patron de la programmation, s’est montré très positif sur les retours de la saison 3. “En termes de créativité, et par rapport aux audiences, [Nic Pizzolatto] a coché toutes les cases que nous espérions, expliquait Bloys à Deadline. On est monté jusqu’à 8 millions de spectateurs sur un épisode, nous étions ravis des critiques et j’ai l’impression que les fans ont vraiment apprécié la saison 3. De surcroît, le jeu des acteurs est sublime. Je suis extrêmement satisfait sur tous ces aspects”. Les détectives du Sud semblent bien partis pour connaître de nouvelles aventures fascinantes.

En France, la saison 3 de True Detective est disponible en intégralité sur OCS Go.