Sex Education : la sexualité débridée d’ados britanniques (dé)complexés

Sex Education : la sexualité débridée d’ados britanniques (dé)complexés

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Par Florian Ques

Publié le

Dans la droite lignée de la déjà brillante Big Mouth, la nouvelle production de Netflix entreprend d’examiner la sexualité adolescente sous toutes les coutures… et ça fonctionne.

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Le sexe, trop longtemps perçu comme l’un des tabous ultimes, s’est imposé avec le temps comme l’un des sujets de prédilection de la pop culture. Certaines œuvres l’abordent de façon transversale, comme Insecure ou bien l’import australien Please Like Me, là où d’autres s’en servent comme porte-étendard. Parmi celles qui ont fait du coït leur marque de fabrique, on pense inexorablement à Sex and the City, pontife du genre à l’aube des années 2000, mais aussi à des pépites plus actuelles comme Big Mouth. En ce début de 2019, une nouvelle venue intègre cette liste florissante : Sex Education, dispo dès le 11 janvier sur Netflix.

Avec son titre peu équivoque, cette comédie à l’anglaise s’intéresse à Otis Milburn – interprété par le délicieusement gênant Asa Butterfield, révélé dans Miss Peregrine et les enfants particuliers. Celui-ci est un ado tout ce qu’il y a de plus banal, à un détail près : sa mère, incarnée par Gillian Anderson (X-Files), est une sexologue certifiée. Sans le vouloir, Otis a donc acquis un grand nombre de connaissances sur tout ce qui touche de près ou de loin à la sexualité humaine. Un savoir précieux pour Maeve, la bad girl de leur établissement, qui va le pousser à donner des conseils sexo tarifés à leurs camarades de classe – qui, évidemment, ont les hormones on fire.

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De prime abord, Sex Education est un objet plutôt étrange, à mi-chemin entre la comédie bien british à l’humour décalé et le teen show à l’américaine. En effet, la série de Netflix prend appui sur des grosses ficelles du genre, avec chaque personnage, principal comme secondaire, correspondant à un archétype. La rebelle au grand cœur, la troupe de mean girls, le sportif à qui tout réussit… vous n’aurez pas à les chercher bien longtemps, ils sont tous là. Le lycée en lui-même, avec ses longues allées de casiers, et le style vestimentaire des personnages font également écho aux productions US, bien loin du côté pittoresque qu’ont habituellement les séries d’outre-Manche. Mais très vite, la sauce prend.

Le melting-pot de ces influences semble servir d’ancrage à Sex Education, représentant alors un univers directement familier qu’on apprivoise en deux temps trois mouvements. Si l’originalité n’est pas forcément présente du côté des protagonistes, ceux-ci n’en demeurent pas moins attachants, plutôt mis en valeur grâce à des prestations justes et des dialogues percutants. Loin de la chasse aux aliens, Gillian Anderson prouve sa polyvalence dans ce rôle de psy décomplexée.

Maintenant, place à la vraie question : niveau sexo, ça donne quoi ? Alors qu’on pouvait craindre le pire, Sex Education s’avère étonnamment éclairée sur le sujet. En huit épisodes (d’une cinquantaine de minutes qui passent à une vitesse éclair), la série dépeint tout un spectre de la sexualité adolescente, de façon originale, sans filtre – ici, pas de partie de jambes en l’air qui fait rêver – et surtout inclusive. Otis, le personnage central, hérite notamment d’une intrigue prenante et novatrice, montrant un ado qui rencontre des soucis de masturbation (pour ne pas trop en dévoiler). Et Dieu sait que les problèmes érectiles, sur le grand comme le petit écran, ça reste quand même tabou.

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Et si Asa Butterfield réussit à faire d’Otis un héros awkward attachant, il se fait voler la vedette par son compagnon de jeu et meilleur ami à l’écran, Ncuti Gatwa. Pourtant novice, l’acteur incarne avec beaucoup de fraîcheur l’excentrique Eric. Celui-ci est ouvertement homosexuel, et oui, il aime bien le montrer grâce à différents artifices, que ce soit du vernis à ongles ou un maquillage outrancier. Sa relation ambivalente avec son père s’éloigne des clichés que l’on retrouve usuellement lorsqu’une série développe un personnage gay et noir. Le message est, au fond, très simpliste – sois qui tu es, affranchis-toi du regard des ignorants – et bien délivré par le personnage d’Eric.

Dans les faits, Sex Education est une série qu’on pourrait qualifier de “sex positive”, dans le sens où elle encourage une libération de la parole sur le sexe afin d’œuvrer pour une meilleure sexualité qui soit décomplexée et consentie. La mission est remplie, certes, de façon parfois scolaire et facile mais on ne lui en demande pas davantage. On tient là une série avec beaucoup de cœur, une volonté de bien faire et une bienveillance à l’égard de la sexualité adolescente, appuyée par des personnages qui suscitent aisément notre empathie. Pour ça, on salue l’écriture de Laurie Nunn, showrunneuse débutante qu’on va suivre de très près.

La première saison de Sex Education est disponible dès maintenant sur Netflix.