L’ère sans Fiona commence dans la saison 10 de Shameless (et ça fonctionne)

L’ère sans Fiona commence dans la saison 10 de Shameless (et ça fonctionne)

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Par Florian Ques

Publié le

À notre grande surprise, les Gallagher n'ont pas besoin de leur sœur aînée pour continuer de briller. Attention, spoilers.

C’est l’hiver dernier qu’Emmy Rossum quitta le navire Shameless, laissant derrière elle neuf saisons, une centaine d’épisodes et, surtout, son alter ego pendant moult années : Fiona Gallagher. Bon gré mal gré, celle-ci endossait le rôle ingrat de matriarche, n’en déplaise à ses frères et sœur pas toujours reconnaissant·e·s. À elle seule, la brune représentait le socle de sa famille, la condition sine qua non sans laquelle l’équilibre de sa fratrie menaçait de s’écrouler. Sauf que… pas tout à fait.

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À l’aube de sa dixième saison (oui, déjà), Shameless réussit l’impensable et prouve qu’elle sait subsister sans la présence de son personnage central. Alors bien entendu, la série reste un récit choral, plaçant les membres du clan Gallagher sur un pied d’égalité, mais il faut tout de même avouer que Fiona était le point d’ancrage de cette famille dysfonctionnelle. Pour autant, la série ne perd pas de sa superbe sans elle, montrant une énième fois qu’elle est d’une solidité infaillible – et franchement admirable.

Fiona ayant déserté pour vivre sa meilleure vie loin du Southside, le foyer familial s’offre une refonte complète. Trésorière attitrée de la fratrie, Debbie enfile sa casquette de leadeuse et s’efforce d’organiser toute la maisonnée. En parallèle, Lip devient enfin papa d’un petit Fred, Ian est toujours sous les verrous, Carl a bouclé son service militaire et Liam, lui, veut renouer avec ses racines afro-américaines. Et Frank dans tout ça ? Fidèle à lui-même, le père indigne de Shameless s’est trouvé un acolyte pour ses nombreux plans foireux, au grand désespoir de ses enfants.

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À l’origine, on craignait le pire. Rares sont les séries à avoir maintenu un cap qualitatif après le départ d’un personnage majeur. Néanmoins, en trois épisodes, Shameless balaie tous les doutes qu’on pouvait avoir. Les Gallagher ont des intrigues suffisamment solides pour que l’absence de leur aînée se fasse à peine sentir. L’exemple ultime ? Lip. Propulsé dans ce rôle de parent qu’il n’a finalement pas tant réfléchi, il se heurte très rapidement à ses premières complications.

Jonglant entre son job de mécano et l’éducation de son nouveau-né, Lip trime déjà bien assez. Mais le coup de massue arrive lorsqu’il apprend que le remboursement de ses frais universitaires doit bientôt débuter. Les qualités de Shameless sont plurielles mais sa principale reste sa facilité à dépeindre l’Amérique de la classe pauvre avec beaucoup d’humour et de légèreté. Après la gentrification, un de ses thèmes de prédilection, la série s’attaque à la précarité et à la façon dont les choix du gouvernement contribuent à sa croissance.

Connaissant Lip, il se pourrait que ce dernier retombe sous la contrainte dans des magouilles pas très légales pour se faire de la thune facile et ainsi subvenir aux besoins de sa nouvelle famille. Ce serait une trajectoire périlleuse, et sans nul doute déchirante, mais qui prendrait tout son sens et servirait à critiquer la manière dont l’État pousse les classes pauvres dans leurs retranchements.

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Aux antipodes de ces dilemmes-là, Ian croupit toujours dans un pénitencier avec son cher et tendre Mickey comme compagnon de cellule. Les deux se chamaillent constamment, la faute à cette proximité forcée à laquelle ils ne peuvent échapper. Au troisième épisode, le jeune Gallagher apprend qu’il va peut-être pouvoir être libéré plus tôt que prévu, mettant ainsi en péril son idylle carcérale. Doivent-ils opter pour une relation longue distance ? Se séparer une nouvelle fois ? Ou bien Ian doit-il saboter sa chance pour prolonger son séjour en prison ? Shameless parvient à insuffler un vent de nouveauté sur leur relation qui, autrement, faisait du surplace.

Pourtant idolâtrée par toute une communauté de fans, la relation Ian/Mickey est toxique à bien des égards. Passionnelle, oui, mais toxique – et cette dixième saison nous le prouve. Dans une scène émouvante, Ian annonce à son compagnon qu’il est désormais tonton d’un petit garçon. Caractère renfrogné oblige, Mickey a l’air de s’en contreficher. Pour peu qu’on prenne du recul, leur histoire est basée sur une tension sexuelle décuplée et des anecdotes partagées. Mickey n’est pas suffisamment stable pour offrir le soutien et réconfort dont Ian a besoin. Ils sont proches géographiquement parlant, mais distants émotionnellement.

Après dix saisons au compteur, les vicissitudes des Gallagher continuent d’émouvoir, même avec une Fiona aux abonnés absents. De Lip à Ian en passant par Debbie, tous les membres de ce clan survolté sont désormais confrontés à la dure réalité de la vie et n’ont d’autre choix que de mûrir. Les storylines lancées par ce début de saison sont prometteuses, dressant toujours un portrait amer des États-Unis sans oublier la folie inhérente qui fait partie de l’ADN de Shameless. Snobée par les cérémonies prestigieuses, la série peut au moins se targuer d’avoir un niveau d’écriture aussi constant que consistant. Il n’y a plus qu’à continuer sur cette lancée.

La saison 10 de Shameless est diffusée depuis le 10 novembre sur Showtime aux US.