The Morning Show, une série addictive sur l’engrenage médiatique après #MeToo

The Morning Show, une série addictive sur l’engrenage médiatique après #MeToo

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Par Florian Ques

Publié le

Jennifer Aniston, Steve Carell et Reese Witherspoon réuni·e·s dans une seule et même série, ça donne ça.

D’un banal hashtag à un mouvement sociétal libérant la parole, il n’y a qu’un pas et #MeToo l’a bien prouvé. Dans le sillage de ce mot-dièse salvateur qui a mis les réseaux sociaux en effervescence fin 2017, un éveil des consciences semble avoir opéré. La preuve sur le petit écran, où de multiples séries n’ont pas hésité à adopter un ton plus engagé, plus féministe, voire à carrément concevoir des intrigues directement en lien avec le phénomène #MeToo. C’est le cas de The Morning Show, l’une des toutes premières séries originales d’AppleTV+.

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L’atout majeur de The Morning Show, c’est à coup sûr sa distribution aux petits oignons. Après des années à bouder le monde des séries qui l’a rendue célèbre, Jennifer Aniston revient en grande pompe, se glissant dans la peau d’Alex Levy, présentatrice du talk-show matinal le plus réputé des US. Son monde vacille lorsque son binôme de longue date, incarné par Steve Carell, est accusé de violences sexuelles par d’anciennes collègues. Le futur de l’émission est alors incertain… jusqu’à ce qu’un nouveau pion débarque sur cet échiquier médiatique instable : Bradley Jackson (jouée par une Reese Witherspoon pimpante), reporter de petite notoriété qui a gagné les faveurs du public grâce à une vidéo devenue virale sur la twittosphère.

D’entrée de jeu, The Morning Show n’a de cesse d’être comparée à The Newsroom, la (courte) série d’Aaron Sorkin (The West Wing) sur les coulisses d’une chaîne d’infos états-unienne. A priori, on saisit pourquoi beaucoup s’obstinent à chercher les corrélations entre les deux : elles se déroulent dans un univers assez similaire et dépeignent des luttes de pouvoir sur fond d’affaires politiques résonant avec l’actualité. The Morning Show est d’ailleurs créée par Jay Carson, un ex-scénariste de House of Cards qui, avant de se faire un nom à Hollywood, a bossé en politique aux côtés de Bill Clinton et Michael Bloomberg. Pour autant, la comparaison entre les deux œuvres s’arrête là.

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Là où The Newsroom optait pour une approche bien plus réaliste avec une froideur et une rigidité ambiantes (aussi bien au niveau de l’esthétique que des personnages), la série d’AppleTV+ se donne plutôt des airs de soap politico-social. Oui, on vient peut-être d’inventer un sous-genre bien précis. En d’autres termes, The Morning Show fait davantage dans le sensationnel, avec une Jennifer Aniston impeccable en drama queen qui ne compte pas se laisser dicter sa conduite par qui que ce soit. Face à elle, Steve Carell, bien qu’en arrière-plan, montre qu’il est brillant dans ce rôle de pervers narcissique et calculateur. Inutile de préciser que c’est un vrai contre-emploi pour l’acteur que beaucoup ont adulé durant des années dans The Office.

En trois épisodes (dévoilés d’un coup sur AppleTV+ le 1er novembre dernier), The Morning Show parvient à tisser des relations tendues entre moult personnages, au-delà des principaux évoqués jusqu’alors, et explore ce microcosme de l’ombre où coups bas et non-dits sont monnaie courante. Mais le plus jouissif à découvrir, peut-être, est le lien complexe et nuancé unissant Alex et Bradley (les journalistes respectivement interprétées par Aniston et Witherspoon, donc).

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Dans ce monde à couteaux tirés particulièrement masculin, les deux femmes devraient s’épauler, s’entraider. Et c’est le cas, parfois, quand Bradley observe Alex comme on regarderait son mentor. Puis il y a d’autres moments, où Alex se sert allègrement de Bradley, la manipulant à sa guise pour assurer ses arrières. Les joutes verbales entre les deux sont un régal à voir et poussent inexorablement la série vers le haut.

Et puis, il y a le propos #MeToo, ici aspect central et décisif sans lequel l’intrigue de The Morning Show ne serait pas ce qu’elle est. Pour l’heure, le sujet n’est qu’effleuré, faisant surtout office d’élément déclencheur. Mais avec une saison inaugurale composée de dix épisodes (et une deuxième salve déjà dans les tuyaux), la série réserve sans nul doute des surprises, promettant de montrer comment les affaires de violences sexuelles sont traitées par le milieu médiatique.

Alors oui, pour peu qu’on soit en quête d’un réalisme à toute épreuve, The Morning Show n’arrive pas à la cheville d’un The Newsroom, plus cru et plus cinglant. Mais il ne faut pas négliger les atouts de la série d’AppleTV+, et notamment le fait qu’elle excelle dans le genre du soap, trop facilement snobé. Malgré de grosses ficelles, c’est bien écrit, rythmé, rapidement accrocheur, sublimé par un casting quatre étoiles… Il n’en faut pas plus pour se laisser happer.

The Morning Show est diffusée à l’international à raison d’un épisode par semaine sur AppleTV+.