La saison 2 de The Terror nous plonge avec brio dans le folklore horrifique japonais

La saison 2 de The Terror nous plonge avec brio dans le folklore horrifique japonais

Image :

Ⓒ AMC

photo de profil

Par Adrien Delage

Publié le

L'anthologie horrifique quitte les terres givrées de l'Arctique pour le sol américain en pleine Seconde Guerre mondiale.

Pour la première fois en presque dix ans, American Horror Story peut trembler. En cause, les scénaristes David Kajganich, Max Borenstein, Soo Hugh et leur anthologie horrifique The Terror, petite pépite de 2018 qui avait retourné les tripes de plus d’un spectateur. Après l’expédition glaçante des capitaines Crozier et Franklin, la série revient dans une saison 2 qui nous transporte aux États-Unis en pleine Seconde Guerre mondiale, au sein de la communauté immigrée nippone et au lendemain de l’attaque surprise de Pearl Harbor.

À voir aussi sur Konbini

On y fait la connaissance du foyer des Nakayama, une famille de modestes pêcheurs, venue se réfugier sur une île californienne. Les Japonais, stigmatisés voire exploités par des Américains méfiants, peinent à s’intégrer à la société, craignant la colère de leur communauté d’origine et le rejet de la part de leurs hôtes. Pour certains immigrés, cet exode aurait même attiré un “bakemono” en Amérique, un démon de la mythologie nippone qui prend possession des corps humains pour ensuite les faire souffrir ou les pousser au suicide.

Un contexte pertinent et terrifiant

(Ⓒ Ed Araquel/AMC)

La saison 2 de The Terror, baptisée Infamy, reprend les codes de l’horreur employés dans la première mouture. Sa particularité réside dans la frontière qu’elle suppose entre réalité et fiction. Un monstre métamorphe est-il vraiment plus terrifiant que la guerre que se mènent des humains, capable de séparer des familles à cause d’une paranoïa raciste ? Dans la même idée, les scénaristes font appel au huis clos et à l’allégorie de la caverne de Platon pour créer une sensation d’angoisse et de mort.

Dans ce nouveau chapitre, les navires de l’Erebus et du Terror pris dans les glaces de la première saison ont laissé place à la détresse des camps de concentration, où les Américains retenaient les immigrés japonais pendant la Seconde Guerre mondiale. Là encore, fiction et réalité sont en friction : si l’histoire de fantôme est inventée de toutes pièces, les Japonais ont vraiment souffert de cet enfermement injuste après la tragédie de Pearl Harbor. George Takei, connu pour son rôle du lieutenant Sulu dans la série Stark Trek et présent dans cette nouvelle saison, a d’ailleurs réellement été déporté quand il était enfant.

Au-delà d’un plongeon dans l’effroi, The Terror repose avant tout sur ses personnages. C’était particulièrement vrai dans la saison 1, où les scénaristes contaient la vie d’une centaine de matelots. Sur ce point, la saison 2 diffère un peu puisqu’elle nous fait entrer dans l’intrigue par le prisme de la famille Nakayama, et notamment du fils Chester joué par Derek Mio. Si le jeune acteur est moins convaincant que les vétérans Jared Harris et Tobias Menzies, sa quête d’indépendance vis-à-vis de l’héritage paternel (son père veut qu’il embrasse une carrière de pêcheur, lui est allé en fac pour suivre sa propre voie) est pertinente dans le contexte social de la saison.

Bakemono is the new Tuunbaq

(Ⓒ AMC)

En effet, si Chester souhaite échapper à son héritage pour vivre son rêve américain, il refuse également d’accepter les vieilles croyances japonaises, qui prennent ici la forme terrifiante du bakemono. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les pouvoirs maléfiques du monstre consistent à déformer le corps humain : c’est un reflet des cadavres mutilés voire méconnaissables des soldats et des civils pendant la guerre. À travers sa révolte sociale, Chester mène donc une lutte sur deux fronts : il affronte à la fois ses démons intérieurs et ceux qui hantent la communauté d’immigrés.

Évidemment, The Terror plonge régulièrement dans le film de genre à l’aide de séquences dérangeantes voire insoutenables. On pense notamment à la scène d’introduction du pilote, et ce long plan où la première victime du démon s’enfonce lentement un pic à cheveux dans l’oreille. Si la mise en scène évite les effusions de sang, préférant faire fonctionner l’imagination du spectateur, on ne peut s’empêcher de grimacer devant les souffrances que s’infligent les personnes possédées. Et une fois encore, ce mal surnaturel est une métaphore des blessures de guerre : la créature s’attaque aux sens de ses victimes (l’ouïe et la vue dans le pilote) comme pour appuyer une forme de déshumanisation de notre espèce.

(Ⓒ AMC)

Pour couronner le tout – et sûrement de par la présence de Ridley Scott sur le banc des producteurs –, la série est irréprochable sur le plan de l’esthétisme et de la production value. Si AMC n’a plus besoin de dépenser un budget conséquent pour créer de la fausse neige et une glace fictive comme en saison 1, elle s’applique à refaçonner avec soin l’Amérique des années 1940. Les costumes et les décors sont plausibles, et certains plans flattent la rétine grâce à une large palette de couleurs qui évoquent des jardins japonais. En bref, les créateurs de The Terror manient à la perfection le mélange entre les deux cultures, facilitant l’immersion dans cette histoire d’épouvante.

Les spectateurs les plus attentifs remarqueront d’ailleurs un élément horrifique novateur dans cette saison 2, et emprunté à la concurrence. En effet, les réalisateurs des épisodes s’amusent à dissimuler des formes fantomatiques dans les arrière-plans des scènes. On repère notamment un gimmick très angoissant qui évoque évidemment The Haunting of Hill House, le show de Mike Flanagan sorti sur Netflix en 2018. Du côté des nouveautés, on remarquera aussi un aspect néo-noir dans la série, via l’enquête que mène Chester grâce à ses photographies, et un travail sur la lumière qui joue aux ombres chinoises pour appuyer les climax narratifs.

Avec ce début de saison 2 réussie, les créateurs de The Terror confirment avoir saisi les enjeux d’une série d’anthologie. Si on retrouve des gimmicks de la première livraison, Infamy bascule dans un univers et une intrigue complètement différents, se permettant même de réinventer sa mise en scène au passage. Bien moins populaire qu’American Horror Story et The Haunting Of, The Terror gagne pourtant à être connue tant on en ressort à la fois bouleversé par son esthétique cauchemardesque mais aussi par sa capacité à proposer des histoires poignantes. Une œuvre trop rare qui parvient à trouver une forme de réalisme dans ses histoires fictives.

En France, la saison 2 de The Terror est diffusée à raison d’un épisode par semaine tous les vendredis sur Amazon Prime Video.