Pourquoi la saison 5 de Vikings est une déception

Pourquoi la saison 5 de Vikings est une déception

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Par Adrien Delage

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La fin de la série historique est proche, et c'est peut-être une bonne chose. Attention, spoilers.

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Héritier des antihéros de l’âge d’or des années 2000, porte-étendard de Vikings, Ragnar Lodbrok et son interprète Travis Fimmel ont marqué les esprits des sériephiles amateurs du panthéon nordique. Oui mais voilà, pour le showrunner et scénariste Michael Hirst, il n’a jamais été question de conter uniquement l’épopée guerrière de ce roi semi-légendaire avec Vikings, mais bien l’histoire de sa dynastie. Par conséquent, Ragnar a finalement rejoint le Valhalla en saison 4, laissant une majeure partie des fans endeuillée et la responsabilité de reprendre le flambeau à ses jeunes pousses, ou “porcelets” comme il aimait les appeler.

Vingt épisodes plus tard, force est de constater que les dieux scandinaves n’ont pas entendu nos prières. La saison 5 de Vikings est une déchirante déception qui ne parvient pas à dépasser la mort de son héros, s’enferme dans une boucle plombante et sort des intrigues secondaires fumeuses. On avait pourtant investi beaucoup d’espoir en Lagertha, Ivar, Björn, Ubbe et Hvitserk, famille dysfonctionnelle mais ô combien attachante, pour assurer la pérennité de la série. C’était peut-être trop en demander à Michael Hirst, clairement en panne d’inspiration pour se réinventer, et qui a récemment fait aveu de faiblesse en annonçant l’arrêt de Vikings à la fin de la saison 6.

La Petite Maison dans la prairie islandaise

En voulant étendre sa mythologie et sa palette de personnages, déjà bien remplie, pour ouvrir de nouvelles frontières, Vikings s’est cognée de plein fouet aux travers de séries blockbusters telles que Game of Thrones et The Walking Dead : les épisodes de remplissage. Si le show s’en sort habituellement plutôt bien quand il s’agit de démultiplier sa narration et ses décors (le raid de Björn en mer Méditerranée était passionnant à suivre en première partie de saison), l’intrigue autour de Floki et sa communauté islandaise a complètement ruiné le rythme et l’intérêt de cette nouvelle expédition, pourtant le sel de la série. Pire, le meilleur ami de Ragnar, qu’on adorait détester et que le jeu clownesque et over-the-top de Gustaf Skarsgård sublimait, est devenu l’ombre de lui-même.

En Islande, l’histoire de la colonie des Vikings s’est transformée en soap inepte et redondant. Personne n’avait signé pour ce remake nordique de La Petite Maison dans la prairie, découpé en d’insupportables séquences de “je le tue, tu me tues, on s’entretue tous”. Là où l’aventure s’annonçait grandiose en début de saison 5, via le débarquement très attendu sur cette terre inhospitalière mais emblématique dans l’histoire des Scandinaves, on garde finalement en bouche un goût amer d’inachevé voire de foutage de gueule complet.

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Face à cette communauté autodestructrice, Floki a perdu tout son charisme et sa prestance. Gustaf Skarsgård paraît las et vide de toute empathie, comme s’il passait simplement sur le plateau pour pointer ses heures de tournage. L’acteur et son personnage sont méconnaissables, tandis que son deuil vis-à-vis de Ragnar n’est jamais effleuré. Les deux compagnons vivaient pourtant une bromance palpitante à l’écran. Les scénaristes auraient mieux fait de le laisser seul en ermite face aux Ases et ses questions existentielles, plutôt qu’avec cette bande de colons suicidaires, dont les préoccupations hédonistes tournent inlassablement en boucle.

Dans ce naufrage, la fin des mésaventures islandaises sonne comme le paroxysme de la bêtise scénaristique de cette saison. Floki “meurt” (il était déjà métaphoriquement mort) sous les gravats d’un volcan en éruption, d’une manière grossière, cynique et irrespectueuse de sa personne, où l’on est supposé comprendre une vague revanche théologique d’Athelstan sur le Viking, tué par ce dernier en saison 3. Il s’agit littéralement d’un deus ex machina funèbre et navrant, symbolisé par la croix du Christ là où Floki s’attendait à trouver Odin et ses apôtres. Tout ça pour ça ? Même la mort de Sigurd était plus respectueuse que ce bâclage dans les règles.

Un Ragnarök en guise d’écriture

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Si ces insanités d’écriture se cantonnaient au personnage de Floki, on aurait pu passer outre en tant que grand amateur de la série. Malheureusement, cette déception se propage de façon tentaculaire sur le reste du casting. Entre ceux qui sont gratuitement jetés en pâture sans aucune once d’émotion comme l’évêque Heahmund (Jonathan Rhys-Meyers), et cet insupportable focus sur le Wessex aux dépens de Kattegat et des Vikings, la coupe est pleine.

De son côté, Lagertha surgit et disparaît au bon gré des scénaristes (et de l’agenda apparemment chargé de Katheryn Winnick), comme s’ils ne savaient plus quoi faire des protagonistes datant de la génération Ragnar (poke Rollo et son énorme révélation sur la paternité de Björn, réglée en une fraction de seconde dans un épisode)… La Briseuse de boucliers souffre du même syndrome apathique que Floki, si bien qu’on en viendrait à regretter son duel psychologique avec Aslaug, bien plus poignant que les errances de Lagertha contre son chagrin.

La passation de pouvoir à la jeune garde se fait également dans la douleur. Antagoniste imprévisible, glaçant et charismatique par le passé, Ivar n’est plus qu’une caricature de lui-même. Tout au long de la saison 5, il suit une trajectoire unidimensionnelle, jouant le rôle du méchant sans aucune profondeur ou subtilité. Mais la plus grosse vanne de ces dix derniers épisodes reste l’apparition aussi brève qu’inutile de Magnus (mais si, vous savez, ce fils bâtard que Ragnar a eu avec Kwenthrith dans une lointaine saison), ses trois lignes de dialogue superflues et sa mort dont tout le monde se moque profondément.

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En réalité, et je l’avais déjà annoncé ici, Vikings ne parvient pas à s’émanciper de Ragnar. Le visage historique de la série est toujours présent, et ce aussi dans les meilleures parties de la saison 5. Prenons Ubbe, qui reste clairement le fils le plus proche de son père physiquement et spirituellement. Sa dynamique avec Alfred, où chacun ouvre ses croyances et ses convictions intimes à l’autre, est un parallèle nostalgique de la relation entre Ragnar et Athelstan, voire entre Ragnar et le roi Ecbert. Ubbe est également un des rares personnages qui connaît une évolution, passant de résistant passif à véritable combattant de la liberté, jusqu’à en saigner littéralement des yeux dans un duel aux poings haletant.

Dans la même veine, la trajectoire de Björn ne passe évidemment pas inaperçue. Le plan final de la saison 5 est un clin d’œil assumé à la prise de pouvoir de Ragnar, devenu roi divin de sa communauté. Désormais, c’est à Björn d’assumer ce statut, ou fardeau serions-nous tentés de dire, pour une sixième et ultime saison, chargée de mettre un terme aux tribulations de la fratrie des Ragnarsson. Si Michael Hirst parvient finalement à transcender leurs histoires comme il a sublimé celle de Ragnar, nul doute que Vikings pourra rejoindre sereine le Valhalla des séries.

En France, Vikings est diffusée sur Canal+ Séries et disponible en replay sur myCANAL.