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Si vous aimez La Guerre des mondes, vous aimerez Colony

Si vous aimez La Guerre des mondes, vous aimerez Colony

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COLONY — “Pilot” Episode 101 — Pictured: (l-r) — (Photo by: Paul Drinkwater/USA Network)

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Par Adrien Delage

Publié le

Invasion d’aliens, soulèvement du peuple, drame familial, conspiration du gouvernement… Colony apporte un vent de fraîcheur au monde cheap de la science-fiction en série.

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Si l’arrivée d’extraterrestres sur la Terre fascine le cinéma depuis la (fausse) annonce d’une invasion faite par Orson Welles à la radio en 1938, le monde des séries n’y est pas exempt. Parmi les shows les plus connus, nous pouvons citer les enquêtes de Mulder et Scully dans X-Files, les essais (ratés) du genre avec Syfy (Defiance) ou encore la plus musclée Falling Skies de TNT, qui a quand même eu le droit à cinq saisons malgré ses faiblesses scénaristiques et ses effets visuels cheap.

En 2016, la chaîne USA Network (Mr. Robot, Suits) a décidé de tenter sa chance dans le genre de l’invasion extraterrestre avec Colony. C’est Carlton Cuse, scénariste et producteur de Lost, qui endosse le rôle de créateur. Pour assurer leurs arrières, lui et son scénariste Ryan Condal engagent des acteurs bien connus des sériephiles : Sarah Wayne Callies (The Walking Dead, Prison Break), Peter Jacobson (le docteur Taub dans Dr. House) et surtout Josh Holloway, aka Sawyer dans Lost.

Depuis la fin du show de ABC, l’acteur galère. CBS s’est plantée avec le procedural Intelligence, annulé au bout d’une saison en 2014, où Josh Holloway incarnait un flic d’élite avec un micro-ordinateur implanté dans le cerveau. Erreur fatale des scénaristes : ils avaient décidé de couper les cheveux de l’acteur, faisant hurler d’indignation la gent féminine. Heureusement, son rôle de héros slash père de famille slash ancien agent fédéral et sa coupe mi-longue retrouvée lui iront comme un gant dans Colony.

Entre V et Under the Dome

Dans Colony, les États-Unis et plus globalement le monde entier ont été colonisés par des forces extraterrestres. Ces aliens, dont on ne connaît ni l’origine ni le visage, ont cloisonné les plus grandes villes de la Terre avec d’épais murs d’acier de plus de 40 mètres de hauteur. On suit le quotidien de la famille Bowman et de leurs trois enfants dans le bloc de Los Angeles. Will (Josh Holloway) est malgré lui embrigadé par le gouvernement pour lutter contre la Résistance, un groupuscule qui tente de renverser l’ordre établi par les aliens.

Comme le souhaitaient Carlton Cuse et Ryan Condal, l’intrigue brouille les pistes dès les premiers épisodes et il faut du temps avant de saisir l’ensemble de leur œuvre. Si le gouvernement (les troupes appartenant à la “Homeland Security”) et les membres de la Résistance s’affrontent au quotidien, c’est également le cas du couple lorsque la femme de Will (Sarah Wayne Callies) rejoint les rebelles. En plus de ça, Will et Katie ont perdu leur cadet lors de l’arrivée des aliens, coincé dans un bloc situé en dehors de Los Angeles.

Si les comparaisons avec V ou le dôme de Stephen King dans le bouquin éponyme sont évidentes, Colony a sa propre manière de traiter cet asservissement qui évoque rapidement la terreur et la tyrannie instaurées par Hitler et la Schutzstaffel lors de la Seconde Guerre mondiale. Les deux créateurs du show tentent de revisiter cette métaphore de l’oppression à leur manière, la touche SF en plus.

Les personnages de Colony sont en proie à la répression, à des contrôles rationnés de nourriture, à des drones appartenant aux aliens qui les espionnent constamment et sont capables de les réduire en bouillie d’un simple rayon laser. Quand ils commettent une faute ou mettent en péril cet équilibre instauré par la force, ils sont directement envoyés à l’Usine, un camp de travail forcé qui évoque les camps de concentration du régime nazi.

Un sous-texte intéressant

Si vous vous attendez à voir Josh Holloway plomber de l’alien à longueur de temps façon Noah Wyle dans Falling Skies, passez votre chemin. L’intrigue de Colony est bien plus subtile et dresse le portrait d’une famille brisée par des événements d’une ampleur qui les dépasse. À la manière de The Walking Dead, on a souvent l’impression de se retrouver dans un survival-horror où les personnages sont sujets à d’innombrables dangers provenant parfois de leur propre camp, notamment quand ils deviennent des dommages collatéraux des attentats de la Résistance à l’encontre du gouvernement.

Bien entendu, les séquences d’action ne manquent pas. Fusillades, explosions, courses-poursuites, séances d’espionnage… On reste dans un drama orienté action. Cependant, même dans ces moments-là, les scénaristes ne mettent pas tant que ça le côté SF en avant.

Après une dizaine d’épisodes, on n’a toujours pas vu la couleur des aliens, seulement celle de leurs drones destructeurs. Bon point également, les scénaristes ont bien bossé sur leurs personnages féminins. Katie, notamment, se bat autant à la maison que dans la vraie vie et c’est souvent elle qui porte la culotte dans le couple. Le trope de la femme forte tient du déjà-vu, mais au moins il ne s’efface pas au détriment d’un show futuro-sexiste.

On se rend rapidement compte que Colony ne se contente pas d’une vision manichéenne dans ce futur chaotique. Même au sein de la Résistance, qui représente à première vue les gentils tentant de se révolter, évoluent de sales pourritures. L’individualité prône dans cette société mise sens dessus dessous, où même les Proxy – comprenez les chefs des blocs créés par les aliens – obéissent aveuglément pour tenter de sauver leur peau et s’attirer les louanges de leurs hôtes. Si certains personnages paraîtront caricaturaux au premier abord, il faut s’accrocher pour les observer grandir voire se radicaliser vers une cause.

Finalement, comme peut le faire Rectify dans un tout autre contexte, Colony parle avant tout de la condition humaine et des libertés, ou plutôt de la privation de celles-ci. Si la série n’échappe pas à quelques clichés et dialogues pompeux, Carlton Cuse et Ryan Condal rajoutent toujours des couches, un nouveau niveau de lecture à leur création (c’est dans ces moments-là qu’on sent d’ailleurs l’influence de Lost). En dépit d’un budget réduit et d’une audience relativement faible, leur série invite à réfléchir sans tomber dans la complaisance.

La saison 2 commence à ouvrir les frontières vers un monde plus grand, exposant l’ambition et l’intelligence de la série. Sur les effets spéciaux, un poil vieillots dans la première saison, un effort considérable semble avoir été effectué. Preuve en est avec le season premiere, qui consiste en un épisode flashback sur l’arrivée des aliens et leur impressionnante mise en place de ces barrières gigantesques. Ce moment déchirant renvoie clairement, choix ou pas des créateurs de mettre cet épisode en premier, aux idées radicales de Donald Trump par rapport à l’émigration mexicaine.

Enfin, Colony tombe rarement dans la démesure et la surenchère mais préfère une explosion de la violence inattendue à la manière des slow burners. C’est dans ces séquences qu’elle dévoile toutes ses qualités, où elle pousse ses personnages dans leurs derniers retranchements, prêts à faire le sacrifice ultime. Colony est loin d’être un chef-d’œuvre donc, mais une série qui a du cœur et beaucoup plus de potentiel que la simple belle gueule de Josh Holloway pourrait le faire penser.