Big Little Lies : mini-série, grande réussite

Big Little Lies : mini-série, grande réussite

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Par Florian Ques

Publié le

En seulement sept épisodes, les femmes de Big Little Lies ont prouvé qu’elles étaient plus torturées que tout Wisteria Lane.

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Après True Detective et The Night Of, HBO vient de mettre au monde une nouvelle (et courte) série de grande envergure. D’emblée, Big Little Lies s’est imposée comme une œuvre stylisée au possible, la patte si reconnaissable de Jean-Marc Vallée jouant pour beaucoup. Avec ses plans panoramiques et ses teintes feutrées, la série signée David E. Kelley s’est d’abord distinguée par son sens de l’esthétique. Puis, progressivement, par ses thématiques et sa facilité à les aborder sans tomber dans le pathos lancinant. Un piège trop courant, ici habilement évité.

Il n’empêche que les personnages de Big Little Lies sont éminemment tragiques. Tout d’abord, il y a Madeline, la mère au foyer pétillante rongée par son adultère et ses rapports conflictuels avec sa fille aînée. Puis Celeste, ancienne avocate désormais mariée à un homme plus jeune qui la frappe. Enfin, Jane, la dernière venue à Monterey, dont le petit garçon est le fruit d’un viol. Leurs maux respectifs sont camouflés par des tenues stylées, des voitures dernier cri et d’immenses villas luxueuses avec vue sur l’océan.

Au fond, c’est un peu comme si la série avait décidé de montrer les véritables travers du hashtag #WhitePeopleProblems, avec un casting cinq étoiles. Nicole Kidman et Reese Witherspoon font une entrée remarquée sur le petit écran, délivrant des performances top niveau. Trop facilement effacée par ces grandes pointures, la jeune Shailene Woodley (Divergente) met du cœur à l’ouvrage sous les traits de la poignante Jane. Il est également nécessaire de saluer la prestation des gosses de Big Little Lies, en dépit des prénoms improbables de leurs personnages (Ziggy et Amabella, seriously ?).

Ce qui aurait pu être une série glam et superficielle s’est finalement présentée comme une galerie de portraits soignée et nuancée. La relation destructrice entre Celeste (Nicole Kidman) et son époux, Perry (incarné par un Alexander Skarsgård bluffant), demeure l’un des points forts de cette brève saison. Le show outrepasse les idées reçues que ses téléspectateurs peuvent avoir sur les violences conjugales. Plus qu’un bourreau sans cœur unidimensionnel, Perry est davantage creusé. Il aime sa femme, c’est indéniable, mais il ne résiste pas à ses pulsions les plus abjectes.

Celeste, quant à elle, est ostensiblement tiraillée entre ce qu’elle fait et ce qu’elle devrait faire. La plupart du temps, la grande rousse ne semble pas prendre conscience des œillères qui l’empêchent de voir la réalité en face : elle se fait battre, constamment et impunément, par celui qu’elle aime. Un syndrome de Stockholm revisité. Grâce à des séances chez sa psy, elle commence à envisager une alternative, où elle pourrait se réveiller sans hématomes et s’éloigner du joug de son mari. Leur passion toxique devient de plus en plus dangereuse jusqu’au bouquet final, la fameuse résolution de Big Little Lies.

Car, rappelons-le, la série prenait initialement des airs de “whodunnit” avec sa narration qui n’était pas sans faire écho à une autre œuvre étrangement similaire, j’ai nommé The Affair. Mais très vite, elle s’est distancée de ce genre à suspense. À la place, on hérite d’un tableau bouleversant de femmes arrivées à un point de non-retour dans leurs vies. Si elles se tirent parfois dans les pattes (notamment Madeline et Renata, comme chien et chat), les protagonistes de Big Little Lies sont assurément féministes, comme le témoigne le dénouement de la tant attendue “trivia night”.

Somme toute, la mini-série de HBO est une plongée intrigante dans le microcosme de Monterey, ville côtière lui servant de point d’ancrage, et ses habitants aux vies a priori enviables. Le scénariste David E. Kelley déconstruit ce paradis terrestre, prouvant au travers de ses personnages imparfaits que son apparence idyllique n’est que trompe-l’œil. La caméra de Jean-Marc Vallée instaure une atmosphère électrique, toujours étrangement suffocante, et dote Monterey d’une esthétique atypique, que l’on trouve rarement sur le petit écran. À l’issue du visionnage des sept épisodes, le verdict tombe : Big Little Lies est une œuvre unique qu’il sera difficile d’égaler, et surtout d’oublier.

La première saison de Big Little Lies est disponible en replay sur OCS.