Avec Black Lightning, la série de super-héros prend un sacré virage politique

Avec Black Lightning, la série de super-héros prend un sacré virage politique

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Par Delphine Rivet

Publié le

Il faut passer outre le costume un poil too much, car en dessous se cache un héros politisé qui fait parler la foudre et laisse exploser sa rage face au racisme.

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Voilà une série qui détonne sérieusement au milieu des autres productions Berlanti, plus homogènes dans la forme. Black Lightning, créée par Salim Akil, va faire parler d’elle pour toutes les bonnes raisons. Dès la première scène, dans laquelle notre héros, qui raccompagne ses deux filles en voiture, se fait violemment contrôler par un policier blanc, on comprend qu’on n’est pas là pour voir des aliens se mettre sur la gueule dans des bastons épiques. Non, celle-ci à des choses à nous dire sur nous-mêmes et sur le monde dans lequel nous vivons.

Black Lightning matters

Il n’est pas anodin que sortent, à quelques semaines d’intervalles, deux œuvres de pop culture mettant en scène un super-héros noir. Entre Black Panther et Black Lightning, il y a comme un vent de révolte qui souffle sur nos écrans. Une réaction, à n’en pas douter, à la politique de Trump qui, il y a quelques jours encore, qualifiait les pays d’Afrique de “shitholes”, et de ses partisans néonazis.

Difficile de nier l’importance, aujourd’hui plus que jamais, de la représentation des Noirs au cinéma ou dans les séries, même si ces dernières ont toujours eu un petit temps d’avance sur les films. Avoir des symboles auxquels s’identifier est essentiel. Les petits garçons blancs ont eu des modèles de patriotisme et de courage depuis des lustres. L’heure est venue de proposer la même chose aux petites filles et aux enfants noirs.

Il y a un espace à conquérir, et plus qu’une énième adaptation de comics, Black Lightning est le héros dont l’Amérique a besoin. Et il a une histoire à raconter : celle des violences policières, celle des gangs, celle d’une nation divisée en deux, des classes populaires et celles, plus aisées, qui vivent dans les banlieues chics, celle de l’égalité des chances à l’école…

Une mythologie dont on ne sait finalement que peu de chose puisque la série choisit de nous montrer, non pas son origin story, mais son retour, après une longue retraite, à la vie de super-héros masqué. Il n’a pas non plus (du moins pour l’instant) de bande de sidekicks, mais une ex-femme aimante, deux filles en pleine rébellion (dont l’une deviendra d’ailleurs Thunder), et une figure paternelle qui taille aussi des costumes sur mesure. On est en plein dans l’intime.

De l’importance des symboles

On voit la rage, la colère absolue face à l’injustice, ranimer en lui une flamme qu’il croyait éteinte. Et, quand la vie de ses deux filles est menacée, il enfile son nouveau costume, aidé par un ami tailleur incarné par James Remar. Ici, les gangs sont autant un cancer que le racisme latent des institutions mais, ironie, le grand méchant de Black Lightning, le caïd qui se profile déjà comme la némésis du héros, Tobias Whale, est un Afro-Américain… blanc. Son interprète, Marvin “Krondon” Jones III, est en effet atteint d’albinisme. Le choix de le caster dans ce rôle n’est évidemment pas anodin dans une série qui est tout sauf “colorblind”.

Black Lightning a un supplément d’âme et ce, pour une raison très simple : elle est la vision d’un auteur, Salim Akil, qui s’est entouré de scénaristes partageant une expérience commune du racisme ou d’autres formes de discriminations, et il a déversé dans sa série une bonne partie de son vécu. Il a même poussé la logique de son message jusqu’à faire apparaître de véritables activistes dans son pilote, comme l’a noté le site Comic Book : Nina Turner, une sénatrice de l’Ohio et fer de lance de la campagne démocrate Our Revolution, et Roland Martin, un journaliste et éditorialiste.

Black Lightning, c’est donc un discours électrochoc, dans un univers DC qui, bien souvent, manque d’ancrage dans son époque. Seule Supergirl s’est engagée sur ce terrain, en prenant le parti des réfugiés et des femmes. Comme The Flash et Arrow nous paraissent rincées et sans saveur à côté de Black Lightning. Mais puisqu’on n’y va pas pour y trouver les mêmes choses, elles peuvent parfaitement cohabiter sur la chaîne. En revanche, un crossover semble inimaginable (et ça tombe bien, ça n’est pas du tout à l’ordre du jour) tant les vétérantes de The CW se sont bâti des univers à part, des bulles de SF, de magie, de menaces aliens et d’armes supersoniques.

La série de Salim Akil, elle, s’attaque aux plaies de la société dans laquelle on vit et tend, en particulier aux Blancs et aux institutions, un miroir peu reluisant. On la regarde en toute conscience et, au-delà de son empreinte politique et sociétale, elle n’oublie pas de nous divertir. Une narration habile et rythmée qui nous fait vivre la renaissance d’un super-héros et l’éveil d’une super-héroïne. Un vrai coup de foudre.

La saison 1 de Black Lightning vient de débuter sur The CW, et sera dispo à partir du 23 janvier sur Netflix, à raison d’un épisode par semaine.