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Cannabis : est-ce qu’on fait tourner la nouvelle série d’Arte ?

Cannabis : est-ce qu’on fait tourner la nouvelle série d’Arte ?

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Kate Moran

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Par Marion Olité

Publié le

Arte lance ce jeudi 8 décembre la première saison de Cannabis, sa nouvelle série qui a pour ambition de retracer le trafic de drogue, du producteur au consommateur. 

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Créée par Hamid Hlioua (également derrière l’adaptation en série du best-seller Glacé, bientôt sur M6), le projet de Cannabis avait tout pour plaire sur le papier : un sujet forcément accrocheur et passionnant dans un pays, la France, qui détient le record de consommation de marijuana en Europe ; une jeune réalisatrice prometteuse (Lucie Borleteau) et une chaîne, Arte, qui prend la fiction au sérieux.

L’histoire prend place en deux lieux : Marbella en Espagne où règne un baron de la drogue, El Feo (Pedro Casablanc), et une cité en banlieue parisienne, baptisée La Roseraie, dirigée en sous main par le dealer Morphée (Christophe Paou). Quand El Feo se fait voler une grosse cargaison de cannabis, tout ce petit monde interdépendant va s’entrechoquer. Le lieutenant de Morphée, un petit jeune dégourdi qui a grandi à la cité, Shams Belhadj, est envoyé par Morphée pour tenter de retrouver la drogue.

Si certains personnages passent de la France à l’Espagne pour faire le lien, le plus gros défaut de Cannabis, c’est d’avoir choisi de créer deux univers parallèles, qui coexistent mais n’ont pas grand chose en commun au final. Surtout quand l’un est bien plus réussi que l’autre. Ainsi, les passages qui se déroulent en France et suivent la vie des habitants de la cité de La Roseraie, entre espoir de voir les pouvoirs publics reprendre la main et violence quotidienne, s’inscrivent dans un réalisme qui place Cannabis dans l’esprit d’un The Wire (toutes proportions gardées).

Trop chargée

Les jeunes de la cité, notamment le touchant Yasin Houicha qui incarne Shams, s’avèrent être les plus convaincants de la série. Leur jeu naturaliste fait mouche. Les dilemmes auxquels ils font face — entre envie de se ranger des voitures, tentation de se faire beaucoup d’argent très vite et perspective d’avenir bloquée en dehors d’une belle carrière dans la criminalité — sont tout ce qu’il y a de plus réalistes. Tout comme le combat de Zohra Kateb, nouvelle maire de Villiers portée par son idéalisme, qui va vite déchanter face à la violence de la vie dans la cité. Cette partie, plutôt pas mal maîtrisée, aurait pu être davantage creusée. Elle aurait même méritée un focus total.

En revanche, dès qu’on passe la frontière espagnole, c’est une toute autre série que nous propose Hamid Hlioua. On y suit la trajectoire d’une bourgeoise, Anna (Kate Moran) qui hérite des dettes de son trafiquant de mari quand celui-ci disparaît. Elle va devoir négocier directement avec le flippant El Feo tout en tentant de sauver sa boîte de nuit, qui cache aussi un bordel.

Bienvenue dans une sorte de soap de luxe sur l’univers de la nuit et de la drogue, où le champagne coule sur les boobs des filles, tandis que le méchant torture ses ennemis et collectionne les jeunes vierges (si, si). On comprend bien pourquoi cette partie, moins réaliste mais plus sexy, a été incluse, mais elle ne fonctionne pas avec le reste.

Vous l’aurez compris, à vouloir traiter tous les aspects du trafic, Cannabis se retrouve constamment le cul entre deux chaises, entre deux mondes irréconciliables, entre une volonté de réalisme et une attirance pour les bons vieux codes du soap (machin a couché avec bidule, truc n’est pas mort en fait !). Il fallait choisir entre les deux et y aller à fond. On est d’autant plus déçus que la série touche du doigt ce qu’il aurait fallu approfondir. Comme pour Trepalium, autre fiction audacieuse diffusée sur Arte, l’ambition ne manque pas, mais la réalisation déçoit.

La première saison de Cannabis, composée de six épisodes, débute ce jeudi 8 décembre sur Arte