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La scénariste de Skins nous plonge dans Clique, sa nouvelle série dark sur la post-adolescence

La scénariste de Skins nous plonge dans Clique, sa nouvelle série dark sur la post-adolescence

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Par Lydia Morrish

Publié le

Trois ans après l’arrêt de Skins, sa jeune scénariste, Jess Brittain, revient sur le devant de la scène avec un nouveau portrait résolument sombre des années fac.

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Il n’y a rien de vraiment comparable à l’amitié entre deux femmes. Elle peut se révéler profonde, excessive et parfois violente, mais elle reste très différente des autres types de relations, et seule une femme peut vraiment comprendre son degré d’intensité. L’amitié féminine n’a jamais été aussi essentielle en ces temps où des misogynes contrôlent le monde, où Internet grouille de trolls et où les femmes s’affrontent implacablement.

La nouvelle série de la BBC Three, Clique, se propose justement d’explorer sans tabou les hauts et les bas des amitiés féminines et de montrer ce que c’est que d’être une jeune femme de nos jours. Composée de six épisodes, cette mini-série se présente comme le nouveau Skins, mais en plus sombre, glamour et captivant.

Clique suit la vie de deux BFF inséparables, Holly (Synnove Karlsen) et Georgia (Aisling Franciosi, vue dans The Fall), alors qu’elles se laissent embarquer au sein d’un groupe de filles faisant partie de l’élite de leur université, mené par la bitchy Jude McDermid (Louise Brealey, Molly dans Sherlock).

À première vue, Clique se présente comme l’héritière spirituelle du show culte des années 2000, qui a vu des personnages attachants comme Tony, Sid, Cassie, Chris, Anwar et le reste de cette bande énervée atteindre l’âge d’aller à l’université. Cependant, la petite nouvelle s’annonce encore plus dramatique et poignante que son aînée.

Le dernier bébé de Jess Britain (qui a bossé précédemment sur Skins en tant que scénariste) se présente comme un portrait intense de la vie universitaire – pour le meilleur et pour le pire, bien entendu. Tout comme dans Skins, on y retrouve des drogues, du sexe, des twists en pagaille et même… des morts. Cependant, à l’opposé de son aînée, Clique se présente comme un thriller pour la génération universitaire, faisant de la série un nouveau challenge scénaristique pour Jess Brittain. Vendu comme un “drame intense et aguicheur sur l’amitié poussée dans ses retranchements”, le show est plus soigné et plus stylisé que Skins. Les problèmes de cette génération, en revanche, demeurent inchangés, comme nous le souligne l’auteure :

“Au cœur de la série se trouvent la notion d’amitié, le fait d’être une jeune femme et d’être perdue au milieu de gens qui semblent avoir tout compris à la vie. Et ça, c’est quelque chose d’universel. Avec un peu de chance, c’est quelque chose qui va permettre aux jeunes femmes, et peut-être aux jeunes hommes, de s’y retrouver.”

Clique n’est pas seulement une histoire à propos des femmes, c’est aussi une histoire faite par des femmes : le casting principal est composé quasi exclusivement de femmes et les trois scénaristes du show font également partie de la gent féminine. On a eu la chance de rencontrer Jess Brittain, la créatrice et scénariste de Clique, dans le cadre de l’avant-première du show. L’occasion de parler de son expérience en tant que jeune femme de nos jours, de sa vie post-Skins et, évidemment, des cliques.

Konbini | Avant toute chose, comment est née Clique 

Jess Brittain | C’est tiré en quelque sorte de mes années assez bizarres à l’université, une expérience qu’une bonne partie de mon entourage a aussi partagée. C’est cette chose un peu honteuse qu’on n’osait pas avouer à l’époque… Puis les gens ont commencé à en parler et ça m’a donné envie d’y retourner et de comprendre. En plus, je voulais travailler à Édimbourg et explorer davantage la ville. Ça semblait coller avec les sentiments contradictoires que j’éprouvais vis-à-vis de l’université.

Pourquoi Édimbourg ? Une raison particulière ?

Tout d’abord, parce que c’est la ville de mon enfance – la moitié de ma famille est écossaise – donc c’est un endroit où j’allais beaucoup quand j’étais gosse. Et c’est magnifique. Puis t’y retournes quand tu es adulte et tu prends conscience que c’est aussi un endroit assez déconcertant. Il y a l’Édimbourg touristique avec ses superbes rues pavées, mais il y a aussi un autre côté plus troublant. J’ai toujours l’impression qu’on ne sait jamais à quel niveau de la ville on se situe. Tu peux prendre un virage et atterrir dans un nouvel endroit sans aucun repère. Ça m’a semblé très similaire quant à l’idée d’être une jeune femme à l’université.

“Alors qu’on était en train de développer la série, Trump a été élu…”

Pourquoi est-ce important d’explorer ces histoires d’amitié féminine aujourd’hui plus que jamais ?

Parce que les choses sont pires qu’avant ! Pire que ce qu’elles l’étaient pour moi à l’époque. J’ai eu une expérience délicate à l’université principalement parce que je manquais de confiance en moi et j’ai laissé mon anxiété prendre le dessus sur moi. La pression d’avoir une vie bien rangée était peu présente. Tu en parles aux jeunes d’aujourd’hui et la pression est passée à un cran bien au-dessus, à tel point qu’ils ne considèrent pas l’université comme une période où tu peux expérimenter des choses et faire des erreurs.

“Quels stages as-tu faits ? Tu comptes faire quoi après tes études ? Pourquoi tu suis un cursus en sciences humaines ?”… C’est tout ce genre de questions et tu te dis “Oh putain”, au moins j’ai eu l’opportunité de me tromper et je m’en suis pas trop mal sortie.

Puis, alors qu’on était en train de développer la série, Trump a été élu, donc ça a encore une fois tout changé. Ça a rendu les choses plus tendues mais j’avais envie de mettre les pieds dans le plat plutôt que de faire comme si ce n’était pas en train d’arriver.

De quelle manière penses-tu que Clique peut influencer les jeunes femmes encore à l’université, ou celles qui débutent leur carrière ?

Ça reste de la fiction et on y est allé fort– c’est glam, c’est ambitieux, ça ne va pas refléter une expérience universitaire très standard, mais on a fait ça en connaissance de cause. Dans son essence-même, Clique est un thriller psychologique et des gens meurent donc ça n’est pas réaliste – tu ne vas pas regarder Clique et te dire que c’est exactement ce que tu as pu connaître.

Mais au cœur de la série se trouvent la notion d’amitié, le fait d’être une jeune femme et d’être perdue au milieu de gens qui semblent avoir tout compris à la vie. Et ça, c’est quelque chose d’universel. Avec un peu de chance, c’est quelque chose qui va permettre aux jeunes femmes, et peut-être aux jeunes hommes, de s’y retrouver.

Il y a quelque chose de très particulier dans les amitiés entre femmes, notamment dans notre rapport à l’intimité. Comment avez-vous pu traduire ça à l’écran ?

En fait, ces amitiés sont au centre de ton univers depuis tellement de temps qu’elles en deviennent presque une unité de mesure. Encore plus dans un espace de transition comme l’université, où elles deviennent essentielles. L’intensité de ce genre d’amitiés est quelque chose qui me fascine et très souvent, elles aident à se définir… Ça a certainement été mon cas. Mon échec au niveau des amitiés avec d’autres femmes a clairement défini mon expérience universitaire. C’est ça qui est au cœur de Clique : l’inquiétude, la passion, l’amour de femmes à l’égard d’autres femmes d’un point de vue amical.

Es-tu toi-même familière avec le concept de cliques ?

Carrément. Je pense que toute fille a déjà rencontré une clique. Une bonne, une mauvaise, une plus difficile à cerner… les femmes font des pactes. C’est un peu notre truc. Une clique peut devenir la meilleure chose au monde, mais si ça tourne mal, elle peut te détruire.

Beaucoup d’ados ont grandi avec Skins. Peut-on considérer Clique comme “la nouvelle génération” ?

J’ai aussi grandi avec Skins, j’avais 17 ou 18 ans quand c’est sorti. Mes amis et moi étions impliqués en terme de recherche et on partageait nos histoires. Avec un peu de chance, ceux ayant grandi avec Skins seront intéressés bien qu’on soit plus âgés que nos années fac maintenant.

Mais c’est un tout autre monde maintenant. On ne pourrait pas recréer la première saison de Skins, ça serait en décalage complet avec les ados d’aujourd’hui. Skins semble dépeindre une période très spécifique. J’espère que Clique reflètera bien ce changement.

Depuis Skins, de quelle manière penses-tu que la jeunesse a changé ?

Le niveau de liberté, l’opportunité pour les jeunes de se tromper et de commettre des erreurs. Le temps où les jeunes pouvaient avoir leurs “années sauvages” est révolu et c’est vraiment dommage. Cela dit, ça veut dire qu’on a maintenant une génération de personnes qui est incroyablement ordonnée et prête à prendre le contrôle du monde. On est à un stade où la pression est très présente.

Clique est diffusée en ligne sur BBC Three à partir du 5 mars dernier.

Traduit de l’anglais par Florian Ques et Marion Olité