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Jodie Whittaker met tout le monde d’accord dans la nouvelle saison de Doctor Who

Jodie Whittaker met tout le monde d’accord dans la nouvelle saison de Doctor Who

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© BBC

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Par Delphine Rivet

Publié le

Elle a perdu les clefs du TARDIS mais gagné la confiance de 8,2 millions de Britanniques !

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Après avoir fait couler beaucoup d’encre, suscité la haine de certains fans et l’approbation d’une majorité de whovians, l’arrivée de Jodie Whittaker à l’écran passe finalement comme une lettre à la poste. Cette saison 11, ou la 37e si vous comptez depuis le début, opère une petite révolution devant comme derrière la caméra. Mais le coup de génie, c’est sans doute de ne pas avoir trahi les presque soixante ans d’histoire de la série, tout en s’autorisant une approche résolument moderne.

Steven Moffat, showrunner de 2009 à 2017, nous a offert des épisodes fabuleux, personne ne remettra ça en doute, mais il a aussi toujours refusé de céder à la pression de certains fans réclamant une femme dans la peau du Doctor. Il aura donc fallu attendre Chris Chibnall, qui prend sa suite dans cette toute nouvelle saison, pour faire la nique à une tradition vieille de 55 ans : enfin, cet alien, doté de deux cœurs, changeant de visage régulièrement, et aux commandes d’une boîte de police bleue, naviguant dans le temps et l’espace, se métamorphosait en femme. Absolument rien dans la mythologie de la série n’empêchait cette approche tout à fait radicale consistant à envisager UNE Doctor. Et pourtant, quand l’annonce a été faite, on était noyé sous une déferlante de “male tears”.

“Je suis juste une voyageuse”

Si les pleurnicheries de certains étaient surtout motivées par une bonne grosse misogynie, on pouvait comprendre, en revanche, l’inquiétude, voire le trac, des véritables fans de la série. Comme à chaque régénération, c’est le même mélange de curiosité, de tristesse parfois, et d’appréhension. On doit dire adieu à un Doctor, et en accueillir un autre dans son cœur. Le fait que ce soit une femme ne devrait même pas entrer en ligne de compte, et pourtant. Comme pour Wonder Woman avant elle, on croisait les doigts pour qu’elle soit à la hauteur, inattaquable, exemplaire, qu’elle plaise au public et convainque la critique…

Ne tournons plus autour du pot : dans son tout premier épisode, baptisé “The Woman Who Fell To Earth”, Jodie Whittaker est formidable et s’empare sans la moindre difficulté de ce rôle. Elle a l’énergie d’un David Tennant (le dixième Doctor), tout en apportant sa touche personnelle, le tout saupoudré d’un irrésistible accent du Yorkshire. Elle était née pour jouer cette héroïne.

Son introduction est une formalité et se permet même l’audace de le faire 9 minutes après le début de l’épisode, une fois que ses futurs compagnons, et les liens qui les unissent, nous ont été présentés. Le fait qu’elle soit une femme est à peine évoqué. Chris Chibnall, après le brouhaha qui a entouré l’arrivée de Jodie Whittaker, a choisi de ne pas en faire tout un plat, histoire de montrer aux haters que c’est la régénération la plus naturelle du monde. Eleven, alors incarné par Matt Smith, semblait bien plus traumatisé par sa transformation en 2010, se touchant les cheveux en hurlant “I’m a girl ?! Nooo !”.

Thirteen, c’est désormais le petit nom de l’héroïne qui succède à Twelve (12, incarné par Peter Capaldi), est d’abord un peu confuse, mais passe rapidement à autre chose quand on lui apprend qu’elle est une femme :

“- Pourquoi vous m’appelez madame ?
– Parce que vous êtes une femme.
– Vraiment ?! Et ça me va comment ?”

Elle enchaîne quelques secondes après : “Désolée. Il y a à peine trente minutes j’étais un homme blanc écossais.” Et, à la toute fin de l’épisode, un peu avant de choisir sa tenue (merci de nous avoir épargné la séquence essayage sur la musique de Pretty Woman), qui deviendra aussi iconique que celle de ses homologues masculins, elle lance : “Ça fait bien longtemps que je n’ai pas acheté de vêtements de femme”. Une manière de sous-entendre qu’elle n’a pas toujours été un homme, contrairement à ce que la série nous a montré de façon constante depuis 1963.

C’est une petite révolution qu’a opéré cet épisode dans la longue histoire de Doctor Who. D’abord, comme on vient de le voir, le rôle-titre a pour la première fois été confié à une femme. Un changement qui n’a pu être possible que grâce au changement de showrunner. Chris Chibnall, qui a notamment créé la série Broadchurch (dans laquelle a joué Jodie Whittaker), est un whovian de la première heure. Il a d’abord écrit pour son spin-off Torchwood avant de réaliser son rêve de gosse en travaillant sur Doctor Who. Bref, le scénariste n’a pas à prouver son amour pour cette institution de la culture britannique. Une fois maître à bord, il a donc opté pour un petit ménage de printemps.

Et Jodie Whittaker n’est pas le seul coup de fouet donné à la série. Les deux pieds dans son époque, sans pour autant trahir le passé, Doctor Who se dote de trois compagnons (on n’avait pas vu ça depuis le tout premier Doctor), dont deux sont des personnes racisées. Ryan (Tosin Cole) est un jeune ouvrier de 19 ans atteint de dyspraxie, Graham (Bradley Walsh) est le mari de sa grand-mère, et enfin Yaz (Mandip Gill) est une jeune policière qui s’avère être une ancienne camarade de classe de Ryan. Chibnall a prévenu lors de la Comic-Con de San Diego : l’inclusivité et une meilleure représentation des minorités seront au cœur de cette nouvelle saison.

“On peut évoluer sans trahir qui l’on est”

Ces débuts, assez standards dans l’introduction de cette nouvelle Doctor, dans son déroulement comme sa résolution, se distinguent plutôt dans les petits changements qui s’opèrent çà et là, sans chichis mais dont la portée est très symbolique. Thirteen tombe du ciel, sans son tournevis sonique, et sans son TARDIS.

Pour pallier l’absence du premier, elle va donc nous montrer une nouvelle compétence : le do-it-yourself. Bricoleuse de génie, elle se fabrique son propre “sonic screwdriver” qui, comme elle le fait remarquer, est plutôt une sorte de couteau suisse. Pour le second, l’affaire est plus compliquée. Le Doctor sans son TARDIS, c’est comme un chevalier sans sa monture. Et c’est précisément ce vide laissé par la boîte bleue qui va motiver les nouvelles aventures de notre héroïne.

L’épisode en lui-même est finalement assez canonique, reprenant des tropes familiers, sans véritablement faire d’étincelles. Difficile d’égaler les meilleures intrigues de Doctor Who, en particulier celles qui suivent directement une régénération. The Eleventh Hour était une merveille du genre. Le sacrifice d’un des personnages, amené de façon un peu maladroite, est au moins le prétexte pour notre nouvelle héroïne de rappeler que le Doctor se traîne quelques fantômes et que, parmi ces fantômes, se trouvent les membres de sa famille, laissés pour mort sur Gallifrey.

Mais ce qu’on retiendra véritablement, c’est ce petit twist assurément moderne que Chris Chibnall, Jodie Whittaker et ses trois partenaires à l’écran apportent à l’ensemble. Symboliquement, le geste est très fort. Et maintenant qu’on a vu ce premier épisode, on peut se rassurer et faire taire l’insupportable bourdonnement des haters : ce dimanche soir, sur BBC One, “The Woman Who Fell To Earth” a attiré 8,2 millions de téléspectateurs et téléspectatrices, le meilleur score de Doctor Who depuis dix ans pour un season premiere. Pas mal, pour une fille !

La saison 11 de Doctor Who débarque en VOST ce jeudi 11 octobre, à 22 h 25, sur France 4.