Comment Dix pour cent est tombée dans la représentation stéréotypée du personnage lesbien

Comment Dix pour cent est tombée dans la représentation stéréotypée du personnage lesbien

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Par Mégane Choquet

Publié le

“C’est hyperimportant de déjouer les stéréotypes au maximum. Même si on doit forcer certains traits pour la comédie, je suis obsessionnelle sur le sujet de la représentation des femmes. Que va-t-on leur faire dire et comment ? Qu’il y ait des productrices et pas que des producteurs dans la série… L’idée est d’être un peu volontariste. 
Les gens le remarqueront peut-être, ou pas. Mais on est sur France 2 en prime time. Des millions de gens vont nous regarder. C’est un bain socioculturel et politique dont il faut absolument profiter pour faire passer des idées qui nous sont chères. Sinon, à quoi ça sert d’être auteure ?”

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Alors que s’est-il passé au moment de l’écriture de cette saison 2 ? Fanny Herrero est bien consciente de l’enjeu d’une telle série sur les représentations féminines sur le petit écran et a malheureusement raté le coche avec l’intrigue d’Andréa. Il est bien dommage que le personnage de Camille Cottin suive un chemin des plus classiques pour une femme lesbienne, à savoir forcément tomber dans les bras d’un homme à la fin. Si la série arrive à mettre à mal les discriminations récurrentes envers les femmes, en abordant notamment les problématiques du corps et de la vieillesse avec l’épisode consacré à Juliette Binoche (toujours excellente), elle n’a pas réussi à éviter le stéréotype “je suis lesbienne mais je finis par coucher avec un homme” avec le personnage d’Andréa.

Une erreur de parcours

Un cas de figure malheureusement récurrent

“Peut-être que j’ai été trop légère avec ça. À cet endroit-là, on n’a pas réalisé que ça pouvait blesser. Peut-être qu’on aurait dû être plus délicat, mais on écrit des personnages, on n’écrit pas pour une cause. D’un point de vue scénaristique, on a un échiquier de personnages qu’on anime et des fois on exagère un peu pour les besoins de la dramaturgie. Peut-être qu’on va pousser les personnages plus vite à des endroits où, dans la vraie vie, ils n’iraient pas, où ça prendrait plus de temps.”

Bien sûr, ce genre de situation où une femme lesbienne (ou un homme homosexuel) se découvre bi existe IRL, mais le fait que ce schéma soit constamment adopté dans le peu de séries avec des personnages homosexuels pose problème. Ce n’est pas la première fois, en France, qu’un personnage de série exposé comme homosexuel finit par devenir bisexuel. La série Clem, diffusée sur TF1, avait introduit, en saison 6, le personnage de Dimitri, joué par Rayane Bensetti. Ce jeune lycéen, amoureux de son camarade Lucas, finissait par faire son coming out devant sa famille. Seulement, surprise (enfin pas tant que ça), dans l’épisode final, Dimitri finit par embrasser une fille. Exit Lucas, le jeune homme finit par soi-disant “retrouver le droit chemin” hétéronormé. Ce revirement de situation a déçu beaucoup de fans qui appréciaient ce personnage, tel qu’il était. Autre exemple du cru, plus ancien celui-ci, la série Clara Sheller, déjà bourrée de clichés sur la représentation de la trentenaire parisienne un peu paumée et malheureuse en amour qui entretient une relation fusionnelle avec son meilleur ami gay, JP, mettait encore les pieds dans le plat en mettant en scène un “moment d’égarement” où Clara et JP couchaient ensemble.
Aux États-Unis, ce genre de situations est aussi monnaie courante. Dans la version US de Skins, le personnage lesbien Tea, alors en couple avec sa camarade de classe Betty, finit par tomber dans les bras de son pote Tony. Dans la série Girls, c’est Elijah, l’ex et meilleur ami gay d’Hannah, qui couchera avec Marnie au début de la saison 2. Dans Dawson, une scène de trouble entre Jen et Jack aurait pu gâcher leur amitié alors que le jeune homme est clairement gay. Et la liste est longue. Il est dommage que des personnages présentés comme explicitement gays ou lesbiens doivent à chaque fois faire face à un moment de doute et qu’ils ne puissent pas vivre pleinement leur homosexualité.

Une communauté LGBTQ toujours plus réprimée sur le petit écran