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De Lost à The Walking Dead, quand les effets spéciaux foireux viennent gâcher nos séries

De Lost à The Walking Dead, quand les effets spéciaux foireux viennent gâcher nos séries

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Par Adrien Delage

Publié le

Une biche en carton, un sous-marin qui date de l’époque de la Dreamcast… Qu’est-ce que fabriquent les showrunners de nos séries préférées avec leur budget ?

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George Lucas, Steven Spielberg, Robert Zemeckis, les sœurs Wachowski… Autant de cinéastes mythiques qui ont changé la face du septième art, notamment en incorporant dans leurs œuvres des images de synthèse. Le créateur de Star Wars fut l’un des précurseurs en matière de CGI, un acronyme anglais qui signifie computer-generated imagery. Une expression que la langue de Molière a traduit par “effets spéciaux numériques” et qui désigne tous les effets spéciaux cinématographiques créés à partir d’images de synthèse, de programmes informatiques et d’animations.

En vérité, la technique du CGI date des années 1970. Pour son long-métrage Mondwest, sur lequel est basée la série Westworld, le réalisateur Michael Crichton a utilisé cette technique afin de retranscrire le monde vu à travers les yeux des androïdes du parc. Un univers en 2D créé par ordinateur s’ouvrait alors à eux, ce qui était une prouesse à l’époque. Des images de synthèses en 3D (une main et une tête du personnage de Chuck, incarné par Peter Fonda) furent ensuite incrustées dans le second film sorti en 1976, intitulé Les Rescapés du futur.

Plus tard, George Lucas puis James Cameron l’ont démocratisée sur le grand écran. Rapidement, le monde des séries a lui aussi fait appel aux effets spéciaux numériques. Dès la fin des eighties, Tony Christopher et Gary Goddard lancent le show dystopique Captain Power et les soldats du futur, diffusé en France sur La Cinq (disparue en 1992). Les deux créateurs développent à cette occasion les premiers personnages de série entièrement réalisés en CGI.

Depuis, on ne compte plus le nombre d’œuvres sérielles qui ont exploité ce procédé. Et ces dernières années, les séries les plus populaires avec des budgets colossaux se sont prêtées à l’exercice, la plupart du temps pour offrir frissons et séquences spectaculaires à leur public. Toutefois, et même en 2017, bon nombre d’entre elles se sont cassé les dents malgré l’exigence visuelle que leur succès demande. Voici une liste non-exhaustive, établie par ordre chronologique des pires utilisations de la CGI depuis les années 2000.

#10. Les Soprano, saison 2, épisode 13, 2001

Série mafieuse culte, débutée à la fin des années 1990, Les Soprano n’avait pas tellement besoin d’effets spéciaux numériques. Après tout, elle s’ancrait dans la réalité en racontant l’histoire d’une famille de gangsters vivant dans le New Jersey. Pourtant, l’épisode “Proshai, Livushka” de la saison 3 a vu un de ses personnages entièrement recréé en CGI. Il s’agit de Livia Soprano, incarnée par Nancy Marchand. Un rôle pour lequel l’actrice a remporté le prix du meilleur second rôle féminin lors de la 57e cérémonie des Golden Globes en 2000.

Quelques années avant Les Soprano, Nancy Marchand avait commencé à développer un cancer des poumons qui s’est rapidement aggravé au début du XXIe siècle. Elle décède le 18 juin 2000, entraînant une réécriture complète du scénario de la série. En conséquence, le showrunner David Chase et son équipe de scénaristes décident de recréer entièrement le personnage pour une dernière séquence dans la saison 3.

Si une question éthique se pose quant à la “renaissance” d’une personne décédée par un procédé technologique, les créateurs des Soprano auraient pu avoir la dignité et le respect de laisser en paix une grande actrice. Cependant, ils ont préféré tourner une dernière scène avec le personnage (particulièrement apprécié des fans) digitalisé. Il en résulte une séquence absurde, où Nancy Marchand apparaît comme un véritable fantôme flippant et délavé dans une scène dramatique, et ce dans tous les sens du terme.

#9. Heroes, saison 1, épisode 20, 2007

Il n’est pas toujours facile d’assurer les effets spéciaux sur une chaîne de network américaine. L’ambitieuse Heroes créée par Tim Kring en a fait les frais à plusieurs reprises. Exploiter une histoire où des super-héros/mutants luttent pour survivre parmi les humains, où pouvoirs mystiques et autres voyages dans le temps sont légion, n’était pas une mince affaire. Et bien évidemment, les équipes de Heroes se sont régulièrement plantées lors des scènes d’action.

On aurait pu choisir une dizaine d’autres séquences, mais ce décollage de Nathan/Sylar réunit deux magnifiques ratés. Un premier avec cette ignoble incrustation sur fond vert des bâtiments détruits, puis une seconde avec cette envolée du personnage marquée par un (pardonnez-moi l’expression) “pet de fumée”. Pas facile de rivaliser avec les impressionnants robots de Transformers qui avaient débarqué en salles le mois d’avant. Les Autobots avaient au moins la décence de ne pas lâcher de flatulences avant leurs bonds dans le ciel.

#8. Lost, saison 5, épisode 15, 2009

C’est terrible, mais cet extrait n’est ni un vieux documentaire trouvé dans les archives de National Geographic, ni un jeu vidéo sorti sur Windows 95. Si l’île de Lost regorgeait des mystères les plus incroyables et des plus somptueuses cabanes en bois, la série de J.J. Abrams ne brillait pas forcément par ses effets spéciaux. Mais dans l’épisode “Follow the Leader” de la saison 5, nous avons assisté à un niveau de “putasserie” visuelle rarement atteint sur le petit écran depuis le début du XXIe siècle.

On ne demandait pourtant pas grand chose à Lost du côté du spectaculaire. Peut-être un monstre de fumée noire crédible (quoique ?), mais en aucun cas un dragon ou tout autre dinosaure impromptu. À la place, on obtint ce sous-marin du projet DHARMA sorti d’outre-tombe, voire des limbes d’un ordinateur fabriqué pendant les années 1990. Mea-culpa pour la série qui nous aura offert l’un des plus frissonnants cliffhangers (parole de fan) de l’histoire du petit écran à la fin de la saison 5.

#7. The Office, saison 6, épisode 20, 2010

Hormis la récente Powerless qui s’inscrit dans l’univers des super-héros de DC Comics, rares sont les sitcoms nécessitant l’intervention d’effets spéciaux. Au contraire, il s’agit plutôt de faire dans l’économie, notamment sur les lieux et les appartements des personnages, comme un bon vieux running gag. Mais parfois, les créateurs des sitcoms ont des idées tellement folles et déjantées qu’ils n’hésitent pas à faire appel aux incrustations sur fond vert. Ce fut le cas dans la saison 6 de la version américaine de The Office.

Une fois n’est pas coutume, Dwight et Michael se chafouinent à nouveau dans l’épisode “New Leads”. Mais plutôt que de régler leurs comptes dans les bureaux de Dunder Mifflin, les deux hommes décident de s’affronter au milieu des ordures dans une déchetterie. Si les quelques cartons empilés et autres bouteilles en plastique qu’ils se jettent dessus sont réels, on comprend vite que le reste du décor est une incrustation sur fond vert uniquement là pour apporter de la profondeur au plan. Mais quand on voit ce que font certaines séries ultrapopulaires et au budget conséquent en 2017, on se dit finalement que les créateurs de The Office n’ont aucune raison de rougir.

#6. Once Upon a Time in Wonderland, saison 1, épisode 7, 2013

Ce n’est pas un oiseau, ce n’est pas un avion et c’est encore moins Superman. En 2011, ABC décide de lancer une série baptisée Once Upon a Time, un drame cheap qui s’amuse avec les contes popularisés par Disney, dans une version réaliste. Ce pitch déjà casse-gueule sur le papier se révélera être une purge d’effets visuels, notamment avec le spin-off Once Upon a Time in Wonderland, basé sur l’univers d’Alice aux pays des merveilles. Le show dérivé ne survivra étrangement qu’une seule saison.

Dans l’épisode “Bad Blood”, les personnages d’Alice et du Valet de cœur sont attaqués par une créature ailée. Cet ersatz des monstres ailés de Tolkien dans Le Seigneur des anneaux a de quoi terrifier. Non pas par ses crocs en papier mâché, mais justement par sa laideur. Aucun effort ne sera d’ailleurs accordé aux flammes qu’il crache par la gueule. On se croirait dans un bon vieux nanar ou un téléfilm de NT1. Une chose est sûre, Drogon, Rhaegal et Viserion doivent bien se marrer du côté de Westeros.

#5. Dexter, saison 8, épisode 12, 2013

La dernière saison de Dexter fut catastrophique et les ultimes minutes du series finale furent encore pires. Histoire de vous remettre dans le contexte : Debra vient de mourir à l’hôpital et son frère décide de la balancer au fond de l’océan comme toutes les personnes qu’il avait assassiné. Aux commandes de son bateau de tueur en série, il se jette alors à corps perdu dans une violente tempête réalisée en CGI.

Tout dans ce passage est absurde, de la décision de Dexter concernant le cadavre de sa sœur à l’arrivée de cet ouragan déchaîné. Parlons d’ailleurs de cette bourrasque d’une laideur absolue. Elle n’a aucune raison d’être puisque Dexter la traversera sans autre conséquence que de voir une barbe de bûcheron lui pousser sur le visage. Le combo mocheté plus inutilité de l’utilisation de la CGI dans cette séquence est à ne reproduire chez vous sous aucun prétexte.

#4. The Flash, saison 1, épisode 23, 2015

Les fans du Berlantiverse le savent, les séries de super-héros de la CW type Arrow ne sont pas toujours au top côté effets spéciaux. C’est encore plus vrai du côté des méta-humains de The Flash, Supergirl et Legends of Tomorrow. Parfois, les coshowrunners de The Flash, Aaron Helbing et Andrew Kreisberg, font même des choix franchement douteux. Si les gorilles de la saison 3 étaient joliment réalisés, King Shark et le Hunter Zolomon spectral de la Force véloce généraient surtout un sacré fou rire chez le spectateur.

Pourtant, ces deux créatures difformes n’étaient pas le pire effet spécial numérique de la série. Pour le trouver, il faut revenir deux ans en arrière, lors du season finale de la saison 1. Alors que Barry remonte au cœur de la singularité (sorte de trou noir) déclenchée par Eobard Thawne, les plans en CGI s’enchaînent à toute allure. Mais juste avant le cliffhanger de fin, les créateurs de la série nous offrent un plan désastreux où un Flash entièrement numérisé court au ralenti dans le cyclone.

Si seulement cette séquence s’était arrêtée là… Que nenni. Au cours du “previously on” des 23 épisodes de la saison 2, les monteurs clôtureront le générique d’introduction avec ce plan d’une mocheté absolue. C’est Grant Gustin qui devait faire la moue devant son alter ego numérique.

#3. Game of Thrones, saison 5, épisode 9, 2015

Oui nous sommes sévères et vous aurez tous les droits de vous insurger de voir votre série préférée dans ce classement. Malheureusement pour elle, Game of Thrones a franchi les limites du spectaculaire sur le petit écran et les attentes des fans sont désormais immenses. Entre la bataille des Bâtards de la saison 6 ou encore l’attaque des trois dragons de Daenerys sur les maîtres de Meereen, le show d’heroic fantasy nous en a mis plein les yeux.

Revenons quelques épisodes en arrière, plus précisément au cours de la bataille finale de Tyrion et consorts contre les Fils de la Harpie dans l’arène, où Drogon arrive à leur rescousse. Les premières images numériques du dragon sont incroyables et la créature ailée se déplace avec une fluidité étonnante, cramant tout sur son passage avec un réalisme époustouflant. Jusqu’ici tout va bien. Puis la Khaleesi va monter sur son dos et survoler la cité de la Baie des Serfs.

C’est au décollage puis en arpentant les hauteurs de Meereen qu’on a l’impression d’assister à un mauvais tuto Photoshop sur le détourage. En vérité, Emilia Clarke était posée sur un char en bois recouvert de plusieurs fonds verts. La Grande pyramide a tout de suite quelque chose de moins sexy dans ce passage somme tout largement mieux fait que les séquences qui vont suivre dans notre classement chronologique.

#2. The Walking Dead, saison 7, épisode 10, 2017

Malheureusement pour elle, The Walking Dead est la preuve que la mauvaise CGI ne dépend pas forcément de l’avancée technologique et des effets du temps. Nous avons eu le droit à un exemple flagrant dans l’épisode “New Best Friends”, alors que Rick et sa clique rendent visite au peuple de la décharge mené par Jadis. Si l’attention du spectateur sera principalement centrée sur le rôdeur inspiration Mad Max dénommé Winslow, personne n’aura échappé à cette affreuse incrustation sur fond vert lorsque le shérif grimpe en hauteur.

On comprend tout à fait la volonté des créateurs de la série de vouloir donner de la profondeur à cette déchetterie. Mais il aurait tout simplement mieux valu éviter ce plan qui ressemble à un mauvais tableau de Paul Cézanne. Pire, de nombreux internautes se sont demandés si un ovni ou un avion n’avait pas traversé le cadre à ce moment-là. Le monde post-apocalyptique de The Walking Dead réserve décidément bien des surprises.

#1. The Walking Dead, saison 7, épisode 12, 2017

C’est dur à reconnaître, mais la série zombiesque rassemble cette année un festival de ratés. Qu’on apprécie ou non l’ultraviolence proposée dans le premier épisode de la saison ou encore le schéma répétitif de l’intrigue de The Walking Dead, personne ne peut accepter l’incrustation en CGI d’une biche réalisée avec les pieds d’un stagiaire sur Print.

Plus sérieusement, le show d’AMC fait partie des séries les plus populaires aux côtés de Game of Thrones, où les showrunners D.B. Weiss et David Benioff doivent gérer des dragons et autres Marcheurs blancs. De leurs côtés, Scott M. Gimple et sa bande sont incapables de créer une biche réaliste.

La bonne nouvelle, c’est que The Walking Dead continue de faire le buzz : jamais une biche n’aura autant fait parler d’elle depuis Bambi. Même le faon dessiné de Felix Salten était plus réaliste que cette erreur de la nature qui finira en pâtée pour rôdeurs. Que quelqu’un passe un coup de fil au maquilleur professionnel Greg Nicotero, parce que le zoo en CGI de The Walking Dead devrait vite fermer ses portes.