Après les avoir fait émerger, la Peak TV va-t-elle tuer les séries de super-héros ?

Après les avoir fait émerger, la Peak TV va-t-elle tuer les séries de super-héros ?

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Par Delphine Rivet

Publié le

L’essor des super-héros


Il fut un temps (que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître) où la Comic-Con de San Diego était un temple réservé aux geeks. On vous parle des vrais geeks, pas ceux de The Big Bang Theory réduits à des stéréotypes pour rassurer “les autres” devant leur écran. Les aventures en comics étaient réservées à un cercle d’initiés qu’Hollywood regardait de haut avec un certain mépris. Mais ça, c’était avant. Aujourd’hui, les blockbusters de super-héros sont devenus mainstream, des rouleaux compresseurs du box-office dont les studios ont bien compris l’intérêt commercial. Un geek, même un “faux” geek, ça consomme. Ça achète des produits dérivés en veux-tu, en voilà. Même celle qui écrit ces lignes ne peut résister aux derniers goodies à la mode, Funko Pops, T-shirts, tote bags à l’effigie de ses chouchous…
En 2000, les X-Men ont changé la donne. Non pas que les sagas du genre étaient absentes des salles obscures avant, mais le film de Bryan Singer a décomplexé pas mal de monde… et a un peu ouvert la boîte de Pandore. La suite, on la connaît, Marvel est désormais plus connu du grand public pour ses films que pour les comics dont ils s’inspirent depuis près d’un demi-siècle pour certains. DC Comics, son légendaire concurrent, n’a pas tardé à réclamer sa part du box-office. Depuis, d’un côté comme de l’autre, la moindre sortie en salle devient un événement et ces films sont programmés longtemps à l’avance, et tournés à la chaîne.
Si la télé a pris son temps pour s’emparer du phénomène, elle ne lâche désormais plus le morceau. L’un des gros avantages, en dehors du fait que ces séries surfent sur le succès des films, c’est que l’écriture épisodique des comics est bien plus adaptée au format télé. La transition d’un média à un autre se fait donc sans encombre et la série offre bien plus de place aux super-héros pour vivre leurs aventures. Du coup, la télé en profite. Jamais autant de justiciers ne s’étaient tiré la bourre en même temps, parfois sur la même chaîne ou plateforme.

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La CW et DC Comics, un mariage heureux

“Nous estimons avoir la meilleure programmation de super-héros. On n’a jamais plus de quatre séries DC en même temps, on utilise toujours un système de rotation. Et ça durera aussi longtemps que les gens veulent regarder ; la qualité est essentielle dans ce cas.”

Oui, tant que les gens sont devant leur poste, ça continuera… Sauf que la CW n’est plus la seule à proposer une pleine écurie de justiciers masqués. Oh bien sûr, ABC a Agents of S.H.I.E.L.D., lancée en 2013, mais le show inspiré des Avengers se fait plutôt discret, en dépit d’une qualité constante. Et FOX a Gotham, un préquel de Batman qui tire surtout son épingle du jeu grâce à ses méchants mais n’a du coup plus grand-chose à voir avec une série de super-héros (tant que Bruce Wayne n’a pas atteint la puberté, c’est chaud). En réalité, c’est non seulement chez le concurrent Marvel que l’on trouve un autre modèle du genre de la CW, mais aussi sur une autre plateforme, non soumise aux pubs et peu regardante des audiences (enfin ça, c’est qu’on nous dit) : Netflix.

Netflix et Marvel, le couple parfait

La relève


Dans les mois qui viennent, une nouvelle vague super-héroïque va frapper nos téléviseurs. Black Lightning, dont on vous parlait plus haut, sera vite rejointe par Inhumans sur ABC, The Gifted sur FOX, Krypton sur Syfy, ou encore Titans sur TNT. Et ce ne sont que les projets commandés ! Aucune idée du nombre de scripts du même genre qui traînent dans leurs cartons en attendant d’être sortis de leur léthargie.
Au milieu de ce marasme dont seuls deux gros acteurs tirent les ficelles, il existe heureusement un entre-deux salutaire. En début d’année, Legion, la première, a su s’affranchir de l’uniformisation du genre en proposant une relecture totalement dingue et poétique de ce spin-off de X-Men. Noah Hawley aurait réconcilié les personnages de comics avec les sériephiles les plus pointus (entendre : complètement fermés à ce type de fantaisies surnaturelles). Dans une tout autre démarche, The Tick, dont la saison 1 vient de débarquer sur Amazon Prime, embrasse à fond le kitsch pour mieux mettre l’accent sur la tendresse, l’humour, et redonner ses lettres de noblesse au sidekick malgré lui.
Et c’est sans doute là que la série de super-héros trouvera son salut : dans une approche différente, un point de vue unique. C’est d’ailleurs la seule échappatoire pour n’importe quelle série qui veut se distinguer en pleine Peak TV, tous genres confondus. Si nos justiciers veulent s’élever au-dessus de la masse informe qui leur sert désormais de piste d’atterrissage, pour ne pas connaître le même sort que le polar scandinave (le fameux Nordic Noir) dont chaque nouvelle fiction est un fac-fsimilé de la précédente, il leur faudra innover, quitte à s’émanciper de l’escarcelle DC Comics ou Marvel.