Pourquoi cette scène de Friends dans The Handmaid’s Tale est si symbolique

Pourquoi cette scène de Friends dans The Handmaid’s Tale est si symbolique

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Par Marion Olité

Publié le

Blessed be the orgasm. Attention, spoilers.

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Inscrite au panthéon de la pop culture, la sitcom Friends a fait l’objet de multiples clins d’œil dans d’autres séries et films, des Simpson à Parks and Recreation en passant par 30 Rock. On a toutefois rarement eu l’occasion d’observer une telle référence dans un drama sombre. C’est donc avec un étonnement amusé au départ qu’on assiste à cette scène dans le deuxième épisode de la saison 2 de The Handmaid’s Tale, dystopie glaçante dans laquelle les femmes ont perdu la totalité de leurs droits.

L’héroïne, June (Elisabeth Moss), se cache dans un endroit particulièrement glauque, une ancienne rédaction, celle du Boston Globe, dans laquelle ses journalistes ont été froidement exécuté·e·s par les sbires de Gilead. Bouleversée au fur et à mesure de son exploration, June n’a qu’une envie, bien compréhensible, se tirer au plus vite de cet endroit. Mais il y va de sa protection et de celle de l’enfant qu’elle porte. Elle doit donc se résigner à rester encore un peu entre ces murs qui disent toute la souffrance vécue par ses ancien·e·s résident·e·s. Se baladant dans les anciens bureaux de la rédaction, June découvre un vieux DVD de Friends qui prend la poussière. C’est le début d’un changement d’attitude de sa part.

Se souvenir des bonnes choses

L’ancienne servante écarlate reprend ses esprits en choisissant de construire un mémorial en hommage aux victimes du massacre. Et elle décide de faire l’amour, longuement, dans toutes les positions, inversant les rôles passifs et actifs jusqu’à quasi-épuisement, avec Nick. Si elle le fait dans ce lieu de liberté d’expression bafouée, c’est pour se rappeler qu’il n’a pas toujours été synonyme de désespoir. Des personnes y ont vécu, travaillé, écrit des articles sûrement passionnants, partagé des choses, peut-être même fait l’amour elles aussi. Et puis June, survivante de multiples viols institutionnalisés par le régime patriarcal de Gilead, entame un long processus de guérison. Cela passe par reprendre le contrôle de sa sexualité, ne pas laisser ce qu’elle a vécu lui gâcher à jamais le plaisir d’avoir des rapports sexuels consentis, et d’atteindre l’orgasme.

Après avoir pris son pied avec Nick, on retrouve une June apaisée, qui regarde un extrait bien précis de Friends (s4, e11) dans lequel Monica et Rachel tentent d’expliquer à Chandler l’orgasme féminin et lui donnent des conseils pour envoyer sa partenaire au septième ciel. Cette scène, Iris Brey, spécialiste de la sexualité et du genre dans les séries, l’analysait pour Biiinge quand nous nous sommes intéressés à l’évolution de la représentation des sexualités féminines dans les séries.

Dans le contexte de The Handmaid’s Tale, où le régime de Gilead réduit le corps de la femme à un appareil reproductif, et punit les dissidentes en pratiquant sur elles une clitoridectomie (subie notamment par Emily en saison 1), cette scène de Friends centrée sur l’orgasme féminin est éminemment symbolique. Et puis le titre de l’épisode, “Unwomen”, se traduit par “non-femme” voire “qui a cessé d’être femme”. C’est le nom donné par la dictature aux femmes envoyées dans les terribles colonies, comme Emily justement, dont on a aussi un premier aperçu dans cet épisode. On leur nie le droit d’être une femme.

Cette scène de Friends n’a donc pas été choisie au hasard : elle résonne intensément dans la trajectoire de nos héroïnes. Ce moment permet aussi à June de profiter pleinement de sa liberté nouvellement reconquise et de se souvenir des bonnes choses. Friends a cette fonction de “série doudou”, qui agit comme de la “comfort food” auprès de son audience. Un répit bienvenu, une lueur d’espoir au sein d’un monde si hostile.

Enfin, ajouter un épisode de Friends, série de notre monde qui résonne en chacun de nous, est une façon très maligne de la part du showrunner Bruce Miller de nous rappeler que The Handmaid’s Tale est une dystopie : c’est-à-dire qu’elle imagine un futur incroyablement flippant, mais potentiellement réaliste si on laisse des gens comme Donald Trump à la tête d’un des pays les plus puissants du monde.

La saison 2 de The Handmaid’s Tale est diffusée sur Hulu aux États-Unis et en France sur OCS Max en US+24.