Clémence Poésy (Genius) : “Je ne savais plus trop si je jouais face à Antonio Banderas ou face à Picasso”

Clémence Poésy (Genius) : “Je ne savais plus trop si je jouais face à Antonio Banderas ou face à Picasso”

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© Dusan Martincek/National Geographic

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Par Adrien Delage

Publié le

À l’occasion de la saison 2 de Genius sur National Geographic en France, nous avons rencontré l’une de ses interprètes, Clémence Poésy. L’actrice française campe Françoise Gilot, compagne de Pablo Picasso et peintre accomplie, qui a su s’émanciper de l’aura vampirique de l’artiste espagnol.

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Biiinge | Qu’est-ce qui vous a convaincu d’incarner Françoise Gilot ?

Clémence Poésy | Je pense que c’est l’idée de raconter quelque chose qui parle de la création. J’ai toujours eu envie de jouer une peintre, comme l’est Françoise Gilot, afin de plonger dans leur vie que je trouve absolument fascinante. Je n’ai pas eu la chance de la rencontrer, mais j’ai toujours eu envie de savoir ce qu’il se passait dans la tête de ces artistes.

Je les trouve tellement solitaires et mystérieux. Je suis fascinée par leur art et ce qu’il peut se passer dans leur esprit, même si je n’ai pas franchement l’impression de les avoir mieux compris en incarnant Françoise Gilot [rires]. Il vaut peut-être mieux que cela reste un mystère. Après tout, on n’est pas obligés de tout comprendre pour apprécier la chose.

Après avoir tourné dans Genius, quel regard portez-vous sur la relation entre Picasso et les femmes ?

Je crois que la question est plus générale, il s’agit du rapport de Picasso à tout le monde. Dans sa vie, son art passe avant tout le reste. Alors quand on est la femme qui partage son quotidien, ça devient une situation très difficile à gérer. Les artistes comme Picasso sont des génies, ils sont pris dans une quête qu’eux seuls peuvent comprendre et que personne ne peut perturber.

Et en même temps, ils ont besoin d’autrui. Avec Picasso et les femmes, on a vraiment la métaphore du vampire qui cherche en permanence la jeunesse et le changement [Antonio Banderas avait employé la même image lors de notre interview, ndlr]. Il mène un combat contre le temps. Il réinvente en permanence sa personne et son discours, et se nourrit de toutes les énergies autour de lui pour mener à bien sa quête infinie. Et forcément, quand il a vidé l’énergie d’une personne, il a besoin d’aller en puiser ailleurs.

La trajectoire de Françoise Gilot est très belle et très forte pour ça. Elle s’est opposée au vampirisme de Picasso pour suivre sa propre voie. Elle avait l’impression de devenir une assistante du peintre alors qu’elle avait sa propre histoire à raconter. D’ailleurs, elle a fini par le quitter.

Vous avez fait trois saisons de Tunnel avant Genius. Qu’est-ce qui vous intéresse dans le format série ?

Je trouve ce format plutôt luxueux. D’abord, parce qu’on peut explorer un personnage sur une dizaine d’épisodes. Avec Genius, je parcours la vie de Françoise Gilot de 17 à 60 ans et on a le temps de creuser le personnage. Et en même temps, je sais qu’au bout des dix épisodes, j’aurai conclu son arc et que je pourrai passer à autre chose. C’est un luxe que le cinéma ne peut pas se permettre.

À l’inverse, c’est parfois dur de quitter certains personnages. Par exemple, je repense tous les jours à Élise de Tunnel, que je prenais grand plaisir à incarner et qui me manque. Les séries ongoing [qui s’étalent sur plusieurs saisons, ndlr] musclent le jeu d’acteur, un peu comme le théâtre. Dans ces cas-là, c’est comme une histoire d’amour, c’est difficile de passer à autre chose. C’est pourquoi je ne voulais pas refaire une série ongoing après Tunnel.

Qui est un génie en art dramatique selon vous ?

Puisqu’on parlait de Tunnel juste avant, je pense que Stephen Dillane [son partenaire dans la série, ndlr] est un génie. Je le pense sincèrement. Évidemment, impossible de ne pas évoquer Meryl Streep et Al Pacino. Si on parle de personnalités moins évidentes, je trouve que Ben Whishaw [acteur britannique trentenaire connu pour Le Parfum et The Lobster, ndlr] fait partie de cette catégorie. J’ai eu la chance de le voir travailler, sur une adaptation de Shakespeare dans laquelle on partage l’affiche, et j’ai été ébahie.

“La série est un format luxueux”

Il fait son métier d’acteur mais d’une manière unique. On touche à quelque chose de sublime, que je ne comprends pas, qui est fascinant à regarder. J’ai la même impression quand je vois Marina Hands au théâtre. Ils amènent un univers à part, quelque chose de transcendant à observer.

Comment était-ce de travailler avec Antonio Banderas ?

C’était un peu comme ce que traversaient nos personnages [rires]. Il était tellement habité par son rôle, il défend la vision et le patrimoine du peintre jusqu’au bout. Et c’était la seule façon de le jouer. D’ailleurs, ça nous a tous rendus meilleurs puisque vous vous trouvez vraiment dans la situation réelle. De temps en temps, je ne savais plus si je jouais face à Banderas ou face à Picasso.

Il s’était transformé pour le rôle. Mais c’est une personne extrêmement généreuse dans sa façon de travailler. Il aime son métier, il est passionné par ces rôles et très curieux de ce qu’il peut en retenir. Pour lui, jouer est quelque chose de ludique et il arrive à le transmettre à son entourage. On s’est beaucoup amusés sur le plateau, tout en se lançant des défis par moments.

Est-ce que vous avez d’autres projets pour la télévision ?

Non, pas pour le moment. En revanche, je tourne un film cet été mais je n’ai pas encore le droit d’en dire plus. Et en mai, je vais réaliser un court-métrage, pour les Talents Cannes de l’ADAMI. J’espère que ce sera le premier d’une longue liste.

La saison 2 de Genius est diffusée tous les mardis sur National Geographic.