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Killing Eve, une bombe à retardement addictive qu’il nous tarde de voir exploser

Killing Eve, une bombe à retardement addictive qu’il nous tarde de voir exploser

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Par Marion Olité

Publié le

Quelque part entre Luther et The Fall.

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Le Festival Canneseries, qui se tient sur la Croisette du 4 au 12 avril, a projeté dimanche soir, à l’heure américaine, la nouvelle fiction de Phoebe Waller-Bridge, créatrice anglaise de l’acclamée Fleabag, et nouvelle voix incontournable dans le monde des séries. Cette petite bombe a un nom : Killing Eve. Commandée par la BBC America, la série est librement adaptée du livre Codename Villanelle de Luke Jennings. Elle raconte le jeu du chat et de la souris auquel vont se livrer deux femmes espionnes, aussi intrépides et intelligentes l’une que l’autre. Échappée du Seattle Grace Hospital de Grey’s Anatomy, Sandra Oh incarne Eve Polastri, une employée de bureau au MI5 obsédée à l’idée d’attraper une tueuse à gage psychotique, nom de code Villanelle, qui opère à un niveau international. Cette dernière prend les traits de Jodie Comer (Thirteen).

La série s’ouvre par une scène avec Villanelle, qui tente de créer un lien, à sa manière, avec une petite fille en train de manger une glace devant elle. Ou comment nous faire comprendre en moins de 2 minutes ce qui ne tourne vraiment pas rond chez cette jeune femme dénuée d’empathie, pour qui la vie est un jeu construit pour son unique plaisir. Brillante et sûre de ses qualités, elle dégomme ses richissimes cibles aux quatre coins de la planète sans encombre, jusqu’à ce que l’une de ses escapades meurtrières tombe sous le radar du MI5.

C’est là qu’intervient une autre femme tout aussi déterminée et fascinée par les comportements meurtriers, Eve. Cette wannabe espionne va saisir l’opportunité qui s’offre à elle quand sa hiérarchie fait face au meurtre d’un mafieux et se plante sur la direction à donner à l’enquête.

Les drames de “face-à-face” répondent à un impératif : ne pas se planter sur le choix des deux interprètes. Si la tension et l’alchimie ne sont pas présentes, on peut plier bagage tout de suite. Que serait The Fall sans Gillian Anderson et Jamie Dornan, Luther sans Idris Elba et Ruth Wilson ? Il ne faut que quelques minutes de visionnage de Killing Eve pour comprendre qu’on est face à une série de cette trempe. Imprévisible, létale, malaisante et fascinante, Jodie Comer campe une Villanelle des plus convaincantes. De son côté, Sandra Oh est tout aussi merveilleuse dans le rôle d’Eve, qui n’est pas si éloigné que ça du caractère bien trempé de Cristina Yang dans Grey’s Anatomy. Sa fascination pour Villanelle et sa détermination à la débusquer va la conduire à des situations extrêmes, et à mettre en danger ses proches. Les deux femmes sont animées par une grande pulsion de vie… et de mort.

Avec Killing Eve, Phoebe Waller-Bridge rafraîchit considérablement ce bon vieux jeu du chat et de la souris, en optant pour un face-à-face 100 % féminin, dans lequel les deux protagonistes adoptent des comportements à l’opposé des clichés du genre. Villanelle n’est pas une femme fatale hypersexualisée. C’est sa psychologie et ses talents (ses armes, sa capacité à parler plusieurs langues, la rapidité de ses exécutions) qui sont mis en avant. Il en va de même pour Eve. Dans une scène savoureuse, elle demande à son mari comment il la tuerait. Ce dernier répond succinctement qu’il la pousserait dans les escaliers. Elle se fout alors ouvertement de lui, parce qu’avec cette technique, il se ferait choper en deux secondes. Elle lui détaille ensuite très (très) précisément comment elle procéderait pour le tuer. Ces deux antihéroïnes sont si rapidement humanisées, parfois par l’humour, qu’on serait bien en peine de choisir un camp.

On détectait déjà dans Fleabag tout le talent de Phoebe Waller-Bridge pour le mélange des genres. La scénariste passe avec une aisance déconcertante d’un humour féroce à une scène dramatique, et d’une dramédie indé à une série d’espionnage au budget plus conséquent (la série a été tournée à Paris, Berlin, Londres et son arrière-pays, et en Toscane). Dans toutes ses œuvres, on retrouve ce ton inimitable, cette écriture incisive, espiègle, addictive. Au vu de ce pilote qui nous donne envie de crier “next one”, on comprend mieux pourquoi BBC America a déjà renouvelé Killing Eve pour une saison 2, avant même le lancement de la série.

En France, le show reste inédit, mais on l’espère, pas pour longtemps.