Lodge 49 : une dramédie touchante sur les losers de la Californie

Lodge 49 : une dramédie touchante sur les losers de la Californie

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Par Adrien Delage

Publié le

AMC a trouvé une héritière à la méconnue John from Cincinnati avec Lodge 49.

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Faute de superproductions type Game of Thrones ou Stranger Things, l’été sériel revoit ses enjeux à la baisse. Il est parfois bon d’abandonner les combats de dragons pour revenir à des choses plus simples, plus réalistes et plus humaines. AMC fait le pari de la dramédie estivale avec Lodge 49, un show signé par Jim Gavin, tout jeune scénariste à qui la chaîne a fait confiance pour explorer le quotidien d’une âme en peine californienne et fauchée.

Long Beach, Californie. Derrière les plages de sable fin et les 360 jours de soleil par an errent les laissés-pour-compte de la société américaine. Cette région située au sud de Los Angeles concentre 30 % d’enfants vivant sous le seuil de pauvreté fixé par l’État selon un rapport de Geography of Poverty in California publié en 2017. Avec une économie en berne, la hausse du chômage et une population vieillissante, Long Beach est loin d’incarner l’utopie de la West Coast et Lodge 49 nous raconte l’histoire de cette crise insoluble sous forme de fable à sketchs.

Armé d’un optimiste à toute épreuve, Sean “Dud” Dudley (Wyatt Russell, 22 Jump Street) tente de survivre dans ce marasme financier. Cet ancien surfer blessé à vie ne compte plus ses nombreuses dettes. Sa seule activité consiste à chercher des objets de valeur sur la plage avec son détecteur de métaux afin de se refaire une santé. Par chance, Dud va tomber sur une bague de l’Ordre du Lynx, une fraternité locale où il espère trouver de nouvelles opportunités pour retrouver un travail, récupérer sa maison d’enfance et surtout un semblant de dignité.

The Dude 2.0

Lodge 49 est une chronique sociale teintée d’humour absurde qui aborde paradoxalement des sujets durs et contemporains (le deuil, la pauvreté, la stigmatisation). Entraînante par sa dynamique, frustrante par son format douteux (des épisodes de 30 minutes façon Atlanta auraient permis de maximiser le rythme de la série), elle est pleine d’empathie et de tendresse pour ses personnages qui sont à l’image de Dud : de grands losers qui ont pâti d’une histoire tragique dans leur jeunesse.

Comme son non ne le dissimule qu’à moitié, Dud incarne la rencontre entre le personnage populaire des frères Coen et le leader de John from Cincinnati, drame incompris de David Milch (Deadwood) dans le milieu du surf, qui aurait dû remplacer Les Soprano dans le cœur des spectateurs de HBO en 2007. En d’autres termes, c’est un héros à la dérive aussi irritant qu’attachant, incarné avec beaucoup de sincérité par Wyatt Russell.

L’intérêt du pilote de Lodge 49 tient principalement dans la rythmique des dialogues, drôles et inspirés, et l’alchimie qui règne entre les membres d’un cast appliqué : Brent Jennings, Linda Emond (The Good Wife), David Pasquesi (Veep), Sonya Cassidy… La petite troupe compose une belle fresque de personnages over the top, en décalage avec leur époque mais jamais abattus, transformant le show en un divertissement efficace qui évite avec ingéniosité la case du pathos alarmiste.

Mais la vraie réussie de la série repose sur son atmosphère ésotérique : on croirait observer une sitcom à plusieurs caméras, avec une mise en scène et une photographie léchées. Ce charme indie, proche du cinéma de Wes Anderson et son travail d’orfèvre sur les couleurs, nous envoûte dans ces bas quartiers rétro de Los Angeles avec ses magasins à donuts, ses prêteurs sur gages et autres motels miteux. Le tout est emmené par une BO surf rock de gala, des Soundcarriers à des sonorités plus country composées par Lee Hazlewood.

Entre le sérieux de son sous-texte et ses plans oniriques, Lodge 49 est une dramédie pour le moins étrange. Malgré ses longueurs et son ambition démesurée de critiquer tous les problèmes socio-économiques du comté d’Orange, son pilote déploie un charme vintage et mystique qui attire l’œil et l’intérêt du spectateur. On ne sait pas trop si la sauce continuera de prendre avec une intrigue mine de rien peu haletante, mais on a envie de découvrir ce que contient le pavillon 49 et si Dud parviendra à dépasser sa condition de loser qui lui colle à la peau.

En France, la première saison de Lodge 49 reste inédite.