Perdus dans l’espace, un rendez-vous manqué en planète inconnue

Perdus dans l’espace, un rendez-vous manqué en planète inconnue

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Par Delphine Rivet

Publié le

Les aventures pas franchement folichonnes d’une famille, perdue dans l’espace, qui nous feraient presque regretter Terra Nova. On a dit “presque” !

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Remake attendu au tournant de la série culte des années 1960, le Perdus dans l’espace de Netflix s’annonçait assez spectaculaire. Optimiste, on s’imaginait même déjà en train de (re)vivre des aventures épiques aux frontières de l’univers avec la famille Robinson, explorateurs malgré eux d’une planète inhospitalière. Mais l’humour des sixties a laissé place à un drama pas très abouti sur la survie et l’amour filial, showrunné par Matt Sazama et Burk Sharples.

Nous sommes en 2046. Une météorite s’écrase sur la Terre, rendant l’air irrespirable. Quelques happy few triés sur le volet décollent alors pour la station spatiale Resolute, en quête d’une nouvelle planète habitable. Mais en chemin, les colons sont attaqués par de mystérieuses créatures robotiques. Chacun court alors vers son Jupiter, des sortes de radeaux de survie suréquipés. Les Robinson, une famille composée de la mère, Maureen, du père, John, des deux filles Judy et Penny, et du petit dernier, Will, font de même. Mais leur navette se crashe sur une planète, sans aucun moyen de communiquer avec le reste des passagers du Resolute, ou plutôt de ce qu’il en reste.

Sur le papier, Perdus dans l’espace est le fidèle remake de la série originale, qui a connu trois saisons d’explorations spatiales sur CBS, de 1965 à 1968. À l’époque, faire de la SF avec un budget télé était un sacré défi, aussi bien pour ceux qui la font que pour ceux qui la regardent, tant les effets spéciaux étaient rudimentaires. Mais Perdus dans l’espace, comme Doctor Who à ses débuts, avait d’autres choses à défendre et le goût pour l’aventure, et les leçons tirées de chaque épisode valaient bien plus que n’importe quel trucage ou monstre en plastique.

Les temps ont changé. Si on propose de la SF aujourd’hui, il vaut mieux s’assurer que ce soit un minimum spectaculaire, en plus d’offrir un bon divertissement. Le problème avec ce remake de Perdus dans l’espace, c’est qu’il est visuellement impeccable, mais réussit quand même l’exploit de ne pas nous dépayser ; et si les aventures des Robinson ne sont pas désagréables à suivre, elles manquent quand même cruellement de substance, et souvent d’intérêt. Le contrat est donc loin d’être rempli.

En atterrissant sur cette planète inconnue, l’intrépide famille, dont tous les membres sont d’une intelligence hors norme (c’est ce qui leur a permis de passer les tests pour embarquer sur le Resolute), va être confrontée aux merveilles de la nature environnante avec ses créatures étranges, des plus mignonnes aux plus dangereuses, et ses caprices géologiques. Mais malgré les efforts entrepris pour “alieniser” ce nouvel éden potentiel, la production a oublié un petit détail.

Ces décors, nous les connaissons déjà. Et il n’y a rien de pire qu’un environnement familier quand on espère dépayser son public. On identifie immédiatement la région sauvage des alentours de Vancouver, au Canada, lieu de tournage de prédilection de nombreuses séries de SF (et pas que). Il faut dire que nos cousins nord-américains offrent des conditions fiscales plus avantageuses pour les productions de films ou de fictions télé, d’où la désertion de la côte ouest des États-Unis pour ce paradis pluvieux, plus froid, mais aussi plus clément pour le budget. Résultat, on s’attend presque à voir débarquer les petits jeunes de The 100 au détour d’un bois. Ça n’est pas dramatique, mais on aurait espéré un panorama moins familier pour que le sentiment d’évasion soit total.

Hélas, ça n’est pas le seul point noir de Perdus dans l’espace qui bien souvent développe ses intrigues à court terme, rendant le binge-watching un peu laborieux. Les ressemblances avec Terra Nova, le flop vite sacrifié produit par Steven Spielberg en 2011, ne jouent pas franchement en sa faveur. La série a également un gros problème avec ses personnages, sur qui reposent pourtant toute la carcasse de Lost in Space. Car, si les deux filles aînées, Judy (Taylor Russell) et Penny (Mina Sundwall) sont immédiatement attachantes, on ne peut pas en dire de même pour l’énervant Will (Maxwell Jenkins, dont le jeu est pourtant très mature pour un gamin de 12 ans), le père antipathique John (Toby Stephens) et la mère un peu froide Maureen (Molly Parker).

A-t-on vraiment envie de rester coincé dans un vaisseau avec cette famille-là, dont les parents ne montrent un semblant d’humanité que lorsque leurs enfants sont face à un danger mortel ? L’ironie du sort, c’est que le robot que Will a sauvé puis adopté a presque une plus large palette d’émotions que ces deux-là réunis. Et pourtant, il ne sait dire que “Danger, Will Robinson”. Mais le pire personnage reste sans nul doute celui du Dr Smith, une sociopathe incarnée par Parker Posey, qui passe tout son temps à préparer des sales coups et que la série ne s’embarrasse même pas de nous faire apprécier. La pauvre est presque exclusivement définie par ses méfaits, du début à la fin.

Non, vraiment, il y avait mieux à faire avec cette protagoniste, elle aussi empruntée à la série d’origine. Initialement, Dr Smith était un homme, un saboteur égocentrique et incompétent, mais sur qui reposait beaucoup des scènes comiques du show. Finalement, sa nouvelle mouture est peut-être l’incarnation de tout ce qui cloche avec ce Perdus dans l’espace estampillé Netflix : dépourvue d’humour (à l’exception, à la limite, de Don West incarné par Ignacio Serricchio), qui ne sait jouer qu’une seule gamme, et dont la trajectoire est un peu trop manichéenne.

Ce qui ressort surtout de ce nouveau Perdus dans l’espace, c’est le sentiment qu’on ne peut pas faire une série d’aventures et familiale exigeante. Or, c’est faux, le cinéma et les séries y sont déjà parvenus. La série est un divertissement honnête, mais les dilemmes moraux, par exemple, auraient mérité d’être plus creusés. C’est comme s’il fallait s’aligner sur les capacités de compréhension des enfants, et du même coup, sacrifier des degrés de lectures plus complexes, histoire que tout le monde soit content devant son écran.

Doctor Who a bien prouvé, depuis 1963, que l’on pouvait mettre la barre scénaristique et émotionnelle plus haut, sans pour autant écrire des histoires compliquées qui tiendraient les plus jeunes à l’écart. Espérons que Perdus dans l’espace saura tirer les leçons de cette première saison pas très folichonne. Elle semble en tout cas repartir sur de nouvelles bases dans le dernier épisode. Reste à croiser les doigts pour que la suite des aventures spatiales des Robinson, qui devraient être renouvelées pour une saison 2, relève le niveau.

La première saison de Perdus dans l’espace est disponible dès maintenant sur Netflix.