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Mr. Robot vue par un spécialiste du hacking

Mr. Robot vue par un spécialiste du hacking

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MR. ROBOT — “hellofriend.mov” Episode 101 — Pictured: Rami Malek as Elliot — (Photo by: Sarah Shatz/USA Network)

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Par Marion Olité

Publié le

“Certaines scènes sont bidons”

Vincent pointe du doigt des scènes assez peu réalistes quand d’autres s’avèrent beaucoup plus plausibles, comme si les scénaristes avaient voulu ratisser large : “Ils auraient pu aller plus loin dans le réalisme, mais ils auraient lâché des gens en route. Le but est de s’adresser aussi bien au geek débutant qu’au mec vraiment pointu”. La scène du tout puissant Elliot qui arrive à libérer tous les détenus d’une prison lui paraît bien naïve.

Autre séquence peu réaliste :

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Quand ils placent un raspberry chez E Corp pour agir sur la température et faire fondre les sauvegardes, ça me semble un peu trop facile. Que cette seule action fasse flamber toutes les données des serveurs de cette énorme société, c’est à croire qu’elle possédait une faille dans son architecture informatique.

Un postulat assez improbable pour une firme de cette ampleur.
La scène où Tyrell explique à Elliot qu’il est sous Linux pour montrer qu’il s’y connait est jugée “totalement bidon” par Vincent. “C’est le niveau 0 de l’informatique. Ça sous-entend que le mec a Linux sur son ordi, donc c’est total respect. Ce dialogue est fait pour donner une impression de réalisme aux gens qui n’y connaissent pas grand-chose.”
Bidon Mr. Robot ? Disons plutôt que la série mélange habilement des scènes grand public et des choses beaucoup plus pointues.

Les systèmes dont ils parlent sont plutôt modernes, admet Vincent. Le passage où ils montrent comment ça se passe en salle machine pour arrêter le hacking est super réaliste. Je me suis retrouvé à la place du mec de Allsafe à devoir intervenir sur des machines pour bloquer des attaques.

La faille est humaine

Ce que la série montre très bien dès le pilote en revanche, c’est que la faille est souvent humaine et non technique. Vincent s’identifie complètement au personnage “fucked up” d’Elliot. “Je considère que les vrais bons informaticiens sont un peu autistes. Ce qui nous semble évident est abscons pour la plupart des gens, et en même temps, nous sommes incapables de comprendre certaines choses très simples pour tout le monde”.
Mais le côté toxico d’Elliot n’est-il pas un peu too much ?

Ca ne m’a pas étonné. Nos cerveaux tournent en tâche de fond. Pour éteindre l’interrupteur, certains pensent au sexe, d’autres sont accros au café ou se droguent, comme Elliot. Ce que j’aime dans cette série, c’est aussi qu’on l’entend réfléchir à tout ça à travers la voix-off.

La faille humaine des gens “normaux” facilite aussi grandement le travail des hackers. Le nerf de la guerre : les mots de passe. L’internaute lambda opte pour des mots de passe enfantins, entre combinaison des passions, date d’anniversaire ou prénom de sa progéniture. Pour un mec comme Elliot, manipulateur et très doué pour décoder les comportements des autres, c’est un jeu d’enfant de hacker sa psy ou même son hôpital.
En revanche, certaines techniques de hacking montrées sont carrément obsolètes :

Si tu te connectes à un compte Gmail avec un ordinateur où il n’est pas enregistré, l’utilisateur est prévenu que quelqu’un essaie d’accéder à son compte. Ça aurait pu marcher il y a un an ou deux, mais plus maintenant.

À l’opposé, la série passe sous silence des techniques d’actualité, comme les emails cryptés utilisés par la NASA et révélés par Edward Snowden. “Elle donne parfois l’impression de s’être auto-censurée. La série évoque certains trous de sécurité pour faire genre on s’y connait, mais pas trop pour ne pas créer des vocations de hackers”.
Autre aspect qui semble aller dans le sens d’une auto-censure : aucune mention du pouvoir énorme de l’État américain – qui a accès à un tas de données dévoilées par des entreprises web (obligées de coopérer) – n’est faite dans cette première saison. Mais entre le hacking de Ashley Madison et le suicide en direct d’un journaliste dans l’épisode final – qui répond à la triste actu américaine (deux journalistes tués en direct en Virginie) – il faut dire que Mr. Robot résonne déjà d’une façon assez troublante avec l’actualité – comme la série The Newsroom en son temps.

Don’t be evil

L’expert informatique souligne un aspect de Mr. Robot qu’il a particulièrement aimé, celui de la lutte de pouvoir entre Tyrell Wellick et ses concurrents pour le poste de Directeur Technique (CTO), méconnu du grand public mais très prisé dans les sociétés high tech.

Les mecs sont sélectionnés davantage en fonction de leur habileté à faire de la politique et à manigancer qu’en fonction de leurs compétences réelles. J’ai trouvé très bien fait le personnage de Tyrell. J’ai vu passer plein de types comme lui dans des sociétés web.

Au début, E Corp c’était Google. Il y avait ce clin d’œil évident à cette société. Finalement, elle est davantage présentée comme une banque, et le fait de s’éloigner du sujet Google, qui était très intéressant, m’a déçu. J’aimais ce côté “il y a des mecs qui se font du fric sur votre dos, qui font n’importe quoi de vos données personnelles”. La série s’éloigne de ça pour revenir sur le capitalisme.

Et oui, dans Mr. Robot, l’ennemi reste la finance.
* le nom a été changé, il souhaite conserver l’anonymat