Les clones unissent une dernière fois leurs forces dans la saison 5 d’Orphan Black

Les clones unissent une dernière fois leurs forces dans la saison 5 d’Orphan Black

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Par Delphine Rivet

Publié le

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Car oui, au fil des saisons, Orphan Black s’est étoffée, mais pas nécessairement pour son bien. À trop vouloir nous démontrer qu’elle était intelligente et bien pensée, la série nous a peu à peu laissés sur le carreau. L’attrait principal a toujours été de voir ces femmes, que tout oppose mais dont la science a forcé la rencontre, se découvrir, s’aimer et se serrer les coudes dans l’adversité.
Mais après le succès de la saison 1, la mythologie ultra-envahissante d’Orphan Black a pris le dessus, grignotant, un peu plus à chaque épisode, ces moments entre sestras que l’on chérissait tant. La série s’est trompée de combat. Même les fans les plus observateurs ne parvenaient plus à la suivre. Toute l’intrigue des clones Caster s’est révélée être un coup d’épée dans l’eau, aussi inutile qu’alambiqué.
Mais il semble que cette saison 5, commencée il y a trois semaines sur BBC America, va se délester de ces intrigues trop encombrantes pour laisser place à ce qui fait la force de la série : la bravoure et la quête de liberté de ses héroïnes. Tout paraît soudain plus clair, plus franc. Même Rachel, clone machiavélique mais terriblement attachant – dont les intentions ont toujours été soit opaques, soit trop compliquées pour qu’on s’y intéresse davantage –, redevient plus “lisible”.
Après avoir prêté allégeance à diverses organisations, s’être mis (littéralement) dans de beaux draps avec certains messieurs, dirigé des groupes… son rôle, cette saison, s’éclaire. Elle s’est ralliée sous la bannière d’un seul homme. Un certain Westmoreland, leader d’une communauté qui croit fermement que ce dernier a trouvé le moyen de ralentir le processus de vieillissement.
Entre autres miracles de la science moderne, le faux havre de paix que représente Revival héberge aussi tous nos espoirs d’une fin plus “propre”. Cette secte des bois (ils vivent sur une île en autarcie) et son gourou permettent de rassembler, sous un même nom, tous les antagonistes précédents de nos héroïnes : les Neolutionists, Topside, Dyad, ou encore Brightborn, tous sont désormais incarnés par Revival. Même si chacun avait sa propre idéologie, les tenants et aboutissants de leurs fantasmes génétiques avaient eu raison de notre patience. Épurés, les enjeux de cette saison 5 d’Orphan Black aux faux airs de L’Île du docteur Moreau offrent une respiration bienvenue.

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En plein débat sur la PMA, Orphan Black a jeté un gros pavé dans la mare. La série reprend un bon vieux trope de la SF : l’insémination artificielle. Le clone club n’a rien à envier à la saga Alien en la matière. Il y a une forme de diabolisation de l’acte qui peut interroger la position de la série face à un sujet très sérieux, évidemment d’actualité, et qui s’avère être, pour bien des familles, un parcours du combattant. Mais Orphan Black n’oppose pas, en réalité, les grossesses dites naturelles à celles médicalement assistées.
Elle met, en revanche, un bon gros uppercut à la science et son obsession du contrôle de l’humain et en particulier du corps des femmes. Les Neolutionists ? Des transhumains un peu fêlés. Dyad ? Des marchands de clones sans scrupule. Brightborn ? Une clinique dédiée à l’eugénisme. Pour autant, la série n’est pas réfractaire à la science, loin de là. Cosima incarne un visage plus raisonné, au service des gens, et délesté du complexe de Dieu, une caractéristique commune à bon nombre des savants fous présents dans ces cinq saisons.
Et justement, dans les premiers épisodes de ce dernier tour de piste, Westmoreland représente, comme le décrit Tatiana Maslany dans une interview du Huffington Post, “une icône du patriarcat”. Comme dans la saison 2 de Battlestar Galactica, ou la récente The Handmaid’s Tale, les femmes sont réduites à leur fonction de génitrices. Des utérus sur pattes dont l’importance est déterminée selon un seul facteur : peuvent-ils accueillir la vie ou non ? Et plus que tout, ces héroïnes cherchent à reprendre le contrôle sur leur corps.
Récemment, les États-Unis nous ont donné de sérieuses inquiétudes sur le sujet. La présidence de Trump a donné carte blanche aux bigots pour faire passer des lois liberticides visant en particulier les femmes. Des hommes décident pour elles de ce qu’elles doivent porter (dans les lycées, dans la rue), les invectivent si elles allaitent en public, les privent d’accéder au planning familial, leur interdisent d’avorter, légalisent le viol dans le plus grand des calmes, tentent de les faire taire lors de débats…
La série joue encore sur l’opposition entre Sarah, ou Helena, (les deux clones fertiles) et Rachel (qui incarne les clones stériles). En périphérie, on retrouve la “soccer mom” Alison, et Siobhan, toutes deux mères adoptives. Orphan Black a ouvert une fenêtre sur la maternité, questionnant sans cesse le fameux instinct, les liens du sang, le poids de la génétique… Le clone club, même s’il a été désigné par la science, c’est avant tout une famille qui s’est choisie.

À la fin, que restera-t-il de ces intrigues parfois complexes ? Une série de SF qui a su revisiter les tropes du genre (l’eugénisme, le complexe de Dieu de savants fous, la créature et son créateur, la famille qu’on choisit VS sa famille biologique, l’utilisation des femmes pour leur matériel génétique et leur fonction de génitrice, etc). Mais surtout, une série sur la filiation, artificielle ou non, sur l’attachement et la solidarité de ces femmes (et Felix !) dans l’adversité.
Et enfin, la performance aussi inédite qu’époustouflante de Tatiana Maslany qui a incarné une dizaine de personnages distincts. Et elle le fait de façon si magistrale, qu’on finit par oublier qu’elle est toutes ces femmes. Mais en oubliant de quel bois elle est faite, Orphan Black nous fait languir. Ses clones sont une force, à l’échelle d’individus, mais ensemble, elles sont le ciment de la série. Depuis la désormais célèbre “clone dance”, on n’espère qu’une chose : les voir de nouveau réunies sous le même toit (avec Felix bien sûr) ! La fin de cette ultime saison sera, à n’en pas douter, le prétexte parfait pour des retrouvailles méritées.