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Plaisir coupable : Un Dos Tres ou le Fame espagnol ultra-kitsch

Plaisir coupable : Un Dos Tres ou le Fame espagnol ultra-kitsch

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©Antena 3

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Par Mégane Choquet

Publié le

Cinq, six, sept et huit. 

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Oubliez la musique de Ricky Martin, c’est de série qu’on vous parle. Enfilez vos justaucorps, préparez vos micros et révisez vos répliques parce que vous entrez dans l’univers d’Un Dos Tres. Dis comme ça, c’est sûr que ça ne donne pas forcément envie de secouer des maracas et on peut le comprendre. Mais même si on regarde des shows de qualité, on a tous des petites séries qu’on aime bien mater, mais dont on n’est pas très fiers. N’est-ce pas ?

Si, comme moi, vous étiez ado dans les années 2000, alors vous n’êtes pas passés à côté du phénomène Un Dos Tres. Au collège, il y avait deux teams qui s’affrontaient : LV2 allemand ou LV2 espagnol. Si certains sont passés du côté obscur en choisissant l’allemand (il fallait bien comprendre les paroles de Tokio Hotel), d’autres ont choisi la langue chantante. Personnellement, je fais partie de la deuxième catégorie (et j’ai appris les paroles de “La Camisa Negra” et “Hijo de la luna”, par la même occasion). Quoi qu’il en soit, j’avais envie de parler d’une série qui ne paie pas de mine, mais qui sent bon le soleil.

Un Dos Tres, c’était la série qu’on regardait en rentrant du collège et ça, M6 l’a très vite compris. Achetée à la chaîne Antena 3, la série espagnole rencontre un succès inattendu en France. Du coup, M6 n’a pas boudé son plaisir et a diffusé les six saisons d’une seule traite de 2004 à 2005 (si ça ce n’est pas les prémisses du binge-watching ?). Depuis, Un Dos Tres fait partie des séries multi-rediffusées du quatuor M6-W9-Teva-6Ter comme Une nounou d’enferNotre belle famille, Charmed ou La Petite Maison dans la prairie. Même la culte Desperate Housewives subit le même traitement.

“Tu veux un autographe ?” “Non, juste un yaourt””

À peine le générique lancé qu’on est déjà dans l’ambiance : une choré de malade, une musique endiablée et des effets bleutées sur les personnages. Kitsch à mort mais entraînant. L’épisode pilote d’Un Dos Tres (Un Paso Adelante, en VO) commence par le fameux examen d’entrée de la prestigieuse école de Carmen Arranz. On y découvre alors une vingtaine de jeunes prêts à tout pour intégrer l’école des arts de la scène et enfin réaliser leurs rêves. La série se concentre sur une poignée d’entre eux : Lola, Pedro, Roberto, Ingrid et Silvia. Le club des 5 va devoir se surpasser dans plusieurs disciplines (danse, théâtre, chant, musique) pour espérer faire carrière dans le monde du spectacle.

Comme dans les séries teenage américaines, chaque personnage est un cliché à part entière. On a d’abord Lola, la petite fille sage (vierge au début de la série) et qui s’occupe de son père et de son frère depuis la mort de sa mère. Vient ensuite Pedro, fils de pêcheur, issu d’un milieu modeste, qui doit faire le larbin à l’école pour payer ses frais de scolarité. On découvre aussi Roberto, le fils à papa “beau gosse”, qui joue les durs en remontant le col de sa chemise. Il y a Ingrid, la meilleure amie de Lola, qui est un peu paumée et se coltine une étiquette de fille facile.

Avec un petit penchant pour les profs, elle s’occupe de sa mère souffrant de troubles psychologiques et découvre que son père est un travesti. Et que serait une série pour ados sans la fille riche et populaire ? Pour ce rôle, les créateurs de la série on fait appel à Monica Cruz, la soeur de Penelope. Elle incarne Silvia, nièce d’une célèbre danseuse. Au premier abord, c’est une vraie bitch, mais elle se révèlera plus gentille qu’elle ne le prétend.

Malgré des personnages en apparence stéréotypés, on prend en sympathie ce groupe d’amis, qui vit en communauté. Entre les cours et leurs vies personnelles, nos héros sont H24 ensemble dans la résidence, comme les Friends l’avaient fait avant eux. C’est d’ailleurs cette proximité qui va créer des histoires rocambolesques et fait que l’on s’attache aussi à eux. Même si à trop vouloir percer dans le milieu certains prennent la grosse tête et nous sortent des répliques qui tuent (ou pas). Tout au long de la série, on aura droit à des dialogues bien nazes et le doublage français n’arrange absolument rien. La gestuelle et le phrasé rapide des Espagnols auront eu raison des voix françaises. Le tout donne un décalage plutôt ridicule.

Si les élèves prennent une grande place dans la série, les profs ne sont pas en reste. Adela, Juan, Diana, Cristobal et compagnie ont eux aussi leur storyline digne des Feux de l’amour. Certains se marient, d’autres ont des bébés, pendant que les derniers finissent par se mettre en coloc. Pourtant, ce sont bien les profs qui étaient les plus drôles et les plus attachants. Leurs histoires prendront fin, malgré tout, après six saisons. Et c’est sûrement mieux comme ça, puisque la dernière saison n’avait vraiment pas lieu d’être.

La scène culte : Pedro et Lola se déclarent enfin leur flamme

On peut dire que la petite Lola aura bien patienté avant d’attraper Pedro dans ses filets ! Il aura fallu attendre 5 saisons avant que les deux tourtereaux ne se révèlent leurs sentiments. Dès son arrivée dans l’école, Lola n’a d’yeux que pour Pedro. Manque de bol, lui ne jure que par Silvia. Premier bash pour Lola (et elle s’en prendra pas mal). Et pendant plusieurs saisons, les deux nous jouent le classique “Fuis moi je te suis, suis moi je te fuis”, mais ce petit jeu du chat et de la souris rend les deux personnages aussi insupportables l’un que l’autre.

C’est dans l’épisode 8 de la saison 5, après s’être tourné autour pendant un petit moment, que Lola et Pedro décident de s’expliquer. Ils se retrouvent à la fête foraine et décident de monter dans la grande roue. Et là, c’est le drame. Pepe, qui gère la machine, décide de se barrer OKLM et laisse la roue bloquée. Nos deux héros se retrouvent alors coincés dans les airs, obligés de se faire face. Et après quelques répliques “assassines”, Pedro se jette enfin à l’eau et l’embrasse à pleine bouche (mais genre, vraiment). Forcément, après 5 années d’attente, les deux jeunes gens passent en une scène du baiser au lit. Alors quand on sait qu’à la fin de la série, la petite Lola – plus si innocente que ça – trompe Pedro avec un mec prénommé Nacho (un nom de plat gratiné mexicain, sérieux ?), on a juste envie de dire : “Tout ça pour ça”.

Un pur plaisir coupable

À l’instar des séries teenage américaines, Un Dos Tres est un pur plaisir coupable pour plusieurs raisons. D’abord, et ça paraît évident, tous ceux qui étaient devant leur télé après les cours se souviennent des musiques et des chorés. La série suivait les tendances musicales de l’époque (on a pu entendre “Moi Lolita” d’Alizée ou “Don’t Stop Movin” des S Club 7, des grands classiques quoi), mais on ne peut pas dire que les guests se bousculaient au portillon. Ah, si, Jonathan Cerrada, gagnant de la première édition de La Nouvelle Star en France, a joué le cousin français de Lola pendant quelques épisodes. Son passage n’a pas provoqué une folle excitation (normal), mais en même temps, impossible pour nous, jeunes Français, de connaître les guests qui jouaient dans la série. Seuls le groupe britannique Blue et le chanteur Juanes (tiens, comme on se retrouve) me viennent en tête comme guests connus.

Pour celles et ceux qui aimaient – et aiment toujours – chanter ou danser devant son miroir ou sa télé, Un Dos Tres était la série parfaite. On a tous rêvé d’être acteur ou chanteur un jour ou l’autre même si pour le bien de tous, il vaut mieux exercer cette activité chez soi avec les rideaux fermés. C’était un peu ce rêve qu’on vivait à travers notre écran en regardant les aventures de nos Espagnols préférés.

Et en parlant de musique, les créateurs de la série ont flairé le bon coup et ont créé un groupe de toutes pièces : UPA Dance. Très original : on prend les initiales du titre original de la série et on rajoute “Dance” derrière. Voilà, voilà. Mais attention, ils ont clairement voulu faire les choses bien puisque le groupe, composé de nos cinq protagonistes principaux, est intégré à la storyline. Dans les épisodes de la saison 2, on suit sa création et les sessions d’enregistrement à Londres.

Bien sûr, les disques et les places de concert se sont vendus comme des petits pains et les fans ont pu se trémousser sur “Once Again” ou “Sambame” (con todo tu cuerpo). Vous l’avez dans la tête, hein ? Déso, pas déso. Rien de bien novateur dans cette stratégie marketing puisque bon nombre de séries musicales surfent sur leur succès en étendant leur univers à travers la commercialisation de musiques. On pense notamment à Hannah Montana et la célèbre Miley Cyrus.

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D’un autre côté, pour les jeunes adolescents que nous étions, Un Dos Tres était une série un peu olé olé. Déjà, les personnages portaient des tenues tout droit sorties de la dernière collection immonde de Desigual avec des mitaines, des collants, des bandeaux, des brassières et autres outfits sportifs chelous et toujours ultracolorés. Mais surtout, à force de changer de tenues toutes les heures en enchaînant les cours, tout le monde passait forcément par la case vestiaire.

Et dans l’école de Carmen Arranz, les vestiaires sont mixtes, alors tout le monde se voyait à poil. Mais grâce à des storylines toujours plus intéressantes, d’autres circonstances amènent nos héros à se déshabiller. Comment ne pas parler de Pedro (le mec qui a toujours besoin de tunes) qui se retrouve à faire du strip-tease, déguisé en Zorro. C’était gênant, mais c’était drôle.

C’est bien ce qui marque le plus dans la série et qui lui fait défaut : cette succession d’intrigues, plus farfelues les unes que les autres, qui en font pratiquement une telenovela. Tous les personnages principaux – ou presque – sont sortis les uns avec les autres. Comme dans toute série teenage qui se respecte, me direz-vous. Sauf que là, ce n’est plus à un triangle amoureux auquel on assiste, mais à un polygone à ce stade.

Les histoires d’amour et de tromperie s’enchaînent les unes après les autres et les profs ne sont pas laissés de côté. Parce que dans Un Dos Tres, coucher avec son prof, c’est complètement banal. Ingrid avec Cristobal et Juan, Pedro avec Adela, et j’en passe. Pourtant, dans ce fouillis de scénarios improbables, la série a quand même réussi à traiter de sujets importants pour un public adolescent. On pense notamment à Marta qui souffre de boulimie ou Ingrid qui apprendra à accepter l’homosexualité de son père. D’autres thèmes seront abordés comme la grossesse, l’alcoolisme, la prostitution…

Au premier coup d’œil, Un Dos Tres apparaît comme une série sans grand intérêt. Mais c’est toujours, avec un peu de honte, que j’esquisse un sourire quand je tombe sur une énième rediffusion de la série. Nostalgie, quand tu nous tiens. Néanmoins, en voyant ce que les acteurs sont devenus, on prend un sacré coup de vieux. Il n’y a que Miguel Angel Munoz – MAM, pour les intimes – qui n’a pas pris une ride (bon, OK, et Monica Cruz).

D’ailleurs, les fans de la série ont eu la joie de le revoir, lui (et ses muscles), sur le parquet de Danse avec les stars made in France, en 2014. Un Dos Tres n’est certainement pas la série qui trône sur l’étagère du sériephile averti, mais elle a au moins eu le mérite d’intéresser les jeunes adolescents, toujours baignés dans la culture américaine, à une série étrangère européenne. La langue, les histoires et le décor espagnols ont sûrement donné à plus d’un l’envie de faire un petit voyage Erasmus dans un pays hispanique.

PS : RIP Antonio.