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Supergirl et The Flash se retrouvent le temps d’un épisode musical drôle, pétillant et généreux

Supergirl et The Flash se retrouvent le temps d’un épisode musical drôle, pétillant et généreux

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Par Delphine Rivet

Publié le

Le crossover entre The Flash et Supergirl est parvenu, dans l’un des exercices de style les plus casse-gueule de la télévision, à faire un épisode musical fun, pas du tout kitch et totalement chou.

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Ce mardi 21 mars, CW diffusait un nouveau crossover entre ses séries du DCverse, The Flash et Supergirl. Rompues à cette pratique, les deux productions de Greg Berlanti n’ont pas toujours su passionner les foules, mais il y a, à chaque fois, une alchimie indéniable entre les deux super-héros. Elles partagent un même goût pour les beaux sentiments et les intrigues où le bien triomphe à la fin. Or, c’est toujours bon de le rappeler, il n’y a aucun mal à cela. C’est pourtant ce qui leur vaut d’être trop souvent sous-estimées ou méprisées par un certain public, trop prompt à les comparer à des séries plus sombres, produites dans des contextes très différents, comme celles nées du deal entre Marvel et Netflix. Comme si la noirceur et la violence étaient un signe de qualité…

Ce manque de discernement vaudra très certainement à ce crossover toute une panoplie de moqueries suite à l’épisode musical de mardi. Mais qu’importe, la critique, elle, a été sous le charme de ce grand numéro de cabaret (claquettes incluses). Il faut avoir sacrément confiance en son univers, ses héros, et surtout ses auteurs, pour les mettre dans une position pareille. La manœuvre est périlleuse, mais quand elle est réussie, elle marque les esprits. Si l’on ne devait citer qu’un épisode musical, le premier nom qui viendrait à l’esprit des sériephiles, c’est “Once More, With Feeling”, de Buffy contre les vampires. Il est la valeur étalon, depuis 16 ans, avec laquelle tous les autres doivent rivaliser.

“Je ne dis pas ça de façon péjorative, mais c’est un épisode gimmick, et la personne qui a excellé en la matière, c’est Joss Whedon” a déclaré Andrew Kreisberg, producteur et scénariste sur The Flash et Supergirl, devant un parterre de fans rassemblés au PaleyFest.

The Flash et Supergirl, avec “Duet”, ont tutoyé la légende. En trois reprises (“Moon River”, “Put a Little Love in Your Heart” et “More I Cannot Wish You”) et seulement deux chansons originales (“Super Friend” et “Runnin’ Home to You”), l’épisode a prouvé que les deux séries avaient du fun à revendre. Une qualité dont The Flash, en particulier, a cruellement manqué ces derniers temps. Il suffisait pourtant de remettre sur le devant de la scène l’atout majeur de ces deux séries : elles ont un cœur gros comme ça. Et parce qu’il est toujours compliqué de justifier que, soudain, tous nos héros se mettent à pousser la chansonnette, l’épisode a opté pour l’honnêteté… et le méta.

Après avoir été attaquée par un alien se faisant appeler le Music Meister, Kara est plongée dans le coma. Ses amis J’onn J’onzz et Mon-El voyagent alors d’une Terre à l’autre, en espérant que Barry Allen et ses potes de Star Lab pourront l’aider. Pas de bol, le Music Meister les as suivis et inflige le même sort au Flash. Les deux super-héros se retrouvent coincés dans une sorte de dimension parallèle, sans leurs pouvoirs, où tout est familier et pourtant si différent. Leur persécuteur leur donne les règles du jeu : désormais plongés dans une comédie musicale, ils doivent “suivre le script” s’ils veulent sortir de cette réalité alternative.

Ça tombe plutôt bien, c’est un genre qu’ils connaissent bien parce qu’il est lié à leur enfance. Pour Barry, c’est Chantons sous la pluie, qui lui rappelle sa mère disparue. La musique permettrait, d’après cette dernière, de révéler ce que l’on est au plus profond de soi. Des années plus tard, son fils en est toujours aussi convaincu : “tout est meilleur en chanson”. Pour Kara, c’est Le Magicien d’Oz, qu’elle regardait avec ses parents adoptifs. La petite fille venue d’un autre monde se rassurait alors en disant, comme Dorothy, “There’s no place like home”.

Le fait qu’on ne découvre que maintenant la passion de nos deux héros pour les comédies musicales est un peu opportuniste, mais on est prêt à pardonner ce raccourci tant la suite nous a enchantés. Leurs deux interprètes respectifs, Grant Gustin et Melissa Benoist, en revanche, sont déjà des sopranos certifiés, tout comme le “méchant du jour”, joué par Darren Criss. Tous les trois se sont affrontés par vocalises interposées dans Glee. C’est aussi l’occasion de découvrir que le reste du casting sait donner de la voix, à l’instar de Carlos Valdes, Jesse L. Martin, Jeremy Jordan, Victor Garber et John Barrowman.

Des facilités scénaristiques, dans l’univers parallèle, il y en a d’autres. Mais celles-là sont rapidement évacuées par Barry et Kara qui constatent : “Waouh, tout est vraiment plus simple dans les comédies musicales !”. Le crossover va donc s’amuser de ces résolutions pliées en deux temps trois mouvements. Méta, on vous dit… Une façon plutôt maligne de se détacher de certaines contraintes et donner ainsi la place qu’il mérite au pur divertissement.

Parmi les cinq chansons de l’épisode, seules deux sont des morceaux originaux. C’est d’ailleurs le seul regret que l’on peut avoir. Mais pour l’occasion, les deux séries ont mis les petits plats dans les grands et ont fait appel à des auteurs synonymes d’audace et de talent. La première, c’est le duo tant attendu entre Barry et Kara. Intitulée “Super Friend”, la chanson a été écrite par Rachel Bloom, cocréatrice et actrice principale de Crazy Ex-Girlfriend, une comédie musicale de la CW qui a révolutionné le genre. On reconnaît sa patte impertinente, sa façon de faire des chansons rythmées et drôles. Et ce soin tout particulier apporté aux passages dialogués, qui viennent interrompre la mélodie de cet hymne à l’amitié entre nos deux super-héros. Un numéro craquant, généreux et pétillant… c’est la marque de fabrique de The Flash et Supergirl, et on ne pouvait pas mieux représenter la complicité entre les deux acteurs.

La deuxième, “Runnin’ Home to You”, plus mélo, a été imaginée par Benj Pasek et Justin Paul, que l’on connaît désormais pour leur travail sur l’oscarisé La La Land. À ce moment de l’épisode, tout est revenu à la normale, les héros ont triomphé et même le “méchant du jour” s’est finalement avéré être quelqu’un de bienveillant qui voulait juste leur donner une leçon de vie (par une méthode discutable, on vous l’accorde). Mais il reste une chose à faire pour clore à merveille un épisode digne de Broadway : le héros doit professer son amour éternel à celle qu’il aime. Nous ne sommes donc plus dans l’univers parallèle, mais bien dans la réalité, et Barry promet à Iris qu’il reviendra toujours vers elle, quoi qu’il arrive, avant de la demander en mariage.

“Prenez ‘Hush’, ‘The Body’ ou ‘Once More, With Feeling’. Ce qui est si brillant avec ces épisodes, c’est qu’ils ne rompent pas le cours narratif de la saison en s’en écartant pour faire quelque chose de fun. Ces épisodes mettent en lumière ce que les personnages sont en train de traverser”, explique Andrew Kreisberg.

Pour pleinement apprécier “Duet”, il faut bien sûr ne pas être réfractaire au genre. La comédie musicale n’est pas faite pour tout le monde et elle ne saurait souffrir d’un cadre trop rigide ou trop sérieux, la fantaisie étant l’ingrédient principal. En revanche, elle nécessite la plus grande précision dans son exécution. Une chanson médiocre ou mal amenée, des comédiens qui n’y croient pas, et tout fout le camp. The Flash et Supergirl ont bravé tous les obstacles et ont cette énergie presque enfantine qui en font le terreau idéal pour un tel exercice. L’épisode mérite sa place aux côtés de “Once More, With Feeling” de Buffy, “The Devil’s Hands Are Idle Playthings” de Futurama, ou encore “My Musical” de Scrubs.

La bande originale de l’épisode est déjà disponible sur iTunes.