Le cycle de la vengeance de Vikings foudroie les fans dans un épisode dévastateur

Le cycle de la vengeance de Vikings foudroie les fans dans un épisode dévastateur

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Par Adrien Delage

Publié le

Lis cet article si toi aussi tu es en PLS depuis l’épisode “Moments of Vision”. Attention, spoilers déprimants.

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Michael Hirst, le créateur de Vikings, tient de George R.R. Martin cette facette diabolique qui rend son écriture haletante et passionnante. L’homme qui retrace une fresque historique (très) librement inspirée des poèmes scandinaves, relatant les légendes de feu Ragnar Lodbrok et ses consorts, apprécie particulièrement de malmener ses spectateurs. Il ne peut en être autrement après la gifle infligée par “Moments of Vision” et la thématique forte qui traverse l’épisode.

Pour les fans de Vikings, l’implication émotionnelle dans les personnages compte avant tout. Et rendons à César ce qui appartient à César, elle est rendue possible grâce aux prestations habitées des acteurs, de Travis Fimmel à Gustaf Skarsgård en passant par Katheryn Winnick. Si la mort de Ragnar était (tristement) attendue et brillamment mise en scène, comme un hommage au travail du comédien et à l’importance de son rôle dans la série et sa renommée, rien ne nous préparait à la violence émotionnelle de ce midseason finale. Ou pire, de ce qui va suivre en saison 5.

Le cycle éternel de la vengeance

La mort de Ragnar a laissé un lourd, très lourd fardeau sur les épaules de nos Vikings – et de manière méta, sur celles des scénaristes. Celui de bâtir une civilisation, d’explorer de nouvelles terres et de consolider celles déjà conquises. Logiquement, les guerriers scandinaves qui ont grandi auprès de lui ont saisi l’ampleur de la tâche : Björn s’est rendu en Méditerranée, Floki tente de bâtir un peuple vierge en Islande tandis que Lagertha règne sur Kattegat dans le plus grand respect de son bien-aimé, envolé pour le Valhalla.

Dans cette équation utopique, les fils de Ragnar représentent les variables. Vaniteux, égocentriques, avides de pouvoir et de conquêtes, Ivar, Ubbe et Hvitserk se laissent contrôler par leurs pulsions destructrices de Viking. En d’autres termes, leur esprit belliqueux représente la quintessence de leur nature : faire couler le sang pour rejoindre le panthéon nordique et festoyer avec les dieux. On pourrait penser que ce cycle de la vengeance qui les anime et les divise en saison 5 est dû au meurtre de Sigurd, mais si tout était en fin de compte la faute de leur père ?

L’âme de Ragnar hante clairement les esprits de ses fils dans la série, mais elle dicte peut-être également leur destinée. Revenons en arrière, lorsque le roi des Vikings avait abandonné ses troupes après la sévère défaite infligée par Rollo sur la Seine. Fin stratège et grand manipulateur, Ragnar avait alors mis en chantier son ultime plan : son sacrifice pour pousser ses fils à le venger, massacrer le Wessex et rattraper ses erreurs commises autour de la colonie détruite par Ecbert. En résumé, c’est une offrande entièrement dédiée à Vidar, dieu associé à la vengeance et au silence.

La thématique de la vengeance, omniprésente dans la première partie de la saison 5, est en réalité un prétexte né des fautes de Ragnar léguées à ses héritiers. Pendant que ces derniers pleuraient leur père et s’emparaient des places fortes du Wessex en signe de contre-attaque, Lagertha tuait Aslaug pour conquérir Kattegat. Et nous voici aujourd’hui confrontés à une énième histoire de loi du Talion, celle d’Ivar envers la “Shieldmaiden”. En somme, un cycle de la vengeance infernal et surtout intarissable.

Vers l’échec d’une civilisation paisible et durable ?

Considéré par tous comme un idiot, Floki reste pourtant le plus sage de tous les Vikings. Le bâtisseur de bateaux a bien compris que la vengeance ne menait qu’à plus de violence, gangrène de l’avancée de son peuple en tant que civilisation. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il implore Eyvind de ne pas chercher à se venger, préférant se donner en sacrifice aux dieux plutôt que de voir sa colonie islandaise tuée dans l’œuf. Un grand acte de bravoure et de dévotion, comme la vie de Floki en fut parsemée.

C’est exactement la même métaphore qu’emploie Daenerys dans Game of Thrones, et son super speech sur comment “briser la roue” du destin. C’est l’idée de dépasser sa condition humaine pour transcender tout un peuple et le mener vers une évolution darwiniste majeure.

Dans le cas des Vikings, cette progression sociétale passe évidemment par la cessation des pillages pour instaurer des flux commerciaux paisibles et durables avec d’autres pays (comme Björn l’avait fait, même s’il s’est planté) ou encore l’ouverture idéologique, sublimée par la relation entre Athelstan et Ragnar ou la discussion philosophique entre Ecbert et Ragnar en saison 4. Clémente, Lagertha tente également de poursuivre cet effort auprès de l’évêque chrétien Heamund durant leurs moments intimes.

L’ingéniosité d’écriture de Michael Hirst transparaît pleinement dans la série qui continue de se réinventer, mettant au service de l’intrigue le passé des personnages. Dans “Moments of Vision”, le showrunner souligne les aspects déchirants de la vengeance, autrement dit les conséquences néfastes de la mort de Ragnar. Une vengeance qui brise les liens familiaux (Harald tue son frère Halfdan), de l’amour (Lagertha achève Astrid) et entraîne des pertes incommensurables, voire des dommages collatéraux (la fille innocente de Björn).

Ce midseason finale, qui, certes ne tue pas de personnages principaux, reste bouleversant pour les fans. Vikings a rarement été aussi violente et imprévisible dans ses décisions, faisant de notre implication émotionnelle notre pire ennemi face à la série. Un grand tour de force de la part des scénaristes, qui nous divise intérieurement : notre passion pour le show nous poussera à regarder la suite, mais a-t-on vraiment envie d’être traumatisé par une Lagertha transformée en légume et le sacrifice final de Floki ?

La saison 5 de Vikings reprendra courant 2018 sur Canal+ Séries dans nos contrées.