La saison 2 de The Handmaid’s Tale s’achève sur un final aussi violent que haletant

La saison 2 de The Handmaid’s Tale s’achève sur un final aussi violent que haletant

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Par Marion Olité

Publié le

Nolite te bastardes carborundorum.

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Il est conseillé d’être à jour sur la série avant de poursuivre la lecture de cet article.

“Your girlfriend is a badass”, glisse Martha à l’oreille de Nick. Quelques minutes avant, June se prenait une gifle de la part du Commandant, armait son bras et lui rendait la monnaie de sa pièce. On a reproché parfois à cette saison de The Handmaid’s Tale de verser dans le torture porn, chaque épisode apportant son lot de violences psychologiques et physiques à l’encontre des personnages féminins. Cet épisode final ne fait pas exception à la règle. Mais quelque chose a changé.

Naïvement, Serena tente de convaincre le pouvoir patriarcal de Gilead de redonner aux femmes le droit de lire, au moins les textes sacrés. Rappelons que lire est une activité interdite au genre féminin dans cette dictature et puni très sévèrement, jusqu’à l’amputation de la main. Soutenue du bout des lèvres par les autres Épouses, Mrs. Waterford paiera cher son audace : on lui sectionne l’auriculaire de la main gauche. Par deux fois, Serena a découvert la violence du régime qu’elle a aidé à mettre en place. Un peu plus tôt, elle était fouettée par son propre mari pour lui avoir “désobéi”.

En plus d’avoir violé June enceinte, voilà deux fois fois cette saison que le Commandant a usé de violence physique envers des femmes. Effacé en saison 1, moins brillant intellectuellement que sa femme, il semble avoir reçu un électrochoc après l’attentat qui a failli lui coûter la vie. Depuis son retour, il utilise désormais son statut privilégié pour rabaisser beaucoup plus nettement les femmes, dont son épouse, chose qu’il n’avait pas faite auparavant.

Désobéissance et violence

Que faire face à une répression de tous les instants ? Il y a celles, indispensables, qui œuvrent en secret du côté de la résistance. Les Marthas, dont le courage est exposé dans ce season finale. C’est grâce à elles que June réussit à s’échapper une nouvelle fois du foyer des Waterford, dans cette très belle scène d’alliance féminine, où elles se relaient pour amener notre héroïne et son bébé à bon port. Cette forme de résistance dans le système, qui nécessite de supporter au quotidien un régime insoutenable et de faire profil bas (Nick en fait partie), n’est pas donnée à tout le monde. Il y a aussi la sublime désobéissance civile de la jeune Eden, 15 ans, tuée pour avoir été amoureuse et s’être posée des questions sur sa foi.

June ne tient plus en place. Elle a goûté à la possibilité de sa liberté. Au fil des épisodes, son attitude, sa façon de se tenir, ses mots ont changé. Ce qui n’a pas échappé au Commandant, qui malgré tout en pince toujours pour elle. Il lui propose alors de redevenir une Servante “obéissante”, “qui se comporte comme il faut”. Cette fois, ils pourront faire un enfant mâle. “Ça pourrait être fun”, lui susurre-t-il. Ce à quoi June répond : “Va te faire foutre, Fred”. À chaque fois qu’une scène a lieu entre ces deux-là, on tremble d’avance.

Moyen d’intimidation imparable sous un régime de terreur, la violence est implacable, elle inspire l’effroi, instille la peur chez les femmes de Gilead, réduites au silence, repliées sur elles-mêmes. Comment réagir alors ? En acceptant son sort, comme June tente de le faire un peu plus tôt dans cette saison, terrassée par la culpabilité quand elle apprend qu’un couple a été pendu pour l’avoir cachée pendant sa tentative d’évasion ? Non. En apprivoisant cette violence, en puisant dans ses propres pulsions. Symbole d’une désobéissance violente et instinctive, Emily est un personnage absolument fascinant. La colère, la révolte passent avant son instinct de survie. Si June est aussi une résistante, ses piques constantes envers ses “maîtres” sont mesurées. Ce n’est pas le cas de son amie, beaucoup plus radicale.

Gilead lui a tout pris : elle a vu partir sa femme et leurs fils au Canada, stoppée à l’aéroport. Des années plus tard, devenue Servante, elle est considérée comme une “traîtresse à son genre” quand son histoire d’amour avec une Martha (qui sera pendue) est dénoncée. Après avoir subi une ablation du clitoris, elle sera envoyée dans les Colonies, ou seul un coup du sort (la perte de plusieurs Servantes lors d’un attentat auquel on l’aurait bien vu participer) la ramène à Gilead avec Janine.

Entre-temps, Emily l’insoumise aura tué deux personnes (ce garde sur lequel elle roule en conduisant, l’Épouse dans les colonies) sans réfléchir aux conséquences. Elle saisit dans cet épisode final l’occasion de s’en prendre à Tante Lydia. Dans un coup de folie aussi violent que libérateur, elle plante un couteau dans le dos de celle qui a donné l’ordre de lui faire retirer le clitoris, et qui venait encore de la traiter de “perverse”, “dégénérée”, et de lui balancer un innocent “on dirait que je t’ai coupé la langue”, référence de trop à sa clitoridectomie. Avant de la balancer dans les escaliers et de continuer à la rouer de coups de pied.

Poussée dans ses retranchements, l’ancienne prof de microbiologie réagit à la violence par la violence. La façon dont Emily s’en tire in extremis est peut-être un peu facile, mais on ne peut décemment pas en vouloir à Bruce Miller (le showrunner de The Handmaid’s Tale) ne pas réussir à se séparer de ce personnage si attachant, incarné avec tant d’intensité par Alexis Bledel.

Maternité sacralisée

L’autre grand thème de cette saison aura été la maternité. D’un côté, le fait d’être mère, d’avoir la capacité de donner naissance à un enfant est ce qui a causé la perte des femmes dans la série. Sans cet appareil reproductif, tout le système patriarcal de Gilead est caduc, des Servantes à leur religion. D’un autre côté, le fait d’être mère est aussi ce qui fait tenir June debout psychologiquement. Pendant sa grossesse, elle promet d’ailleurs à l’enfant qu’elle porte une chose : il ne grandira pas dans ce monde.

Tout au long de cette saison, les liens entre la mère biologique et l’enfant ont été disséqués, notamment à travers l’arc narratif de Janine, dont le bébé a frôlé la mort en raison de l’absence de sa génitrice. Dans une très belle scène, quasiment rêvée, elles sont toutes deux réunies, assises près d’une fenêtre baignée de soleil. L’enfant a retrouvé goût à la vie en ayant passé une nuit avec sa mère biologique.

June décide, elle, de mettre au monde son enfant, seule, dans une maison déserte. Elle fera même face à un loup dans cet épisode, histoire de bien nous faire comprendre qu’il y a quelque chose de l’ordre d’un retour aux sources, à notre instinct animal, dans l’accouchement et la protection du bébé. Comme si l’espèce primait sur l’individu. C’est ce qui peut déranger dans The Handmaid’s Tale. Dans tous les cas, la maternité est sacralisée, que ce soit dans les rituels fabriqués de Gilead ou au contraire dans la vie dépouillée de toutes ses contraintes, à laquelle goûte brièvement June en début et en fin de saison.

The Handmaid’s Tale a volontiers été qualifiée de série féministe, et elle l’est à bien des égards. Cette question de la maternité, qui asservit la femme à l’espèce pour Simone de Beauvoir, est d’autant plus complexe et passionnante à explorer. Réduite en servitude, la mère biologique reste prédestinée à se sacrifier pour son enfant, à la fois bourreau et sauveur. C’est d’ailleurs ce qui arrive à June, qui ne se résout finalement pas à quitter Gilead sans sa première fille, Hannah, laissant la garde de Nichole à son amie, Emily. Cette dernière image d’une June plus déterminée que jamais à faire tomber le régime de l’intérieur, et à récupérer sa fille, contraste avec celle de la fin de la saison 1, où elle était embarquée par des sbires du régime. Cette fois, June va prendre son destin en main.

En France, The Handmaid’s Tale est diffusée sur OCS.