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La série Vikings est-elle fidèle à l’histoire ?

La série Vikings est-elle fidèle à l’histoire ?

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Par Anaïs Chatellier

Publié le

La quatrième saison de Vikings débarque enfin après près d’un an d’attente. L’occasion de faire un petit point historique avec des spécialistes sur la série à succès d’History Channel.
Spoilers Alert pour ceux qui n’ont encore vu les trois premières saisons (et qui feraient bien de s’y mettre rapidement).
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Inspirée de la vie tumultueuse de Ragnar Lothbrok, la série Viking a su conquérir un public de fidèles avides d’en savoir plus sur ces fameux “hommes du Nord” qui fascinent depuis des siècles. Si la série écrite et réalisée par Martin Hirst est si populaire, c’est parce que son réalisateur a su mêler un imaginaire déjà bien ancré autour des Vikings avec des personnages auxquels on s’attache, du sang, de l’amour et de l’action, quitte à parfois s’éloigner des faits historiques pour rendre la série plus spectaculaire.
D’ailleurs, Michael Hirst ne s’en cache pas. Il avait déjà pris quelques libertés avec Les Tudors et a réitéré l’expérience avec Vikings :

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Je ne pense pas qu’en tant qu’écrivain on cherche l’exactitude, parce qu’on ne peut pas être précis, à moins d’avoir été sur place et d’avoir vu les choses avec ses propres yeux. Ce qu’on recherche, c’est l’authenticité, la vraisemblance et si on peut y arriver, on s’approche de la vérité.

Si beaucoup d’historiens ont critiqué cette prise de liberté par rapport aux faits historiques, d’autres ont salué les efforts du show pour retranscrire l’époque des vikings.
Nous avons donc discuté avec deux spécialistes de la question, Richard Fremder, historien de formation, dirigeant de Temporium (société qui cherche à mettre en valeur la culture générale à travers sa radio et ses éditions), et Louise Kæmpe Henriksen, conservatrice au musée des navires Vikings à Oslo, sur quelques thèmes tels que les costumes, les personnages, la place des femmes ou encore la religion, pour savoir s’ils collaient vraiment à la réalité.

De la difficulté de connaître l’histoire des Vikings

Raconter avec exactitude l’histoire des Vikings n’est pas chose aisée. S’il nous reste en Europe des récits très précis d’événements, il semble important de rappeler qu’ils peuvent être très subjectifs et donner une vision biaisée de ce qui s’est passé.
C’est toute la beauté (et le danger) du travail de l’historien. Il doit être un enquêteur avec en général un seul témoignage, et la fiabilité que vous pouvez imaginer“, nous explique Richard Fremder. À l’époque, les populations occidentales vont trembler devant ces “barbares” venus du Nord, comme nous le rappelle l’historien :

Il faut imaginer la terreur que suscitait l’arrivée de ces bandes de pilleurs, déferlant avec une violence inouïe sur une Europe occidentale alors en paix et qui connaissait une véritable ère de prospérité. Du coup, il existe de nombreux fantasmes à leur sujet, notamment parce que ceux qui ont le plus témoigné de ces pillages en ont été les plus grandes victimes, lors des premières incursions vikings, à savoir les moines.

Des costumes aux bateaux, un effort de reconstitution historique

Le plus évident est le gouvernail mal placé à bâbord (gauche). C’est un détail très important dans le développement de la technologie maritime au cours de l’ère Viking.

Elle insiste également sur la place des boucliers sur le navire qui “non seulement bloquent la visibilité pour les rameurs et les empêchent de garder le rythme, mais pose aussi une situation potentiellement dangereuse alors que les boucliers pourraient capter l’eau”.
Malgré ces détails visibles uniquement par un oeil expérimenté, elle reconnaît que les créateurs ont réussi à dépeindre de manière assez fidèle les navires vikings, en respectant “les preuves historiques, archéologiques et l’imagerie viking représentée sur des pierres”.

Le personnage énigmatique de Ragnar

Chez les Vikings, des femmes libres dont le rôle est vital

La femme viking est considérée comme libre et joue un rôle vital. Dans la société viking, hommes et femmes sont avant tout de bons associés. Pas question ici d’une quelconque histoire d’amour… Le mariage est en réalité une affaire politique ou économique, le but étant de monter une association profitable pour chacun.
Si bien-sûr l’attachement et peut-être même l’amour peuvent découler de cette union, l’archéologie ne nous renseigne pas beaucoup sur ce type de liens. La coutume laisse à chaque membre du couple le droit de prendre une concubine ou un concubin non mariés, mais seulement si sa ou son conjoint l’accepte. Une union libre en quelque sorte !

L’importance de la religion chez les Vikings

Quand certaines dates historiques ne collent pas

Déjà, à cette époque, Paris n’est pas une forteresse. Il faut aussi avoir en tête qu’elle n’est pas encore la capitale du Royaume des Francs. C’est donc une ville ouverte, qui a ses ponts certes, mais face à l’armada qui va se présenter, ce n’est pas un pont qui va les arrêter. Ils sont entrés dans Paris en utilisant la tactique classique des Vikings, la surprise. Ragnar Lodbrok s’avance, de nuit, avec … 120 navires ! Ils s’avancent silencieusement, voiles et mâts abaissés jusque sous les petits remparts de l’île de la Cité.

Au petit matin, quand tout le monde est encore endormi ou juste un œil levé, vous avez alors 6.000 hommes hurlants qui sortent des navires et tuent (et plus si affinité) absolument tout sur leur passage… En pillant naturellement puisque le but recherché est le trésor.
Et la petite armée franque réunie tant bien que mal par Charles le Chauve se sauve en courant devant les hordes hurlantes. Voilà la véritable attaque de Paris, la première. Charles le Chauve finira par payer un énorme tribu à Ragnar, le danegeld (sorte de taxe mafieuse “tu paies pour être épargné”) pour qu’il quitte la ville sans trop de dégâts. Ce qu’il fera.


Malgré ces exemples d’inexactitudes historiques qui ont fait frémir plus d’un historien, Richard Fremder considère qu’ils ne sont pas si importants. Il a été davantage gêné par les dialogues, et surtout ce mélange d’accents parfois aberrant d’acteurs venus de toute part.
Il y a un vrai-faux effort. Les acteurs sont australiens, suédois, canadiens anglais, irlandais ou encore finlandais… mais ils ont tous des accents étranges qui ne ressemblent pas à grand-chose. Et lorsqu’ils se retrouvent face à des Anglais, la confusion est totale : la série étant en anglais, ils sont forcés de garder cette langue pour parler, mais les anglais leur répondent dans la langue de l’époque, qui n’est pas l’anglais“.
Il reste que malgré cela, la série possède de nombreux avantages pour des historiens avides de partager leur passion avec le plus grand nombre.

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