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Si vous aimez les séries d’espionnage façon Homeland, alors vous aimerez Condor

Si vous aimez les séries d’espionnage façon Homeland, alors vous aimerez Condor

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© Audience Network

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Par Adrien Delage

Publié le

Quand la CIA est infiltrée par une cellule terroriste, un jeune analyste de l’agence de renseignement doit se transformer en James Bond américain pour sauver le monde. Attention, spoilers.

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L’âge d’or des séries d’espionnage touche à sa fin : 24 heures chrono est déjà loin, The Americans a pris fin cette année, Le Bureau des légendes reste trop confidentielle, Homeland tire à sa fin… Heureusement, on peut compter sur les petites chaînes du câble américain pour nous surprendre avec des pépites estivales. Audience Network avait déjà frappé en 2017 avec le thriller (réussi) Mr. Mercedes, et voilà qu’elle s’attaque à la série d’espionnage avec Condor.

Le show est l’adaptation du roman Six Days of the Condor de James Grady, qui avait déjà été transposé en film en 1975 (Les Trois Jours du Condor) avec Robert Redford dans le rôle-titre. Pour la série, Les créateurs et showrunners par Todd Katzberg et Jason Smilovic (Mon meilleur ennemi) ont décidé de donner à la série, qui se déroule à Washington, un contexte contemporain. On y renoue avec Joe Turner, jeune idéaliste et analyste de la CIA, qui se retrouve pris au piège d’une immense conspiration après avoir façonné un logiciel capable de reconnaître les profils terroristes et découvert des irrégularités financières au sein de l’agence de renseignement.

Mon nom est Turner, Joe Turner

Autant ne pas tergiverser : Condor est un thriller politique classique dans sa forme mais hyper efficace dans sa narration. La série nous rappelle les heures grandioses des premières saisons d’Homeland, où un cliffhanger bienvenu nous poussait au binge-watching avant l’heure. Todd Katzberg et Jason Smilovic ont parfaitement réussi à rendre réaliste et contemporain cet imbroglio des années 1970, où Richard Nixon et Richard Helms, respectivement président des États-Unis et directeur de la CIA à l’époque, se menaient une guerre d’ego dangereuse pour la nation.

Cette mésentente a été marquée par des scandales historiques : le projet MKULTRA (manipulation mentale, sérum de vérité, expérience sur des corps humains) dont s’inspire Stranger Things et bien évidemment l’affaire notoire du Watergate. La série Condor ne se veut pas être une reconstitution mais plutôt une modernisation de l’histoire originale, en la transposant dans un paroxysme d’angoisse lié à la peur du terrorisme et l’imprévisibilité de ces criminels.

Ces derniers vont jusqu’à s’infiltrer parmi le groupe ultra-secret de Joe Turner, qui réchappe de justesse au massacre de son département. S’ensuit un jeu du chat et de la souris à perdre haleine entre lui, le gouvernement et le groupe de terroristes qui gangrène les cellules de Langley. Condor est portée par Max Irons (The White Queen), fils de Jeremy Irons, impeccable équilibriste offrant une palette de jeu qui oscille entre le génie brut et froid inspiré du héros de Mr. Robot et la fragilité touchante d’une Carrie Mathison.

Si le jeune acteur n’a pas le physique d’armoire à glace de Daniel Craig, son interprétation explosive, la course-poursuite infernale qui s’engage et les enjeux qui visent le monde entier (une arme chimique capable de se répandre aussi vite que la peste) font clairement référence à James Bond. Max Irons est entouré de rôles secondaires très convaincants, allant de l’impérial William Hurt (A History of Violence) à la saisissante Katherine Cunningham (Chicago Fire), en passant par l’inénarrable Brendan Fraser (la trilogie de La Momie), décidément très en forme depuis son retour dans le biopic Trust.

Mais à la différence de The Americans et Homeland, Condor a trop souvent le défaut d’étirer son format en faisant appel au pathos et pas assez à la critique politique. Les épisodes sont souvent rallongés par une surabondance de dialogues très verbeux qui freinent le rythme du thriller. Si l’histoire d’amour naissante entre Joe et Kathy est crédible et intrigante en raison du phénomène du syndrome de Stockholm qui se crée entre eux, on se serait bien passé d’un épisode entier dans la maison de la jeune femme, qui finit par déguerpir à toute allure à l’arrivée des forces spéciales, décidément longues à la détente.

Le tout manque parfois de cohérence mais la palette de personnages est réellement fascinante : analystes, bureaucrates, militaires, agents doubles se retrouvent pris au piège d’une conspiration internationale qui les dépasse. Avec un budget modeste et un casting carré, Condor parvient à mettre en lumière les rouages de sécurité vieillissants et prévisibles d’une Amérique paranoïaque, ravivant les souvenirs de la Guerre froide parmi son peuple. Ces derniers, symbolisés par le piège qui se referme bien malgré lui sur Joe Turner, ne sont que le résultat d’une politique protectionniste qui est parvenue à isoler ses citoyens et à rendre étriquée leur vision du monde. Troublant et passionnant à suivre.

En France, la première saison de Condor reste inédite.