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Taken, la série flemmarde par excellence

Taken, la série flemmarde par excellence

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Par Adrien Delage

Publié le

Le show de NBC n’a conservé de la franchise Taken que le nom, même s’il reste un divertissement correct si vous êtes en manque d’intrigues sous stéroïdes. Attention, spoilers.

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L’année sérielle 2016-2017 a été marquée par le retour en force des adaptions de films en séries. Pour certaines, comme Lethal Weapon, ce recyclage scénaristique a fonctionné tandis que Rush Hour et compagnie ont rapidement été écartées du calendrier de leur diffuseur. L’une d’entre elles a attiré plusieurs millions de curieux sans pour autant briller de mille feux. Il s’agit de la série Taken, adaptée de la trilogie ciné lancée par Luc Besson en 2004, et qui vient tout juste d’être renouvelée par NBC pour une deuxième saison.

Au lieu de simplement raconter dans une version fragmentée l’histoire du personnage incarné par Liam Neeson, le scénariste Alexander Cary (Homeland) a préféré opter pour un prequel. Le show Taken offre un aperçu inédit des jeunes années de Bryan Mills, alors qu’il intègre une cellule secrète de la CIA. Pour jouer l’agent dans la fleur de l’âge, Alexander Cary et son équipe ont casté Clive Standen, un visage que les fans de Vikings connaissent mieux sous le nom de Rollo. En soit, l’acteur a la carrure, le charisme et la gueule de l’emploi pour enchaîner les clés de bras et les coups de genoux dans l’estomac.

Après dix épisodes au compteur, Taken fonctionne plutôt bien en tant qu’objet sériel divertissant. Le schéma de narration, ultrabasique, s’apparente à celui des dramas procéduraux, suivant une enquête/meurtre par épisode. Un fil rouge conducteur reste en surface : la vendetta de Bryan Mills contre un terroriste qui a assassiné sa sœur de sang-froid. Cette soif de vengeance évoque irrémédiablement la franchise de Luc Besson, mais c’est bien le seul aspect qui respecte les longs-métrages. Taken reste avant tout une production formatée et impersonnelle, archétype de la série flemmarde par excellence qui se regarde en fond en faisant la vaisselle ou en révisant.

Une coquille vide

La série Taken souffre d’un syndrome qui frappe toute la pop culture actuelle : l’appropriation d’un univers bien identifié pour une déclinaison fadasse. Pour attirer le chaland, la série se réclame d’un univers connu et apprécié des fans, mais dans ce prequel, l’esprit de la franchise Taken a disparu. Comme je l’avais évoqué après la diffusion du pilote, le show de NBC manque grandement de nervosité, d’un nœud de tension haletant et de scènes d’action musclées pour coller à l’atmosphère des films.

Évidemment, le sujet principal de Taken a été modifié pour deux raisons narratives. La première correspond à l’antériorité de l’action, vu que Bryan Mills commence tout juste à mettre au point ses techniques particulières pour botter des culs. La seconde concerne un besoin (minimum) de cohérence. Bryan ne pouvait pas passer la majorité de son temps dans la série à sauver un membre de son entourage qui aurait été kidnappé. Ou alors le mec aurait la vie la plus pourrie de l’histoire. Du coup, Alexander Cary et son équipe de scénaristes nous plongent à chaque nouvel épisode dans une affaire différente, générant un rythme plutôt déséquilibré et des intrigues très inégales.

On ne retrouve pas la rage qui animait Liam Neeson (même si Clive Standen n’a pas de quoi rougir dans la peau de Bryan), la tension et la détresse qui se dégageaient des victimes ou encore les punchlines si marquantes du premier film, la glaçante “je vous trouverai et je vous tuerai” en tête. La série Taken n’est même pas un ersatz de la trilogie initiale puisque les deux œuvres n’ont pas grand chose en commun. Elle n’apporte absolument rien au matériel de base (bon, OK, les deux suites filmiques non plus) et saura difficilement satisfaire l’appétit des fans de la saga.

Les séquences d’action sont également moins inventives et brutales dans le show. Certes, il est impossible de voir du sang couler à flot et des os se briser en deux à une heure de grande audience sur un network américain, mais les chorégraphies de combat sont rarement plus réalistes et crédibles que celles d’Arrow et The 100. Seul point positif au niveau de ce scénario sans queue ni tête, Alexander Cary et sa team évitent de tomber dans les clichés raciaux comme a pu le faire 24: Legacy.

Dans l’épisode 5, Bryan et son équipe doivent affronter un terroriste israélien chargé de massacrer des civils innocents à l’aide de ceintures explosives. Pour ce faire, ces derniers utilisent leur propre peuple comme bombe vivante. Malgré les solutions souvent radicales de son unité, et le fameux “on ne négocie pas avec les terroristes”, Bryan choisit de risquer sa vie pour rester avec la victime et la sauver. Ils travailleront main dans la main pour protéger les populations américaines et musulmanes. Un message positif qui soulage et fait plaisir à voir dans le contexte actuel.

“Pas la peine, mamen, la flemme”

Outre cette trahison de l’ADN de Taken, il plane sur la série un véritable nuage de flemmardise. L’écriture des affaires et des dialogues, les séquences d’action sans éclat et l’évolution des personnages sont d’une banalité affligeante. Tout au long de la première saison, on ressent la triste impression que les scénaristes disposent çà et là les éléments de l’histoire et ses rebondissements sans véritable cohérence. Ils n’hésitent pas à saupoudrer le tout d’un soupçon de drama et de romance mielleuse sans réel intérêt, pour que le spectateur ressentent de l’empathie envers le personnage de Bryan Mills.

Il y avait pourtant un filon à travailler en crescendo, celui qui aurait exploré comment Bryan est devenu ce père austère, grave et violent dans la trilogie et pourquoi le monde entier semble lui en vouloir en kidnappant au fur et à mesure les membres de sa famille. Je reviens dessus encore une fois, mais pour une série orientée action, les scénaristes auraient clairement pu faire un effort dans la mise en scène des combats, quitte à bannir les atroces mouvements de “shaky cam” qui hantent le cinéma de ce genre à notre époque. Au lieu de ça, le scénario multiplie les incohérences et prône une forme d’héroïsme individualiste à l’américaine vu et revu. En résumé, la série est traversée par un air d’inachevé et de brouillon qui découragera plus d’un sériephile d’aller jusqu’au bout.

Malgré tout, on reste accroché à Taken dans l’espoir de voir quelques jambes se fendre en deux et des techniques de krav-maga bien vénères. Ou encore pour suivre cet antihéros avide de vengeance s’enfoncer paradoxalement dans ses problèmes en tentant de les résoudre, véritable allégorie du proverbe “la fin justifie les moyens”. Le season finale laisse espérer un potentiel rapprochement avec l’esprit des longs-métrages. Avec le changement de showrunner annoncé, la série Taken a toutes ses chances pour reprendre un chemin plus musclé et dramatique dans la même veine que le premier film. Bref, “bon chance” Bryan Mills.

En France, la saison 1 de Taken est disponible sur SFR Play.