The 100, une allégorie sociopolitique et une exploration du leadership trop sous-estimée

The 100, une allégorie sociopolitique et une exploration du leadership trop sous-estimée

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Par Florian Ques

Publié le

On a beau critiquer The 100, il suffit de s’y attarder pour apprécier son regard particulièrement affûté sur la politique et le leadership . Attention, spoilers !

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Et si un teen show dystopique était la meilleure métaphore sociopolitique actuellement à l’antenne ? Sous ses airs de récit de science-fiction au rythme effréné, The 100 est lourde de sens à bien des niveaux.

Jeux de pouvoir et conflits d’intérêts

Les ados de la série se méprisent, se bastonnent et, parfois, s’entretuent. Sur bien des aspects, leurs comportements sont très loin d’être exemplaires. Leurs conditions de vie, quant à elles, ne sont clairement pas enviables. Cela dit, sous la surface, il y a quelque chose de remarquable dans la microsociété de The 100 : l’absence de minorités. Ici, pas de racisme, pas de sexisme, pas d’homophobie. Une véritable utopie, à s’y méprendre. Pour autant, les rapports de force et les inégalités sont légion.

Les femmes sont placées sur le même pied d’égalité que les hommes. De Clarke à Octavia en passant par la regrettée Lexa, les nanas de The 100 sont souvent les plus badass du show et ne sont pas là pour répondre à des stéréotypes usés et surexploités. Sur le plan de l’inclusion, la série se démarque et accorde à toutes les orientations sexuelles le même traitement. Lincoln et Indra, pour ne citer qu’eux, sont des personnages de couleur et pourtant cela ne les définit à aucun moment. Dans notre monde, ces facteurs (le sexe, la couleur de peau, l’orientation sexuelle…) divisent et organisent. Dans The 100, le clivage surpasse ces notions.

Suite à l’holocauste nucléaire ayant ravagé notre Planète bleue (le postulat de base de la série, en somme), la population survivante s’est vue divisée. Certains se sont exilés sur l’Arche dans l’espace, d’autres sont parvenus à subsister sur Terre. Une autre communauté de survivants s’est complètement cloisonnée dans une cité souterraine (RIP Mont Weather). Très vite, des conflits sont nés avec un premier fondement irréfutable : le privilège.

Les Grounders éprouvent une haine étrangement innée pour le peuple du ciel, les fameux Skaikru, pour la simple et bonne raison que ces derniers ont survécu dans des conditions préférables. A contrario, Lexa et ses disciples ont dû faire face aux taux fluctuants de radioactivité ainsi qu’à une faune impardonnable. La mise en place d’un rapport de force apparaît alors comme inéluctable.

Vient s’ajouter la dimension spirituelle. Clarke et son clan opèrent d’après un fonctionnement purement pragmatique et s’efforcent, en théorie, d’agir selon la logique et la raison humaine. Inversement, les Grounders sont ancrés dans la tradition et la croyance avec une structure hiérarchique très stricte. Là où les premiers se démènent à maintenir une démocratie trop souvent chancelante, les autres se basent sur cet artefact miraculeux qu’est la Flamme et le concept de “Heda” pour mener la nation. Cette dualité n’est pas sans faire écho à des régimes politiques ayant déjà existé : la démocratie représentative face à la monarchie de droit divin.

Un reflet sociétal troublant

Sans faire dans le prémâché, The 100 transpose à sa manière notre société contemporaine pour mettre en lumière ses travers persistants. Elle revisite l’Histoire, comme pour nous rafraîchir subtilement la mémoire. À l’instar d’un Trump voulant construire un mur entre les États-Unis et le Mexique, voire un Royaume-Uni souhaitant prendre ses distances avec l’Union Européenne post-Brexit, les tribus de The 100 tiennent à préserver leurs frontières. La répartition de l’espace géographique, ainsi que les ressources allant de pair, occupent une place aussi importante IRL que dans le monde post-apocalyptique de la série.

En protégeant son territoire, tout peuple entreprend de garantir ses conditions de vie. La saison 3 de The 100 met en avant le personnage de Pike. Issu des Skaikru, ce dernier capitalise sur la peur de l’autre pour rallier les gens à sa cause et prendre le contrôle. Sa soif de pouvoir, associée à une xénophobie bien sentie, le conduit à adopter un comportement irascible et borderline. Une approche qui n’est peut-être pas sans rappeler notre Marine Le Pen nationale ?

Dans un tout autre registre, la troisième saison fait aussi la part belle à ALIE, l’intelligence artificielle ayant voulu prendre le dessus sur la race humaine en offrant un paradis numérique pour les âmes en peine. Dans une réalité aussi désolante et pessimiste que celle de The 100, nombreux sont les individus en quête d’un refuge. C’est ce que proposait ALIE : une échappatoire à ce quotidien morose. Une situation faisant irrémédiablement écho à l’idée de religion. Le désir irrépressible de salut, la volonté de rallier ses camarades à sa cause. Jaha, le fervent suiveur d’ALIE, pourrait même être qualifié de messie dans cette métaphore.

Dans les derniers épisodes de la quatrième saison, Kane et Bellamy entreprennent de maintenir la coalition en place avec Roan, fraîchement au pouvoir, mais cumulent les secrets et les complots. De même, à l’approche imminente d’une nouvelle catastrophe nucléaire, Clarke est chargée d’une décision déterminante : avertir son peuple qu’une fois réparée, l’Arche ne pourra accueillir qu’une centaine de personnes. Elle préfèrera le mensonge par omission pour éviter toute potentielle émeute.

Quant au peuple de Skaikru lui-même, il représente avec brio notre société actuelle : éternellement insatisfaite, constamment à cran, mais sans aucune volonté de prendre le taureau par les cornes et réclamer le pouvoir. On l’aura compris, les jeux d’influence sont monnaie courante pour les personnages de The 100. En saison 4, Clarke se retrouve dans la même situation que son père avant elle : agir selon sa bonne conscience ou privilégier le calcul et la raison. Il en découle un constat tristement fataliste, en l’occurrence l’idée que l’on n’apprend pas de nos erreurs passées. Tel un cycle infernal, tout est amené à se reproduire. Les manuels d’Histoire ne prétendront pas le contraire.

Somme toute, en dépit des nombreux aprioris dont elle est victime depuis son lancement, The 100 a beaucoup de choses à dire. À son paroxysme, le genre de la science-fiction sait comment mettre en exergue les imperfections et dysfonctionnements de la condition humaine. Sur ce plan-là, et sans aucune prétention, la série de la CW s’en tire avec les honneurs.

La saison 4 de la série est actuellement en diffusion outre-Atlantique sur The CW.